Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2016, M.D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 février 2016 de la préfète de la Vienne ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de 45 jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous la même astreinte ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- s'il est reparti en Géorgie, c'est uniquement à la demande de l'autorité administrative afin qu'il puisse se mettre en conformité avec la loi en entrant en France avec un visa long séjour conjoint de français, au regard de sa situation maritale ; les années passées en France avant ce départ doivent être prises en compte ;
- il justifie d'une résidence en France de juin 2004 jusqu'à ce jour ; par conséquent, la commission du titre de séjour aurait dû être saisie avant d'envisager le refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie d'une présence en France de 12 ans ; durant cette période, il n'a jamais eu de contacts avec ses enfants qui sont désormais adultes ; sa vie privée et familiale s'est développée en France, avec son épouse devenue après leur divorce en 2015 son amie ; contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, il a travaillé dans la mesure où ses titres de séjour le lui permettaient de 2008 à 2014 ; ses emplois ne constituaient pas que des emplois intérimaires ; en tout état de cause, l'emploi intérimaire révèle une vraie volonté de travailler, en dépit des conditions difficiles induites par un travail précaire ;
- pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ordonnance du 5 septembre 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 7 novembre 2016 à 12 h.
Un mémoire présenté par le préfet de la Vienne a été enregistré le 9 novembre 2016 postérieurement à la clôture d'instruction.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Cécile Cabanne, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant géorgien, est entré irrégulièrement sur le territoire français une première fois le 1er juin 2004. Après rejet de ses demandes d'asile et de réexamen, un titre de séjour en qualité d'étranger malade lui a été délivré le 19 mai 2008. Le 29 décembre 2009, le préfet de la Vienne a opposé un refus à sa demande de renouvellement, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Poitiers le 21 avril 2010, et par la cour de céans le 3 mai 2011. En exécution de la mesure d'éloignement, il est retourné en Géorgie le 13 juillet 2010. Il est de nouveau entré en France le 19 novembre 2010 muni d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de français à la suite de son mariage avec Mme C...célébré en mai 2010. Il a bénéficié du 6 octobre 2011 au 5 octobre 2014 d'une carte de séjour temporaire en cette qualité. Il a sollicité, par courrier reçu par les services de la préfecture de la Vienne le 17 octobre 2014, un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de la Vienne a rejeté cette demande le 24 février 2016, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de renvoi le pays dont il a la nationalité. M. D... relève appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 septembre 2016. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur les conclusions en annulation :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. D...est entré une première fois sur le territoire national le 26 juin 2004, alors qu'il était âgé de 36 ans. Il a donc vécu la majeure partie de sa vie en Géorgie. Sa dernière entrée en France date du 19 novembre 2010, après l'exécution d'une mesure d'éloignement édictée par le préfet de la Vienne le 29 décembre 2009. Si à son retour l'intéressé a bénéficié, en qualité de conjoint de ressortissant français, de cartes de séjour temporaires d'un an régulièrement renouvelées du 6 octobre 2011 au 5 octobre 2014, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie avec son épouse a cessé du fait de l'engagement d'une procédure de divorce en octobre 2014. Ainsi, à la date de l'arrêté en litige, M. D... était divorcé et sans charge de famille. Il ne se prévaut en France d'aucune autre attache personnelle que son ex-épouse, et ne justifie pas dans les circonstances de l'espèce, et alors même que celle-ci lui apporte son soutien, qu'il y a établi des liens anciens, intenses et stables. Si l'intéressé justifie avoir travaillé en 2008, 2009, 2011, 2012, 2013 et 2014, les éléments produits sont seulement de nature à attester d'une activité professionnelle épisodique et ne permettent pas d'établir que le requérant aurait transporté en France le centre de ses intérêts professionnels. Par ailleurs, à supposer avérée l'allégation selon laquelle il n'entretiendrait aucune relation avec ses deux enfants résidant en Géorgie, il justifie à tout le moins d'attaches familiales dans ce pays en la personne de sa mère. Dans ces conditions, en dépit de la durée cumulée de séjour sur le territoire français, le préfet de la Vienne, en refusant l'admission au séjour de M.D..., n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". L'article L. 312-2 du même code dispose que : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...) ". Selon l'article L. 313-14 du même code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
6. Si M. D...soutient résider habituellement en France depuis le 26 juin 2004, il est constant que l'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 29 décembre 2009 qui a été exécutée le 13 juillet 2010 à l'issue d'une assignation à résidence. Par suite, quel que soit le caractère probant des pièces produites antérieures à son départ en Géorgie pour établir sa présence en France depuis plus de dix ans, M. D... ne pouvait, à la date du 24 février 2016, justifier d'une résidence habituelle depuis dix ans depuis sa dernière entrée en France. De plus, il n'établit pas être au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il ne saurait soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal faute d'avoir été précédé de la consultation de cette commission.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Vienne.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame M. D... au bénéfice de son avocat.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D...tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée pour information au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02340