Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 mars 2017, le 15 février 2018 et le 15 mai 2018, l'association de protection des sites de Saints-Clément-des-Baleines, MmeE..., M. de la Baume, Mme A...et M.C..., représentés par la SCP D...-Kolenc, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 janvier 2017 ;
2°) d'annuler la délibération du 14 novembre 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Clément-des-Baleines a approuvé la modification n° 6 de son plan d'occupation des sols ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Clément-des-Baleines la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le projet de modification n° 6 n'a pas été mis à disposition des conseillers municipaux pendant la séance du 14 novembre 2013, ni même avant celle-ci, et aucune des précédentes réunions du conseil municipal n'a traité du projet définitif de modification ; de plus la commune ne justifie pas de la tenue d'une réunion préparatoire du 7 novembre 2013, ni de la convocation des conseillers à cette réunion ; en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, l'information des conseillers municipaux n'a donc pas été suffisante, ce qui les a privés d'une garantie ;
- en méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-13-2 du code de l'urbanisme, l'absence des avis des personnes publiques associées dans le dossier d'enquête publique, notamment de celui de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), n'a pas permis une information complète et suffisante du public ;
- en l'absence de réponse aux observations concernant le risque de submersion, l'avis du commissaire enquêteur est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article R. 123-12 du code de l'environnement ;
- le caractère submersible de la zone ouverte à l'urbanisation ainsi que le remblai prévu pour prendre en compte les risques d'inondation sont de nature à induire de graves risques de nuisance pour les futurs habitants et les voisins du projet ; conformément aux dispositions des articles L. 123-13 et L. 123-13-1 du code de l'urbanisme, une procédure de révision aurait par conséquent dû être suivie à la place de la procédure de modification ;
- l'ouverture de la zone à l'urbanisation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la modification n° 6 renvoie au futur plan de prévision des risques naturels, notamment en ce qui concerne la fixation des cotes de plancher minimales, alors que celui-ci classe l'espace ouvert à l'urbanisation en zone inondable inconstructible ; de plus, l'ancien plan de prévention des risques naturels de 2002 interdit la construction de tout élément susceptible de modifier l'écoulement des eaux, notamment les remblais ;
- la délibération subordonne la fixation des cotes de plancher au futur plan de prévention des risques naturels ; or, le zonage établi par le plan de prévention des risques naturels approuvé par arrêté du préfet de la Charente Maritime du 15 février 2018 classe la zone du " Moulin Rouge " en zone RS2 et RS3 ; en zone RS2 et en zone RS 3, l'inconstructibilité est la règle générale ; la réalisation d'un remblai n'est pas permise par les dispositions du règlement du plan de prévention des risques naturels ; la modification litigieuse a pour effet d'ouvrir à l'urbanisation le secteur du " Moulin Rouge " pour y implanter des logements sociaux, ce qui aura pour effet d'augmenter la population exposée au risque de submersion marine ; la circonstance que la commune de Saint-Clément-des-Baleines souhaite implanter une zone d'intérêt stratégique est sans influence sur l'erreur manifeste d'appréciation dont est entachée la délibération attaquée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er février 2018, le 8 février 2018 et le 23 février 2018, la commune de Saint-Clément-des-Baleines conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun élément probant n'est produit par les appelants au soutien de leur démonstration concernant l'insuffisance de l'information des membres du conseil municipal ; la convocation à la séance du 14 novembre 2013, dans une commune de moins de 3 500 habitants, mentionnait l'ordre du jour de telle sorte que les conseillers pouvaient consulter le projet en temps utile ; de plus, les modifications et les procédures suivies ont été rappelées en début de séance ; les conseillers ont été associés à l'élaboration du projet, notamment lors des séances du 5 février 2013, du 11 avril 2013 et du 1er août 2013, le projet n'a d'ailleurs subi aucune évolution après la séance du 1er août 2013 arrêtant le projet soumis à l'enquête, et une séance préparatoire à l'adoption de la délibération avait été organisée le 7 novembre 2013 ; aucun des membres du conseil municipal ne s'est plaint d'un manque d'information ; enfin il ne ressort d'aucune disposition que la commune avait l'obligation de fournir aux conseillers le projet de modification pendant la séance ou même avant celle-ci dès lors qu'aucune demande en ce sens n'a été présentée ;
