Procédure devant la cour :
Par une requête conjointe enregistrée le 31 mai 2016, le comité départemental des pêches de la Gironde (CDPMEM 33) et le Syndicat des patrons, armateurs et marins de la Gironde (SPAM 33), agissant par leurs présidents en exercice et représentés par Me J..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 mars 2016 ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Lège-Cap Ferret du
20 juin 2014 et l'arrêté municipal du 6 juillet 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune, outre les entiers dépens de l'instance, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le conseil municipal, qui s'est borné à " entériner " la décision prise par la commission de gestion des cabanes, a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant à tort lié par l'avis de la commission. Le tribunal n'a pas répondu à ce moyen en indiquant que l'avis de la commission n'étant pas un avis conforme, il n'est pas établi que le conseil municipal n'aurait pas lui-même pris une décision sur la demande de M. G...et qu'il se serait cru lié par cet avis ;
- dans ces conditions, l'annulation de la délibération du 20 juin 2014 entraîne immanquablement celle de l'arrêté du 6 juillet en litige sur laquelle il est fondé ;
- si la délibération du 20 juin 2014 est fondée sur la convention de gestion du
13 juillet 2012 et sur l'arrêté municipal du 18 juillet 2012, les illégalités entachant ces deux actes entraîneront nécessairement l'annulation de cette délibération. Or, rien n'indique que le préfet, au jour de la signature de la convention, agissait en qualité de représentant du ministre chargé des domaines, en méconnaissance directe de l'article R.2123-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Ainsi, la convention n'a été ni proposée ni passée par l'administration gestionnaire. Le tribunal a ainsi dénaturé les pièces du dossier dès lors qu'il est clair que le projet de convention a été instruit par la direction départementale des territoires et de la mer de la Gironde alors qu'il aurait dû l'être par le service en charge des domaines aux termes de l'article précité. Cette convention du 13 juillet 2012 a également méconnu l'article R. 2123-3 du même code, en ce que le préfet a très nettement abdiqué sa compétence en renvoyant, pour un certain nombre de conditions et de critères pour la délivrance des autorisations d'occupation temporaire, à un règlement municipal, lequel arrête la composition précise de la commission de gestion, en violation directe de cet article. La composition de cette commission fait la part belle aux membres du conseil municipal, qui occupent 9 sièges sur les 19. Les représentants des professionnels, qui ne sont que 6, n'ont donc strictement aucune chance de faire valoir les intérêts de ceux qu'ils représentent, surtout si l'on ajoute aux voix des conseillers municipaux celles des représentants de l'ASYNPRO, ceux-ci étant systématiquement en faveur d'un renouvellement et d'une transmission des autorisations d'occupation temporaire (AOT) au détriment de l'intérêt des professionnels. Contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, les critères d'attribution des autorisations ne sont pas définis par la convention mais par le règlement municipal ;
- la convention, à la faveur d'une rédaction alambiquée fortement inspirée par l'association des propriétaires de cabanes, a quasiment supprimé le droit de priorité des professionnels de la mer pour l'exploitation des cabanes au profit d'un droit au renouvellement et à la transmission au profit des pré-occupants, " quel que soit leur statut " et dès lors que l'occupant " satisfait aux conditions requises ", lesquelles ne sont au demeurant pas définies dans la convention. Ces stipulations méconnaissent les principes de précarité et du caractère intransmissible des autorisations d'occupation domaniales ainsi que l'affectation du domaine public maritime ;
- l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que les décisions d'utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites. Or, les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que ces deux conditions sont alternatives ;
- le jugement entrepris, qui se borne à rappeler les déclarations d'intention figurant de la convention, dévoie les principes régissant la domanialité publique. Contrairement à ce que les premiers juges indiquent, la commune ne peut pas librement choisir un autre attributaire, ne serait-ce que pour un motif d'intérêt général, tiré par exemple de la nécessité d'attribuer un certain nombre de cabanes aux professionnels locaux. Cet argument est d'ailleurs contradictoire puisque les premiers juges indiquent que l'occupation par les professionnels n'est pas nécessairement à privilégier, l'occupation par des non professionnels pouvant tout autant être considérée comme allant dans le sens d'une préservation de ces cabanes et du patrimoine qu'elles représentent. Si la lettre de la convention ne fait pas obstacle à ce que la commune désigne un autre attributaire de l'autorisation que le titulaire sortant, le mécanisme mis en place, et notamment la priorité instaurée pour le titulaire sortant, rend la chose impossible ;
