I) Par une requête enregistrée le 24 mai 2018 sous le n°18BX02063, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 18 avril 2018.
Il soutient que :
- Mme C...n'a pas été privée de son droit d'être entendue avant d'être placée en rétention administrative ; elle a pu présenter ses observations lors de son audition par les services de gendarmerie le 23 mars 2018 et n'a pas, à cette occasion, fait part d'éléments nouveaux en vue d'un réexamen de sa demande d'asile ;
- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'intéressée séjourne irrégulièrement en France depuis 2000 ; ses demandes d'asile ont toutes été rejetées ; elle a été condamnée pour vol à deux reprises ; son ultime demande d'asile n'a été introduite qu'après son placement en rétention administrative ; ces critères objectifs fondent le caractère dilatoire de cette demande d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2018, MmeC..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne, à ce qu'il lui soit enjoint de lui délivrer une attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions de l'article 37 alinéa deux et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- son droit d'être entendu, découlant de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ; le préfet ne lui a, à aucun moment, permis de faire des observations écrites ou orales ;
- la décision décidant de son maintien en rétention administrative est insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'énonce pas les critères objectifs qui lui permettent d'affirmer que sa demande d'asile est dilatoire ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; elle présente des garanties de représentation suffisantes de telle sorte qu'elle pouvait bénéficier d'une assignation à résidence ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation car elle présente des craintes de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Mongolie, corroborées par les documents produits obtenus récemment.
II) Par une requête enregistrée le 24 mai 2018 sous le n°18BX02064, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n°1801594 du 18 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 30 mars 2018 portant maintien en rétention administrative à l'encontre de MmeC....
Il soutient que sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par MmeC....
Par deux ordonnances du 11 juin 2018 la clôture de l'instruction a été fixée, dans les instances n°18BX02063 et 18BX02064, au 16 juillet 2018 à 12 heures.
Par une décision du 25 novembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a décidé le maintien de plein droit de Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...veuveB..., ressortissante mongole, a déclaré être entrée en France une première fois en 2000, y a sollicité le bénéfice de l'asile le 1er août 2002 et sa demande a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile. Elle est entrée une nouvelle fois en France en 2010, selon ses déclarations. Le 5 mai 2017, Mme C...a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, déclarée irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 mai 2017. Par décisions du 24 mars 2018, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français et l'a placée en rétention administrative à Toulouse. Alors en rétention, l'intéressée a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile le 29 mars 2018. Par un arrêté du 30 mars 2018, le préfet de la Haute-Garonne l'a maintenue en rétention administrative le temps de l'examen de sa demande d'asile. Par une requête enregistrée sous le n°18BX02063, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 18 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 30 mars 2018. Par une requête enregistrée sous le n°18BX02064, le préfet de la Haute-Garonne demande qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour annuler l'arrêté contesté du 30 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a estimé, d'une part, que Mme C...avait été privée du droit d'être entendue avant d'être placée en rétention administrative, ce qui a eu pour effet de la priver d'une garantie et d'entacher la procédure d'irrégularité, d'autre part, que l'arrêté avait été pris en méconnaissance de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'établissait pas, sur le fondement de critères objectifs, que la demande d'asile présentée en rétention administrative, l'aurait été dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement.
3. En premier lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour et de recourir à un conseil juridique pour bénéficier de l'assistance de ce dernier lors de son audition par cette autorité. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision le maintenant en rétention pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celui-ci, dans l'attente de son départ, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressée, produit pour la première fois en appel par le préfet, que Mme C...a été entendue par les services de gendarmerie le 23 mars 2018 avant d'être placée en rétention administrative et qu'elle a été spécifiquement interrogée sur les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français ainsi que sur sa situation personnelle et familiale en France et dans son pays d'origine. Elle a alors eu la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître ses observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Si elle a indiqué aux services de gendarmerie avoir déposé plusieurs demandes d'asile en France sous diverses identités, elle a également déclaré avoir renoncé à demander l'asile en France et avoir déposé une demande auprès de l'OFII en vue d'obtenir une aide pour retourner dans son pays d'origine. Ainsi, elle n'a pas fait connaître sa volonté de demander l'asile et encore moins indiqué disposer de nouveaux éléments dont elle aurait entendu se prévaloir à l'occasion du réexamen d'une nouvelle demande d'asile. Dans ces conditions, la procédure suivie par le préfet de la Haute-Garonne, qui n'a pas privé l'intéressée de son droit d'être entendue avant d'être placée en rétention administrative, n'a pas porté atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-187 du 20 mars 2018 applicable : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut procéder pendant la rétention à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande conformément à l'article L. 742-1 et, le cas échéant, à l'exécution d'office du transfert dans les conditions prévues à l'article L. 742-5. Si la France est l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. (...) La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. (...) ".