- les avis des personnes publiques associées étaient visés par le rapport du commissaire enquêteur, ce qui suffit à les considérer comme présents au dossier ; de plus, les avis sont tous favorables et n'apportent pas de précision nouvelle à propos du projet ; en ce qui concerne l'avis de l'Institut national de l'origine et de la qualité, l'unique réserve émise a déjà été soulevée dans deux précédents avis, connus du public, soulignant le fait que les terres concernées par le projet de modification sont incluses dans l'aire géographique de l'AOC " pomme de terre de l'île de Ré ", alors même qu'elles ne sont pas cultivées ; le public n'a donc été privé d'aucune garantie ;
- le commissaire enquêteur, qui a émis un avis favorable et indiqué au moins sommairement les raisons qui déterminent le sens de ses conclusions, a analysé les observations soulevées par les opposants au projet et notamment celles concernant le risque de submersion et y a répondu ;
- aucun grave risque de nuisance ne naît de l'ouverture à l'urbanisation de la zone, qui n'a pas été inondée lors de la tempête Xynthia, dès lors que le projet prévoit d'une part la réalisation d'un remblai et d'autre part des cotes de plancher qui conduiront à une hauteur d'eau maximale inférieure à 50 centimètres sur le terrain ; de plus, les cartes d'aléa sur lesquelles se basent les appelants sont postérieures à la délibération attaquée, la notice explicative du projet soulignant la nécessité du remblai n'a pas de portée réglementaire, et aucun élément ne vient au soutien de l'argument selon lequel la réalisation d'un remblai constituerait un grave risque de nuisance pour les voisins du projet ; il n'y avait par conséquent pas lieu de recourir à une procédure de révision ;
- l'ouverture à l'urbanisation de la zone n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la légalité de la délibération doit s'apprécier au jour où elle a été prise ; or les dispositions sur lesquelles s'appuient les requérants sont issues du projet de plan de prévention des risques en cours de révision et ne sont donc pas applicables à la délibération du 14 novembre 2013 ; la commune a néanmoins pris toutes les précautions pour assurer la sécurité des personnes et des biens sur le secteur ouvert à l'urbanisation, notamment en imposant la réalisation d'un remblai et la fixation de cotes de plancher en fonction de celles qui seraient fixées par le futur plan de prévention des risques naturels ; de plus, la commune a formulé auprès des services de la préfecture une demande de création de zone d'intérêt stratégique pour le secteur du Moulin rouge, qui permettrait de déroger au principe d'inconstructibilité en zone d'aléa fort, et le préfet s'est désisté de son déféré sur la modification n° 6 ; enfin, les appelants ne peuvent s'appuyer sur la notice de présentation pour contester la modification n° 6 car elle n'a pas de valeur normative ; il ne ressort pas non plus des dispositions du PPRN de 2002 que les remblais soient interdits dans la zone, et la zone bleu foncé dans laquelle se situe le projet permet des constructions sous réserve de ne pas créer d'obstacle au libre écoulement des eaux ;
Un courrier du 9 mars 2018, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a précisé la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
L'instruction a été close au 30 mai 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;
- et les observations de MeD..., représentant l'association pour la protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines, MmeF..., M. de la Baume, Mme A...et M. C... et les observations de MeB..., représentant la commune de Saint-Clément-des-Baleines.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de Saint-Clément-des-Baleines a approuvé, par délibération du 14 novembre 2013, la modification n° 6 de son plan d'occupation des sols afin de permettre l'ouverture à l'urbanisation d'une zone du quartier dit du " Moulin Rouge " pour réaliser une opération de construction de 30 logements sociaux. L'Association de protection des sites de Saints-Clément-des-Baleines, MmeF..., M. de la Baume, Mme A...et M. C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cette délibération. Ils relèvent appel du jugement n° 1400457 du 5 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Sur la légalité de la délibération :
2. Aux termes de l'article L. 123-13-1 du code de l'urbanisme alors applicable : " Sous réserve des cas où une révision s'impose en application des dispositions de l'article L. 123-13, le plan local d'urbanisme fait l'objet d'une procédure de modification lorsque (...) la commune envisage de modifier le règlement, les orientations d'aménagement et de programmation ou le programme d'orientations et d'actions ". Aux termes de l'article L. 123-13 du même code " Le plan local d'urbanisme fait l'objet d'une révision lorsque (...) la commune envisage : (...) 3° Soit de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d'une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance.".