- le maire n'était pas compétent pour approuver par un arrêté du 18 juillet 2012 le règlement municipal prévu par l'article 6.2 de la convention du 13 juillet 2012 dans la mesure où la gestion domaniale ressort de la compétence du conseil municipal en vertu de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales ;
- cet arrêté du 18 juillet 2012 est nécessairement entaché d'illégalité en ce qu'il précise les conditions d'attribution des AOT alors que l'article R. 2123-3 du code général de la propriété des personnes publiques réserve cette prérogative à la convention. Par ailleurs, en imposant une compétence liée à la commission de gestion des cabanes, soit pour renouveler l'autorisation soit pour la transférer à l'héritier dès lors que le précédent occupant aura respecté les prescriptions de son autorisation initiale, cet arrêté méconnaît, pour les raisons précédemment énoncées, les principes généraux de la domanialité publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2016, M.G..., représenté par MeH..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis solidairement à la charge des appelants, outre les entiers dépens de l'instance, la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les demandes étaient irrecevables par suite du défaut d'intérêt à agir des deux organismes professionnels. L'objet de la demande du comité départemental des pêches et du syndicat des patrons, armateurs et marins-pêcheurs tend à l'annulation de l'attribution à son bénéfice d'une autorisation d'occupation de la cabane n° 10 au lieu lieu-dit " Le Canon ". L'intérêt à agir s'apprécie au regard de la décision d'espèce attaquée, et non pas des moyens développés, notamment celui tiré de l'exception d'illégalité supposée de la convention de gestion. Or, le comité ne motive pas son intérêt à agir dans le cas particulier de cette cabane n° 10, d'autant que celle-ci ne pourrait en aucun cas satisfaire un besoin des marins professionnels dans la mesure où elle ne présente aucun intérêt pour l'exercice de la profession et ne peut permettre le relogement à titre permanent de marins-pêcheurs ou d'ostréiculteurs en l'absence notamment de sanitaires et de système de chauffage et alors que l'emprise de la cabane est susceptible d'être recouverte par la marée ;
- le jugement devra donc être annulé en tant qu'il a jugé recevable les requêtes de ces deux organismes ;
- s'agissant de l'incompétence négative du conseil municipal, les extraits du jugement cités par les appelants ne proviennent manifestement pas du jugement attaqué. L'expression : " entériner la décision de la commission ", expressément citée, n'apparaît nullement dans l'extrait du registre des délibérations du 20 juin 2014 le concernant. Il n'est donc pas démontré que le conseil municipal se soit cru à tort lié par l'avis de la commission de gestion. En effet, la jurisprudence invoquée n'est pas transposable en l'espèce dès lors que, dans l'affaire de 1987, l'autorité compétente s'est dessaisie unilatéralement de toute possibilité de contester l'avis émis par l'organe consultatif. Or, le conseil municipal a bien procédé à un vote sur l'avis rendu par la commission consultative et cinq conseillers se sont d'ailleurs abstenus. Il est donc patent que le conseil municipal aurait tout aussi bien pu émettre un vote négatif, et par conséquent qu'il n'a en rien renoncé à sa compétence ;
- la délibération du 20 juin 2014 n'étant par suite pas entachée d'illégalité, l'arrêté du 6 juillet suivant pris pour son application ne l'est pas davantage ;
- les requérants ne démontrent pas en quoi la délibération du 20 juin 2014 serait une mesure d'application des dispositions prétendument illégales de la convention de gestion de 2012 ;
- les appelants sont particulièrement mal fondés à invoquer l'illégalité supposée de ces travaux, auxquels ils ont été invités, sans que cela constituât une obligation pour l'administration, et auxquels ils ont participé. Le mode d'élaboration de la convention est parfaitement conforme à l'article R. 2123-2 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel distingue expressément " l'administration chargée des domaines ", soit la direction des finances qui a émis un avis sur la convention, et le " service gestionnaire " de la portion du domaine public concernée, soit la direction départementale des territoires. Le moyen d'incompétence tiré de ce que le directeur des territoires et de la mer ne serait pas le " responsable dans le département du service gestionnaire du domaine " et ne pouvait ainsi proposer le projet de convention n'est donc pas établi ;
- si les demandeurs estiment que le préfet a signé la convention en " agissant au nom du ministre chargé des territoires et de la mer, " et non au nom du " ministre chargé des domaines ", ils n'apportent aucun élément permettant d'étayer cette affirmation.
