Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2016, Mme D...épouseB..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er mars 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2014 du préfet de la Dordogne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous mêmes conditions de délais et d'astreinte, et de la munir dans l'intervalle d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros hors taxes, soit 1513 euros en incluant les droits de plaidoirie, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; elle est entrée en France le 14 janvier 2011, pour y rejoindre son époux, voici plus de cinq années contrairement à ce que retient le tribunal ; si des difficultés ont émaillé leur vie de couple lors de son arrivée sur le territoire français, la naissance de deux enfants en 2012 et 2014 ont consolidé leur relation ; elle est bien intégrée ainsi qu'en témoigne l'attestation du Secours catholique de Périgueux ; son conjoint a construit sa vie en France depuis plus de 10 ans, il y travaille et y élève trois autres enfants, français, sur lesquels il exerce un droit de visite ; ses attaches familiales les plus proches sont désormais en France et nullement en Guinée ; si le tribunal a considéré qu'elle pouvait bénéficier du regroupement familial, le très jeune âge des enfants commanderait plutôt qu'ils demeurent... ; en outre, rien ne permet d'affirmer que la séparation qu'impliquerait la demande de regroupement familial serait de courte durée alors que la France a été condamnée par trois fois pour la lenteur de la procédure de regroupement familial ; par ailleurs, M. B...ne satisfait pas aux conditions de ressources exigées par les textes ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle implique qu'à tout moment elle peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement puisqu'elle est désormais en situation irrégulière ; les enfants en bas âge ont besoin de grandir auprès de leurs parents réunis ; M. B...ne peut pas retourner en Guinée alors qu'il est le père de trois enfants français auprès desquels il s'acquitte de ses droits et devoirs parentaux ; enfin, la décision contestée la prive de la possibilité de participer à l'entretien de ses enfants.
Par un mémoire en défense, enregistrée le 4 octobre 2016, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la décision attaquée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la requérante ne démontre pas l'intensité et l'ancienneté de sa cellule familiale en France alors que la vie commune avec son époux n'a commencé qu'en juillet 2013, soit 18 mois après la naissance de leur premier enfant ; elle peut se rendre temporairement en Guinée pour bénéficier d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial ; par ailleurs, à la date de la décision attaquée, son conjoint remplissait les conditions du regroupement familial ; enfin, l'attestation produite du Secours catholique est postérieure de deux années de la date de la décision en litige ;
- la décision attaquée ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des enfants tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, compte tenu de leur jeune âge et de l'absence d'intensité des liens unissant le couple.
Par ordonnance du 26 août 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2016 à 12 h.
Mme D...épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de MmeE..., a été entendu au cours de l'audience publique
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...épouseB..., de nationalité guinéenne, née le 29 août 1985, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 14 janvier 2011. Le 6 septembre 2013, elle a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 12 juillet 2014, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er mars 2016, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit / : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). ".
3. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de ces articles, Mme D...épouse B...fait valoir qu'elle vit en France depuis le mois de janvier 2011, que son époux, de nationalité guinéenne, avec lequel elle s'est mariée le 21 juin 2006 en Guinée, bénéficie d'une carte de résident de dix ans, que deux enfants sont nés en France de cette union, les 4 janvier 2012 et 24 mai 2014, et qu'elle est bien intégrée sur le territoire français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée ne peut être regardée comme établissant au plus tôt l'ancienneté de sa résidence en France qu'à compter du 1er juin 2012, date de sa demande d'asile. Il est constant que la communauté de vie avec son époux, lequel a reconnu la naissance de deux autres enfants le 28 décembre 2007 alors qu'il était marié, n'a débuté sur le territoire français qu'à compter de juillet 2013, soit 18 mois après la naissance du premier enfant du couple. Au demeurant, hors le jugement supplétif d'acte de mariage rendu par le tribunal de première instance de Conakry II le 14 février 2012, elle ne produit aucun document de nature à établir qu'elle aurait entretenu des relations avec M. B...avant son arrivée sur le territoire français. Ainsi, à la date de la décision attaquée, le préfet de la Dordogne était fondé à estimer que la requérante ne justifiait pas d'une communauté de vie stable et durable supérieure à un an avec son époux. De même, en se bornant à produire une attestation du Secours Catholique postérieure de deux ans à la décision attaquée, elle ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Enfin, elle n'établit pas être isolée en cas de retour en Guinée, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où résident son père et deux soeurs. Si l'intéressée soutient que, compte tenu des ressources de son époux, elle ne pourrait satisfaire aux conditions exigées pour obtenir le regroupement familial, cette situation était connue de la requérante lorsqu'elle a quitté la Guinée. Au demeurant, le préfet n'est pas tenu de refuser une telle autorisation dans un tel cas. Dans ces conditions, eu égard aux effets de la décision contestée, à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet de la Dordogne n'a pas, en lui refusant un titre de séjour, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cette même autorité n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressée.
4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. Si l'intéressée soutient que les délais de traitement des demandes de regroupement familial sont longs, elle peut toutefois emmener ses enfants avec elle ou décider avec son époux des modalités de garde en cas de séparation temporaire d'avec ce dernier. En outre, elle conserve la possibilité de solliciter un retour en France et dans l'attente, son époux, également de nationalité guinéenne, peut effectuer des séjours en Guinée. Si elle fait valoir que son époux, père de trois autres enfants, ne peut quitter le territoire national, les pièces produites ne sont pas suffisantes à établir qu'il participait à la date de la décision attaquée à l'entretien et à l'éducation de ces enfants. Ainsi, elle ne démontre pas que le préfet de la Dordogne aurait méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme D...épouse B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies, et sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être également rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...épouse B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...épouse B...et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Cécile E...Le président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX02862