3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
4. Le document graphique de la modification n° 6 prévoit que la parcelle concernée sera classée très majoritairement en zone NApmas2 et partiellement en zone NApmas3. Pour prendre en compte le risque de submersion, le règlement modifié interdit pour les zones indicées S2 " les constructions nouvelles dont le plancher bas serait édifié en dessous de la cote de référence donnée par le plan de zonage (PPRN) ", et pour les zones indicées S3 " les constructions nouvelles dont le plancher bas serait édifié à moins de 30 cm comptés au dessus de la voie publique d'accès ". La notice de présentation de la modification indique que le site, propriété de la commune, se situe en léger creux par rapport aux voies environnantes (-0,50 mètre) et qu'il est constitué d'une prairie abandonnée par l'agriculture. Elle précise : " Le projet nécessite la réalisation d'un remblai pour constituer une plate forme au niveau des voies périphériques, la cote du sol définitif sera déterminée en conformité avec le PPRN en cours d'étude ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le secteur du " Moulin Rouge " n'a pas été inondé pendant ou après la tempête Xynthia, même s'il est proche d'une zone qui l'a été, et que le plan de prévention des risques naturels (PPRN) de 2002 en vigueur à la date de la délibération attaquée classait l'espace ouvert à l'urbanisation par la modification n° 6 en zone bleu foncé, où la hauteur de submersion maximale était donc estimée inférieure à 1 mètre, et la zone était considérée comme constructible sous conditions. Toutefois, les études réalisées dans le cadre de l'élaboration du nouveau plan de prévention des risques naturels, portées à la connaissance de la commune le 28 mars 2012 par les services de l'Etat, devaient nécessairement être prises en considération pour l'appréciation des risques liés à la modification du plan d'occupation des sols projetée. La zone en litige se situe à une hauteur de 2,34 à 2,54 mètres NGF, et il ressort de la carte des niveaux d'eau d'octobre 2013, antérieure à la délibération attaquée, qu'une submersion peut atteindre 3,40 à 3,60 mètres NGF, ce qui comme le relève la commune, peut conduire à une hauteur d'eau potentielle sur la zone de la modification n° 6 comprise entre 1,06 mètre et 1,36 mètre. Si, pour prendre en compte une submersion potentielle d'environ un mètre, la commune prévoit de créer un remblai, ce qui limiterait la hauteur d'eau potentielle sur le site au maximum à 0,30 mètre, la création d'un tel remblai, qui peut constituer un obstacle à l'écoulement des eaux, est susceptible d'aggraver les risques pour le secteur d'habitations alentour. Enfin, la circonstance que la commune entend implanter une " zone d'intérêt stratégique " au sens de la circulaire du 27 juillet 2011 dans le secteur du " Moulin Rouge ", qui permettrait de déroger au principe d'inconstructibilité énoncé par les prescriptions du plan de prévention des risques naturels approuvé le 15 février 2018, ne peut en tout état de cause utilement être prise en compte pour apprécier la légalité de la délibération attaquée. Dans ces conditions, en approuvant la modification n° 6 du plan d'occupation des sols afin de permettre l'ouverture à l'urbanisation d'une zone du quartier dit du " Moulin Rouge " pour réaliser une opération de construction de 30 logements sociaux, la délibération attaquée est de nature à exposer une population importante à un grave risque d'inondation et le changement de zonage ne pouvait dès lors être approuvé selon la procédure de modification. Pour les mêmes motifs, les requérants sont fondés à soutenir que les auteurs du plan d'occupation des sols ont commis une erreur manifeste d'appréciation en ouvrant à l'urbanisation la zone litigieuse.
6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés ne paraît, en l'état du dossier, susceptible de fonder l'annulation de la délibération en litige.
7. Il résulte de ce qui précède que l'Association pour la protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines, MmeF..., M. de la Baume, Mme A...et M. C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 14 novembre 2013.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 janvier 2017 et la délibération du 14 novembre 2013 par laquelle le conseil municipal de Saint-Clément-des-Baleines a approuvé la modification n° 6 du plan d'occupation des sols sont annulés.
Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association pour la protection des sites de Saint-Clément-des-Baleines, qui en informera les autres requérants, et à la commune de Saint-Clément-des-Baleines. Copie en sera adressée au préfet de la Charente Maritime.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. David Terme, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈS
Le président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Charente Maritime, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
6
N° 17BX00837