Au demeurant, le préfet agit par délégation du gouvernement, sans avoir à distinguer les délégations qu'il recevrait de l'un ou l'autre des ministres. Toutes les administrations dont l'article R 2123-2 du code général de la propriété des personnes publiques précité prévoit l'intervention ont été impliquées dans la rédaction et la passation de la convention, ce qui montre que la décision a été parfaitement éclairée, et que les demandeurs ont bénéficié de toutes les garanties requises. De sorte qu'à supposer même que le vice allégué soit fondé, il peut être neutralisé ;
- la composition de la commission de gestion fixée par la commune est strictement conforme à la convention. Par ailleurs, ni la convention, ni aucun texte applicable, n'édicte à aucun moment que cette commission devrait être paritaire.
Au demeurant, une telle parité n'aurait pu concerner que l'équilibre entre les représentants de la commune, délégataire de la gestion du domaine public maritime, d'une part, et l'ensemble des représentants des usagers d'autre part dont les requérants, lesquels ne disposent d'aucun droit d'occupation du domaine public maritime, ni d'aucune exclusivité en la matière. Enfin, l'arrêté établit une prévalence du critère d'exploitation économique du domaine public maritime dans la répartition des sièges des usagers, puisqu'il attribue la majorité d'entre eux aux " professionnels de la mer " ;
- le renvoi à un règlement municipal, pour la mise en oeuvre de la convention de gestion ne contrevient en rien aux prescriptions de l'article R. 2123-3 du code général de la propriété des personnes publiques, dans la mesure même où le délégataire peut toujours organiser ses propres procédures décisionnelles, dans le cadre de la délégation dont il dispose. Les requérants ne contestent pas le principe de l'attribution d'autorisations d'occupation sur le domaine public mais bien l'application des règles de priorité en ce qu'elles ne donneraient pas une absolue priorité aux pêcheurs et ostréiculteurs. Or, aucun texte de valeur législative n'établit de façon générale que l'attribution de logements aux ostréiculteurs et aux marins-pêcheurs constituerait une affectation conforme aux principes généraux de la domanialité publique, ni que cette affectation serait prioritaire par rapport à d'autres affectations comme, dans le cas de l'espèce, l'attribution de logements aux occupants " historiques ". L'usage des villages concernés tient à une utilisation des cabanes de logement partagée, entre des familles dites historiques, des marins-pêcheurs et des ostréiculteurs. Dès lors, les indications de priorités contenues dans la convention de gestion sont, comme il se doit, cohérentes avec les motifs qui justifient le maintien des cabanes sur le domaine public maritime. La première priorité est ainsi donnée aux ostréiculteurs et aux pêcheurs professionnels qui justifient d'un lien économique avec la commune. Cette priorité économique ne saurait établir, comme les demandeurs le recherchent en réalité, un droit absolu, lequel ne repose sur aucun fondement légal.
La seconde priorité concerne les titulaires actuels des autorisations venues à échéance, pour tous les occupants quel que soit leur titre, pêcheurs, ostréiculteurs et familles historiques. Elle a pour objectif de préserver la stabilité de la population des villages, en tant qu'elle concourt à la préservation du mode de vie particulier qui y est admis.
