Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2018, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2017 en tant qu'il annule sa décision du 15 décembre 2016 fixant le pays de renvoi et met à sa charge la somme de 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision fixant le pays de renvoi est légale dans la mesure où il n'est pas démontré que les autorités russes n'auraient pas été en mesure de protéger MmeA... ; les éléments retenus par les premiers juges ont été écartés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; en tout état de cause, l'intéressée ne démontre pas encourir des risques réels, personnels et actuels en cas de retour dans son pays d'origine ; si le préfet n'est pas lié par les appréciations de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, il ressort cependant de ces décisions que la crédibilité du récit de l'intéressée a été remise en cause ; les demandes d'asile de sa mère, de son frère adoptif et de l'épouse de celui-ci ont été rejetées ; enfin, il ressort de l'article 4 de la décision qu'elle peut être reconduite à destination du pays dont elle a la nationalité mais également dans tout pays où elle est légalement admissible, sous réserve qu'elle donne son accord.
Par ordonnance du 29 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2018.
II. Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2018, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2017.
Il soutient que la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ordonnance du 29 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
L'affaire a été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...A..., ressortissante russe née le 11 août 1993, est entrée en France, selon ses déclarations, le 12 octobre 2014 et a sollicité le 20 octobre 2014 son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée le 24 août 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rejet confirmé par une décision du 3 mai 2016 de la Cour nationale du droit d'asile. Mme A...a sollicité le 13 juin 2016 un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 15 décembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Haute-Garonne relève du jugement du 5 décembre 2017 en tant qu'il a annulé sa décision fixant le pays de renvoi et en sollicite également le sursis à exécution.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ;3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'oncle de Mme A...a obtenu en France le statut de réfugié par décision n° 16014057 et 16014058 du 6 octobre 2016 de la Cour nationale du droit d'asile. Selon ses déclarations, qui ont été jugées crédibles par cette cour, à compter de 2012, le père de la requérante, propriétaire d'une épicerie, a été sollicité à plusieurs reprises par des combattants exigeant d'être ravitaillés, et elle est issue d'une " famille ciblée par les autorités en ce qu'elle est soupçonnée de collaboration avec les forces indépendantistes armées tchétchènes ". La cour, s'appuyant à cet égard sur des sources publiquement disponibles telles que le rapport annuel de Human Rights Watch, publié le 29 janvier 2015, et le rapport de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) " Les multiples visages de la torture - Étude du phénomène tortionnaire en Russie ", publié en novembre 2013, souligne que les familles de suspects peuvent être touchées par les violences policières, afin d'obtenir d'elles des informations sur leurs proches. Son père est décédé le 31 décembre 2012 d'une balle dans la tête alors qu'il se trouvait dans son jardin, la cour soulignant la sincérité de son oncle qui a expliqué ignorer si son frère avait été assassiné par les autorités ou par des combattants. Ces éléments établissent qu'elle encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Russie, nonobstant la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 mai 2016, antérieure à celle accordant la qualité de réfugié à son oncle, qui avait jugé ses déclarations évasives. Le préfet, qui ne démontre pas que la requérante aurait donné son accord pour être reconduite à destination de tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible, a implicitement mais nécessairement décidé que l'intéressée serait reconduite à destination du pays dont elle a la nationalité. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa décision fixant le pays de renvoi, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les conclusions à fin de sursis :
4. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 18BX00042 tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2017, la requête n° 16BX00043 du préfet de la Haute-Garonne tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est privée d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 18BX00042 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18BX00043 du préfet de la Haute-Garonne.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme B...A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2018
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX00042, 18BX00043