Procédure devant la cour :
Par une requête, un bordereau de communication de pièces et un mémoire enregistrés les 9 mai 2018 et 7 septembre 2018, M. E...C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2017 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir une carte de résident en application de l'article 1er de l'accord franco-marocain du 9 août 1987 ou un titre de séjour portant la mention " salarié " en application de l'article 3 dudit accord ou de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute de prendre en compte l'intégralité des pièces transmises, lesquelles démontrent l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet ;
-le refus de renouvellement de titre de séjour est insuffisamment motivé car il se fonde sur le défaut d'autorisation de travail alors qu'une telle autorisation n'était pas requise ;
- le préfet de la Gironde aurait dû consulter préalablement la commission du titre de séjour ;
- le refus de renouvellement de titre de séjour méconnaît les stipulations des articles 1 et 3 de l'accord franco-marocain du 9 août 1987 ainsi que les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur d'appréciation dès lors qu'il démontre avoir résidé de manière régulière pendant trois ans sur le territoire français. De plus, il n'avait pas besoin d'autorisation de travail pour maintenir son contrat de travail signé le 25 avril 2016 puisqu'à cette date son titre de séjour renouvelé était toujours valide ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 2, 3, 8 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il vit maritalement avec Mme D...A...et qu'un enfant est né de cette union le 24 novembre 2016. L'arrêté aura nécessairement pour effet de séparer l'enfant de l'un de ses deux parents ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit maritalement avec Mme D...A...et qu'un enfant est né de cette union le 24 novembre 2016 ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un détournement de procédure dès lors que le préfet a transmis sa demande d'autorisation de travail en qualité d'agent de service pour la société Azur à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi alors qu'il n'avait pas besoin d'une autorisation de la part de celle-ci.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête :
Il fait valoir que :
- la requête d'appel de M. C...est tardive, le jugement attaqué ayant été notifié le 12 avril 2018 et la requête n'ayant été enregistrée que le 9 mai 2018, soit postérieurement à l'expiration du délai d'un mois, à moins que le requérant n'établisse avoir sollicité l'aide juridictionnelle et ne produise la décision prise sur cette demande pour accréditer la recevabilité ;
- les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 septembre 2018 à midi.
M. E...C...n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 21 juin 2018 constatant la caducité de sa demande.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud, premier-conseiller ;
- et les observations de Me B...représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. E...C..., ressortissant marocain né le 20 juin 1989 à Sidi Slimane (Maroc), est entré en France le 28 août 2014 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française valable jusqu'au 11 août 2015 puis a obtenu un titre de séjour valable jusqu'au 11 août 2016. A la suite de son divorce prononcé le 5 janvier 2016, M. C...a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 14 juin 2016 tout en demandant un changement de statut en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Par un arrêté du 27 septembre 2017, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. C...soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas pris en compte l'intégralité des pièces transmises, lesquelles ne permettaient que de conclure à l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation. Cependant, cette critique ne se rattache pas à la motivation du jugement attaqué, mais à son bien-fondé, lequel est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur la légalité de l'arrêté du 27 septembre 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, M. C...reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ".
5. Le préfet n'est tenu, en application des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Or M. C...n'établit ni même n'allègue pouvoir prétendre à l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées dans l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou sur des dispositions équivalentes. Par suite, le préfet de la Gironde n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains résidant en France et titulaires, à la date d'entrée en vigueur du présent Accord, d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans bénéficient de plein droit, à l'expiration du titre qu'ils détiennent, d'une carte de résident valable dix ans. / Cette carte est renouvelable de plein droit pour une durée de dix ans. Elle vaut autorisation de séjourner sur le territoire de la République française et d'exercer, dans ses départements européens, toute profession salariée ou non. ".
7. Il est constant que M. C...n'est entré en France que le 28 août 2014, postérieurement à l'entrée en vigueur de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Dès lors, faute de justifier de résider en France à la date d'entrée en vigueur de cet accord et d'être titulaire à cette même date d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans, M. C...ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 1er de l'accord franco-marocain.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ".
9. L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail.
10. S'agissant du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain, il n'est pas contesté que M. C...n'est titulaire ni d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes " ni d'une autorisation de travail. La circonstance qu'il était titulaire, à la date de la signature du contrat de travail dont il se prévaut, le 25 avril 2016, d'une autorisation de travailler, ne saurait l'exonérer de l'obligation susmentionnée. Dans ces conditions, il ne peut prétendre à l'octroi d'un titre de séjour en vertu des stipulations de cet alinéa. M. C...ne peut pas davantage se prévaloir des stipulations du deuxième alinéa de cet article, lesquelles ne sont applicables qu'aux " ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent ", soit les ressortissants titulaires d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'accord franco-marocain.
11. En cinquième lieu, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, M. C...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'est pas applicable aux ressortissants marocains.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre de l'un des documents mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 311-1, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : (...) Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire (...) ".
13. A supposer même que les dispositions de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soient applicables aux ressortissants marocains, M. C...n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle sur le fondement de cet article et ne satisfait au demeurant pas à la condition de continuer de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire dès lors qu'il était précédemment titulaire d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français et que le divorce a été prononcé le 5 janvier 2016. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français comparées à celles dont il dispose dans son pays d'origine, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.
15. M. C...réside en France depuis août 2014 pour rejoindre son épouse, de nationalité française, dont il a divorcé le 5 janvier 2016. M. C...se prévaut de la présence régulière en France de sa nouvelle compagne avec laquelle il a eu un enfant né le 24 novembre 2016. Cependant, à la date de l'arrêté contesté ce concubinage est récent. En outre, M. C...n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans et où résident ses parents et l'ensemble de sa fratrie. Dans ces circonstances, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
16. En deuxième lieu, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
17. M. C...n'apporte aucun élément de nature à faire obstacle à ce que la cellule familiale se reconstruise dans le pays d'origine dès lors que la mère de son enfant est également de nationalité marocaine. De plus, eu égard à son jeune âge, le fils de M. C...n'a que très peu vécu sur le territoire français et n'y est pas scolarisé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 ne peut qu'être écarté.
18. En troisième lieu, M. C...reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de la méconnaissances des stipulations des articles 2, 8 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Gironde, que M. E...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 27 septembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
Mme Agnés Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le rapporteur,
Paul-André BraudLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX01858