La troisième priorité, qui concerne effectivement les familles dites " historiques " en cas de décès du titulaire, a un caractère encore moins contraignant, puisque la commission " peut reconnaître une priorité ", au conjoint survivant, ou au descendant en appréciant la réalité du lien entre ce dernier et le village. Si la commission, qui étudie au cas par cas la réalité de l'intérêt porté au village par le candidat issu d'une famille historique, ce qui exclut toute décision automatique, estime que ce lien n'est pas suffisamment établi, la cabane est déclarée vacante, La famille G...est présente au Canon depuis 90 ans sans interruption et cette présence s'est d'ailleurs accompagnée d'une activité ostréicole familiale pendant près de 40 ans, elle a maintenu la cabane dans le même état qu'à l'origine. Ainsi, la commission a tenu compte du respect du village, de son histoire, et de l'attachement familial dont il témoigne, pour apprécier la réalité du lien existant entre sa famille et le village du Canon ;
- l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques n'indique en rien que l'objectif de préservation des sites serait second ou subsidiaire par rapport à la vocation de la zone concernée, ni même que les conditions édictées à cet article seraient nécessairement cumulatives. Aucun texte ni aucun principe n'établit que le logement des professionnels de la mer constitue la vocation unique et prioritaire de la zone considérée au sens de cet article. De même, la convention ne définit aucun droit au renouvellement de l'autorisation ou à sa transmission dont il est rappelé à juste titre qu'elle reste précaire et révocable. En outre, une cabane pourrait être attribuée à une personne non visée dans la convention, pour un motif d'intérêt général, comme par exemple, la société nationale de sauvetage en mer ;
- s'agissant de la légalité de l'arrêté municipal du 18 juillet 2012, la convention de gestion n'a évidemment pas pour effet de transférer les immeubles du domaine public maritime dans le patrimoine de la commune. Cette convention a valeur réglementaire et habilite effectivement le maire, et non le conseil municipal, à délivrer les autorisations d'occupation. Ce dernier est donc parfaitement compétent pour prendre des textes visant à organiser l'instruction des actes unilatéraux qu'il est amené à prendre, et notamment un arrêté précisant les modalités de mise en oeuvre de la convention ;
- s'agissant de la méconnaissance des principes généraux de la domanialité publique, ce moyen pourra être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés lors de l'examen de la légalité de la convention de gestion ;
- enfin, les requérants ne font valoir aucun moyen à l'appui de leur demande d'annulation de l'arrêté municipal du 6 juillet 2014. Leur demande souffre d'un défaut de motivation patent.
Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2017, la commune de Lège-Cap Ferret, prise en la personne de son maire et représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que :
- les appelants ne justifient pas plus qu'en première instance la nature de leur éventuel intérêt pour agir ou le respect des règles de représentation en justice des personnes morales ;
- le conseil municipal ne s'est nullement estimé lié par l'avis simple de la commission de gestion des cabanes ostréicoles mais a décidé de le suivre. Il n'a donc en aucune manière entaché sa décision d'une " incompétence négative " en prenant la délibération du 20 juin 2014. C'est donc à bon droit que le tribunal a écarté ce moyen, en y répondant pleinement, contrairement à ce que les appelants allèguent ;
- la convention de gestion en litige ayant bien été conclue, sur proposition du directeur des territoires et de la mer, responsable de la gestion du domaine public maritime dans le département, par le préfet, la méconnaissance alléguée de l'article R. 2123-2 du code général de la propriété des personnes publiques manque en fait. Les appelants feignent d'ignorer le principe d'unité de l'Etat, d'où il résulte qu'un préfet n'a nullement à préciser, à l'occasion de la signature de tel ou tel acte, s'il agit en qualité de représentant de tel ou tel ministère. Il faut et il suffit, comme en l'espèce " qu'il soit compétent pour agir au nom de l'Etat " ;
- l'article R. 2123-3 du code général de la propriété des personnes publiques ne saurait être lu comme signifiant que les conditions d'attribution des autorisations d'occupation temporaire non constitutives de droits réels doivent être détaillées de manière exhaustive et exclusive par la convention de gestion, alors qu'elle pouvait parfaitement préciser les modalités de mise en oeuvre de ces conditions, dès lors évidemment qu'elle respectait les conditions fixées par la convention de gestion, laquelle, comme le reconnaissent les requérants, précise 1'" étendue des pouvoirs de la commune " ainsi que la " procédure d'attribution des AOT ". La convention de gestion du
13 juillet 2012 satisfait par conséquent pleinement aux exigences de l'article R. 2123-3 du code précité et pouvait dès lors parfaitement renvoyer à un règlement municipal ;
- la composition de la commission de gestion est expressément précisée par l'article 7.1.1 de la convention de gestion, lequel énumère limitativement la qualité des membres appelés à y siéger (élus, représentants des métiers de la pêche, des cultures marines et de la navigation maritime, représentants des associations locales des occupants des cabanes). Le nombre de membres du conseil municipal (9) siégeant au sein de la commission de gestion, représentant par ailleurs l'autorité gestionnaire, est, contrairement à ce que soutiennent les appelants, inférieur au nombre total de représentants des usagers ;
- la convention du 13 juillet 2012 n'abandonne nullement le lien entre les occupations privatives autorisables et les activités maritimes mais, bien au contraire, le renforce, afin de rationaliser l'octroi de titres d'occupation domaniale très convoités.