6. Il ressort de ces dispositions que, hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, prise en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile. Toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...est entrée en France une première fois en 2001 où elle a déposé une demande d'asile qui a été jugée irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et rejetée par la Cour nationale du droit d'asile. Elle est ensuite retournée en Mongolie en 2007 puis est à nouveau entrée sur le territoire national en 2010. Elle a demandé le réexamen de sa demande d'asile le 5 mai 2017, laquelle a également été jugé irrecevable. Comme il a été dit au point 4, elle a déclaré au service de gendarmerie lors de son audition du 23 mars 2018 qu'elle avait mis un terme à ses démarches relatives à sa demande de réexamen au titre de l'asile et qu'elle souhaitait rentrer dans son pays d'origine, en invoquant notamment l'état de santé de sa mère et l'isolement de son fils, restés en Mongolie. Si elle soutient, en appel, qu'elle fait l'objet d'un mandat de recherche des autorités mongoles du fait de son engagement auprès d'une organisation non gouvernementale oeuvrant contre le trafic d'êtres humains en Mongolie, et produit, à cet effet, la traduction d'un document qu'elle présente comme étant un avis de recherche émanant des services de la police mongole, non circonstancié et de faible valeur probante, il ne ressort nullement des pièces du dossier et notamment des procès verbaux de ses auditions qu'elle ait fait état de risques de persécutions de la part des autorités de son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet, qui ne s'est pas fondé uniquement sur la circonstance que la demande d'asile avait été présentée postérieurement au placement en rétention, a pu à bon droit, et sans commettre une erreur d'appréciation au vu de ces données objectives, estimer que cette demande avait été présentée par l'intéressée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, et décider en conséquence de maintenir son placement en rétention pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu les deux moyens susmentionnés pour annuler son arrêté du 30 mars 2018. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Toulouse et devant la cour.
9. L'arrêté querellé vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable. Il énonce également les éléments relatifs à la situation de MmeC..., notamment le fait qu'elle a déposé une demande d'asile le 1er août 2001 rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, qu'elle a sollicité le réexamen de cette demande qui a été déclarée irrecevable par l'office le 19 mai 2007, qu'elle a été interpelée le 23 mai 2018 dans le cadre de vols aggravés et qu'elle n'a fait connaitre aucune intention de voir sa demande d'asile à nouveau examinée lors de son audition du même jour. Par ses éléments, le préfet a déduit que la demande d'asile présentée par l'intéressée, postérieure à son placement en rétention, devait être regardée comme n'ayant été introduite qu'en vue de faire échec à son éloignement. Le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de la requérante, a ainsi énoncé de manière suffisamment précise les circonstances de droit et de fait qui fondent la décision en litige et a procédé à un examen circonstancié de sa situation. Par suite, la décision portant maintien du placement en rétention est suffisamment motivée.
10. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
11. Si Mme C...soutient que la décision attaquée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'arrêté attaqué a seulement pour objet le maintien en rétention de l'intéressée et ne fixe pas le pays à destination duquel elle doit être éloignée. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 30 mars 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, rejetant les conclusions présentées à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 mars 2018, n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur la requête aux fins de sursis à exécution :
14. Le présent arrêt, qui statue sur la requête du préfet de Tarn-et-Garonne à fin d'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 18 avril 2018, rend sans objet ses conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 alinéa deux et L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme sollicitée par Mme C...veuve B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°18BX02064.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n°1801594 du 18 avril 2018 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme D...C...veuve B...devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...veuveB..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
Mme Agnès Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le rapporteur,
Agnès Bourjol
Le président,
Marianne Pouget
La greffière,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX02063, 18BX02064