Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2018 sous le n° 18BX01851, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 4 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de quinze jour à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- il est entaché d'incompétence de son auteur : la délégation de signature accordée par le préfet est trop large ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- cette décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut de prise en charge pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour lequel il n'existe pas de traitement approprié en Arménie ; si l'une des fiches " medcoi " produite par le préfet pour établir qu'un traitement contre le diabète est disponible en Arménie, il n'est pas précisé s'il s'agit d'un diabète de type 2, identique à celui dont il souffre ; en outre, selon cette même fiche, le médicament serait disponible dans une clinique privée de sorte qu'il n'aurait pas les moyens de se procurer ce médicament sur le long terme en l'absence d'aide financière à la prise en charge de son traitement.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement nécessité par son état de santé n'est pas disponible en Arménie ;
- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : il réside en France depuis le 23 décembre 2009 et il a bénéficié de plusieurs titres de séjour du fait de son état de santé depuis le 23 janvier 2013 ce qui lui a permis de travailler ; son épouse réside également sur le territoire national depuis le 1er avril 2014 et elle est bien intégrée ; son fils est aussi présent en France et est titulaire d'un titre de séjour pluriannuel du fait de son état de santé et ce dernier a besoin de sa présence à ses côtés ; enfin, la décision d'éloignement en cause le prive de la possibilité de bénéficier de soins indispensables à sa survie ;
- cette décision méconnaît également les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les principes posés par ces textes impliquent nécessairement le droit à la protection de la santé et le droit à l'accès aux soins en cas de pathologie médicales dont le défaut de prise en charge entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays à destination duquel il serait renvoyé :
- elle est illégale par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît également l'article 3 de cette convention.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2018, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés et déclare se rapporter à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 12 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 13 août 2018.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Deborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant arménien né le 7 juillet 1960, est, selon ses dires, entré en France le 23 décembre 2009 et y a sollicité le bénéfice de l'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 24 janvier 2011, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 mars 2012. Il a ensuite bénéficié de plusieurs titres de séjour délivrés sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile dont le dernier a expiré le 7 janvier 2017. Par un arrêté du 4 décembre 2017 le préfet de la Vienne a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. M. D...relève appel du jugement du 11 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté dans son ensemble :
2. L'arrêté attaqué du 4 décembre 2017 a été signé par M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, qui a reçu, par un arrêté du 2 novembre 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, délégation de signature du préfet de la Vienne. Si le requérant soutient que cette délégation serait trop générale, l'article 3 de cet arrêté habilite M. C...à signer toute décision afférente à l'application de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le signataire de l'arrêté litigieux a été régulièrement habilité par une délégation de signature qui est suffisamment précise.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, M. D...reprend en appel, dans des termes identiques, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". L'article R. 313-22 de ce code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) émet un avis précisant notamment si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, et si, eu égard à l'offre de soin et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
5. L'avis émis le 19 juillet 2017 par le collège de médecins de l'OFII, produit par le préfet devant le tribunal, indique que si l'état de santé de M. D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié.
6. Il ressort des pièces du dossier que M.D..., à qui incombe la charge de la preuve des données permettant d'infirmer l'avis du collège de médecins, produit, à l'appui de ses allégations selon lesquelles le traitement requis par son état de santé ne serait pas disponible dans son pays d'origine, plusieurs certificats médicaux. Toutefois, les certificats établis par le professeur Hadjadj le 22 décembre 2017 et le 26 avril 2018, les seuls qui se prononcent sur la disponibilité en Arménie du traitement prescrit à M.D..., se bornent à énoncer qu'un certain nombre de médicaments prescrits à l'intéressé ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, que " le traitement avec Lantus et Novorapid n'est pas réalisable ailleurs qu'en France " et que les médicaments prescrits sont en rupture d'approvisionnement en Arménie, ce qui rendrait le retour de M. D...risqué sur le plan médical. En outre, le requérant ne produit aucun élément de nature à établir qu'il ne pourrait bénéficier en Arménie de médicaments génériques ou substituables à ceux qui lui sont délivrés en France, alors que le préfet produit des informations en ce sens. Par suite, la décision attaquée n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour à l'encontre de celle l'obligeant à quitter le territoire français.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...). ".
9. M. D...pouvant bénéficier d'un traitement médical approprié en Albanie, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
10. En troisième et dernier lieu, M. D...reprend en appel, dans des termes identiques, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de ce que la décision attaquée porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et de ce que cette décision méconnaîtrait les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales . Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de celle fixant le pays à destination duquel il serait renvoyé.
12. En second lieu, M. D...reprend en appel, dans des termes identiques, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de ce que la décision attaquée porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et de ce que cette décision méconnaîtrait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales . Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2017 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier-conseiller,
Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.
Le premier conseiller,
Paul-André Braud
Le président-rapporteur,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°18BX01851