La priorité accordée aux professionnels est réelle et incontestable et elle vaut pour le renouvellement de leur titre mais également en cas de déclaration de vacance d'une cabane, hypothèse qui n'a rien de théorique, comme l'illustrent les requêtes relatives à des refus de renouvellement ou de transfert d'autorisation dont la juridiction administrative est régulièrement saisie. Or, aucune règle domaniale, dont celle de l'affectation du domaine public maritime, n'impose que les villages ostréicoles soient entièrement occupés par des professionnels de la mer ;
- les principes de précarité et du caractère personnel et non transmissible des autorisations d'occupation du domaine public sont expressément rappelés par la convention de gestion, laquelle n'instaure aucun droit ni aucune priorité au renouvellement ou à la transmission de ces AOT, qui s'il devait s'avérer contraire à ces principes, concerneraient également les autorisations délivrées aux professionnels de la mer. Cette priorité porte, en effet, uniquement sur les conditions d'attributions d'un nouveau titre, délivré à titre précaire et révocable, soit à l'ancien occupant soit à un membre de sa famille (conjoint au descendant en ligne directe) et ce afin de tenir compte de l'histoire particulière de ces villages comme le prévoient tant la convention de gestion que l'arrêté réglementant la gestion des cabanes ostréicoles. Les appelants ne sauraient donc sérieusement prétendre, sauf à dénaturer le sens des termes juridiques, que les occupants (professionnels comme non professionnels) disposeraient d'un droit acquis à renouvellement ou à l'attribution, en cas de décès du précédent titulaire, d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public. Les exigences de la domanialité publique prohibent uniquement, en l'état actuel du droit positif, la patrimonialisation des titres domaniaux, et donc leur cession ou la reconnaissance d'un droit acquis à renouvellement, ce qui exclut toute possibilité de cession ou de transfert d'un même titre, mais absolument pas l'instauration d'une priorité d'attribution d'un nouveau titre à la même personne ou à une autre personne, dès lors que ce titre respecte les règles fondamentales de la domanialité publique et que la priorité est compatible avec 1'affectation de la dépendance domaniale en cause ;
- les appelants, sans fournir la moindre référence textuelle ou jurisprudentielle au soutien de ce moyen, prétendent toujours que l'arrêté municipal du 18 juillet 2012 réglementant la gestion des cabanes ostréicoles aurait été pris par une autorité incompétente dès lors que, " s'agissant d'un acte réglementant l'utilisation du domaine public, " donc d'un acte ayant trait à la gestion domaniale, la compétence pour 1'approuver appartenait au conseil municipal. Un tel raisonnement, à le supposer valable pour des propriétés communales, ce dont il est au demeurant permis de douter ne vaut évidemment pas à propos du domaine public de l'Etat, et dont la gestion est assurée par la commune sur la base d'une convention de gestion prévue par l'article L. 2123-2 du code général de la propriété des personnes publiques, et non sur la base du code général des collectivités territoriales ;
- les autres moyens soulevés à l'encontre de cet arrêté ne font que reprendre ceux déjà soulevés à l'encontre de la convention de gestion, auxquels il a déjà été répondu ci-dessus.
L'ordonnance du 20 novembre 2017 a fixé en dernier lieu la clôture de l'instruction au 11 janvier 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 26 avril 2018 :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,
- les observations de MeA..., représentant le Comité Départemental des Pêches et le Syndicat des patrons armateurs et marins de Gironde, et de MeD..., représentant la commune de Lège Cap Ferret.
Considérant ce qui suit :
1. M. F...G...était titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire de la cabane n° 10 située dans le village ostréicole du Canon sur le territoire de la commune de Lège-Cap-Ferret. A la suite de son décès, l'un de ses fils, M. I...G...a sollicité, avec l'accord de ses frères et soeurs, la délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire pour cette cabane. Par une délibération du 20 juin 2014, le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret a décidé de " transférer " l'autorisation d'occupation temporaire de la cabane n° 10 à M. I...G.... En application de cette délibération, le maire de Lège-Cap-Ferret a, par un arrêté du 6 juillet 2014, délivré à M. I... G...l'autorisation d'occuper la cabane n° 10 jusqu'au 1er août 2030. Le Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins de la Gironde (CDPMEM 33) , le Syndicat des patrons, des armateurs et des marins de Gironde (SPAM 33) et M. C...E...ont sollicité devant le tribunal administratif de Bordeaux par deux requêtes distinctes l'annulation de la délibération du 20 juin 2014 et de l'arrêté du 6 juillet 2014. Le CDPMEM 33 et le SPAM 33 relèvent conjointement appel du jugement du 31 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes d'annulation de ces deux décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué:
2. Le CDPMEM 33 et le SPAM 33 soutiennent que les premiers juges n'ont pas " véritablement " répondu au moyen tiré de l'incompétence négative entachant la délibération du 20 juin 2014 au motif que le conseil municipal s'est cru à tort lié par l'avis favorable émis par la commission de gestion des cabanes ostréicoles. Cependant, le jugement attaqué a répondu à ce moyen dans son point 4 et a notamment indiqué que " " quand bien même la délibération attaquée ne comporte pas de motivation autre que la référence à l'avis favorable de la commission, il n'est pas établi que le conseil municipal n'a pas lui-même pris une décision sur la demande de M. I...G...et qu'il se serait cru lié par l'avis émis par la commission (...) ". En outre, la critique du bien-fondé de ce motif est sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur la légalité de la délibération du conseil municipal du 20 juin 2014 et de l'arrêté du maire de Lège-Cap Ferret du 6 juillet 2014 :
3. Le CDPMEM 33 et le SPAM 33 soutiennent que le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret a entaché sa délibération du 20 juin 2014 d'incompétence négative en suivant l'avis émis par la commission de gestion des cabanes ostréicoles le 22 mai 2014 sans en discuter les termes. Si l'arrêté municipal du 18 juillet 2012 réglementant la gestion des cabanes ostréicoles ne prévoit effectivement pas que l'avis de cette commission lie le conseil municipal, aucune disposition législative ou réglementaires ni même aucune stipulation n'oblige le conseil municipal à discuter l'avis de la commission. En outre, il ressort de l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal que ce dernier ne s'est nullement cru lié par l'avis de cette commission puisque cette délibération n'a pas été adoptée à l'unanimité en raison de cinq abstentions. Dès lors, le moyen tiré de ce que le conseil municipal aurait méconnu sa propre compétence doit être écarté.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la convention de gestion conclue le 13 juillet 2012 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2123-2 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa rédaction alors en vigueur : " La gestion d'immeubles dépendant du domaine public de l'État peut être confiée, en vue d'assurer la conservation, la protection ou la mise en valeur du patrimoine national, à des collectivités territoriales (...). / Les conditions et la durée de la gestion sont déterminées par une convention passée par l'État. Cette convention peut habiliter le gestionnaire à accorder des autorisations d'occupation ou à consentir des locations d'une durée n'excédant pas dix-huit ans. (...) " L'article R. 2123-2 du même code prévoit que " La convention de gestion est passée par l'administration chargée des domaines. / Lorsqu'elle porte sur un ou plusieurs immeubles situés dans un seul département, elle est signée au nom de l'État par le préfet, agissant en qualité de représentant du ministre chargé du domaine, et sur proposition du responsable dans le département du service gestionnaire. (...) ".
5. Par une convention conclue le 13 juillet 2012 entre le préfet de la Gironde et le maire de Lège-Cap-Ferret, l'Etat a confié à la commune de Lège-Cap-Ferret la gestion d'une partie du domaine public maritime correspondant à certaines parties des villages ostréicoles inclus dans le périmètre visé par la convention. En application de cette convention, le maire de Lège-Cap-Ferret a, par un arrêté du 18 juillet 2012, réglementé la gestion des cabanes ostréicoles. Il ressort des termes et des visas de la convention que le préfet l'a signée en qualité de représentant de l'Etat, après avis du directeur régional des finances publiques d'Aquitaine et sur proposition du service gestionnaire du domaine public maritime, soit le directeur départemental des territoires et de la mer. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 2123-2 du code général de la propriété des personnes publiques doit être écarté.
6. En deuxième lieu, selon l'article R. 2123-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " La convention précise les conditions dans lesquelles le gestionnaire peut, en application de l'article L. 2123-2, accorder des autorisations d'occupation non constitutives de droits réels et être substitué à l'État pour l'application des dispositions des articles L. 2122-1, L. 2125-3,L. 2125-5, R. 2122-4, R. 2125-1 et R. 2125-3. / (...) ".
7. Si les organismes professionnels soutiennent que le préfet de la Gironde a renoncé à sa compétence au profit du maire ou du conseil municipal de Lège-Cap Ferret en renvoyant la définition de la procédure d'attribution des autorisations d'occupation temporaire pour les cabanes à un règlement municipal, il ressort des termes mêmes de l'article 7 de cette convention que la procédure d'attribution est décrite de façon précise en mentionnant en premier lieu que les autorisations d'occupation temporaire sont soumises à l'avis préalable d'une commission de gestion des cabanes, dont la composition est précisée, que l'autorisation fait l'objet d'une délibération du conseil municipal et d'un arrêté du maire, et que les avis de vacance font l'objet d'obligations d'affichage, en deuxième lieu les critères d'attribution des autorisations et notamment la priorité donnée aux professionnels locaux pour l'attribution des cabanes vacantes et celle donnée au titulaire d'une autorisation parvenue à échéance ou à ses héritiers en ligne directe en cas de décès, en troisième lieu en établissant le barème des redevances, en quatrième lieu en fixant une procédure en cas de résiliation anticipée de la convention et en cinquième lieu en définissant les conditions d'engagement de la responsabilité de la commune. En renvoyant pour le surplus à un règlement municipal prévu au dernier alinéa de l'article 6 de la convention, les cocontractants n'ont pas méconnu leur propre compétence. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 2123-3 du code général de la propriété des personnes publiques doit être écarté.
8. En troisième lieu, l'article L. 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. / Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation. " Les principes généraux de la domanialité publique induisent par ailleurs que les autorisations d'occupation du domaine public ne sont pas créatrices de droit au profit des bénéficiaires, sont par essence précaires et révocables sans que leurs titulaires n'aient un droit acquis au renouvellement de leur titre et qu'il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, d'examiner chaque demande de renouvellement en appréciant les garanties qu'elle présente pour la meilleure utilisation possible du domaine public.
9. La convention de gestion conclue le 13 juillet 2012 rappelle que le domaine public maritime est affecté à titre principal à un usage d'intérêt public et qu'en conséquence, les vocations professionnelles publiques ou privées, notamment les activités économiques en lien avec la mer, sont privilégiées. La convention définit dans son article 2.5 des secteurs à vocation professionnelle au sein desquels l'attribution d'autorisations d'occupation temporaire est accordée prioritairement à la création d'établissements de cultures marines et qu' " à défaut, les cabanes peuvent recevoir une occupation à fin d'habitation conforme à la nature et à la qualité des sites ". Certes, la priorité d'attribution accordée aux ostréiculteurs et pêcheurs professionnels locaux ne vaut qu'en cas de vacance déclarée des cabanes à usage d'habitation, alors qu'en cas de simple échéance de l'autorisation d'occupation temporaire d'une cabane, la priorité peut être accordée au titulaire de cette autorisation ou, en cas de décès à son conjoint ou à un descendant en ligne directe. Cependant, l'occupation des cabanes par des personnes non professionnelles de la mer dans des secteurs dédiés à l'habitation n'est, ainsi que l'a justement estimé le tribunal, pas nécessairement incompatible avec l'affectation des dépendances du domaine public maritime dès lors que cette occupation vise également à assurer la conservation et la mise en valeur du patrimoine constitué des neuf villages ostréicoles de la commune, dont huit sont inscrits depuis 1981 sur la liste des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général et dont la modification de l'état ou de l'aspect est réglementée et notamment soumise à l'avis de l'architecte des bâtiments de France. En outre, la priorité donnée au titulaire précédent est, en tout cas, applicable sans distinction entre professionnels de la mer et particuliers et celle donnée au conjoint ou au descendant en ligne directe d'un titulaire décédé ne constitue qu'une simple faculté, la commune pouvant toujours opposer à la demande de renouvellement de l'autorisation un motif d'intérêt général. Le renouvellement de l'autorisation au bénéfice du descendant en ligne directe est également conditionné à la justification de son intérêt pour habiter une cabane dans laquelle il a effectivement vécu et dans laquelle sa famille s'est impliquée historiquement. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la convention de gestion litigieuse aurait méconnu les principes de la domanialité publique rappelés ci-dessus.
10. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la convention de gestion conclue le 13 juillet 2012 pour demander l'annulation de la délibération du 20 juin 2014 et de l'arrêté du 6 juillet 2014.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du maire de Lège-Cap Ferret du 18 juillet 2012 portant règlement de la gestion des cabanes ostréicoles :
11. Le CDPMEM 33 et le SPAM 33 soutiennent que l'arrêté du 18 juillet 2012 est entaché d'incompétence au motif que les conditions générales d'administration et de gestion du domaine public relèvent de la compétence du conseil municipal et non du maire. Or l'arrêté litigieux vise la délibération du 5 juillet 2012, dont le compte-rendu de la séance du conseil municipal y afférent est disponible sur le site Internet de la commune, par laquelle le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret a approuvé le projet d'arrêté municipal portant règlement de gestion des cabanes ostréicoles. Par suite, le maire de Lège-Cap-Ferret a pu régulièrement, en exécution de la délibération du 5 juillet 2012, édicter l'arrêté litigieux.
12. Les requérants invoquent, par la voie de l'exception, dans les mêmes termes qu'en première instance et en soulevant des moyens similaires à ceux soulevés à l'encontre de la convention de gestion du 13 juillet 2012, l'illégalité de l'arrêté municipal du 18 juillet 2012 à l'appui de leur demande d'annulation des décisions ayant accordé à
M. G...l'autorisation d'occuper le domaine public en litige. Toutefois, en l'absence de critique utile du jugement et d'éléments nouveaux à l'appui de leurs moyens tirés de ce que les conditions de délivrance des autorisations d'occupation temporaire relevaient de la seule convention de gestion précitée et de ce que cet arrêté municipal prévoirait notamment, en méconnaissance des principes généraux du domaine public, un droit au renouvellement et à la transmission des autorisations d'occupation du domaine public pour les non-professionnels, ce qui place la commission de gestion des cabanes, le conseil municipal et le maire en situation de compétence liée, tous ces moyens repris en appel peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que le CDPMEM 33 et le SPAM 33 ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le CDPMEM 33 et le SPAM 33, parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de ces organismes professionnels deux sommes de 1 000 euros à verser respectivement à la commune de Lège-Cap Ferret et à M. G...en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête du CDPMEM 33 et du SPAM 33 est rejetée.
Article 2 : Le CDPMEM 33 et le SPAM 33 verseront ensemble deux sommes de 1 000 euros respectivement à la commune de Lège-Cap-Ferret et à M. G...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins de la Gironde, au Syndicat des patrons, armateurs et marins de la Gironde, à M. I...G...et à la commune de Lège-Cap-Ferret. Copie en sera adressée pour information au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018, où siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2018.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
12
N° 16BX01777