Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 octobre et 21 décembre 2015, M. A..., représenté par MeG..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 août 2015 ;
2°) d'annuler les décisions du 24 décembre 2014 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, " outre les entiers dépens de l'instance ", la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Catherine Girault,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M.A...,, de nationalité bangladaise, né en 1995, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations le 31 octobre 2011 et a été pris en charge à compter du 8 novembre 2011 par les services de l'aide sociale à l'enfance de la Haute-Garonne. Il a sollicité le 26 novembre 2013 la délivrance d'un titre de séjour, qui lui a été refusé par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 24 décembre 2014, lui faisant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Il relève appel du jugement du 27 août 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
2. Aux termes de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée : (...)/ 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée (...) ".
3. Par ailleurs, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Selon ce dernier article " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Enfin, aux termes de l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " (...) en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente (...) En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis tant par l'autorité administrative que par l'intéressé. "
4. Il résulte de ces dispositions que l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il appartient à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question, sans que l'administration doive nécessairement et systématiquement solliciter les autorités compétentes d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état-civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. L'obligation résultant pour l'autorité administrative d'informer l'étranger de ce qu'elle procède ou fait procéder à des vérifications constitue pour cet étranger une garantie qui ne trouve à s'appliquer que lorsqu'il doit être procédé à des vérifications auprès des autorités étrangères.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A...le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur le caractère contrefait de l'acte de naissance et du certificat de naissance qu'il fournissait pour justifier qu'il était entré en France avant l'âge de seize ans et sur ce que son passeport, délivré par les autorités consulaires bangladaises à Paris, dont il ne conteste pas l'authenticité, avait été ainsi obtenu de manière frauduleuse. Le préfet a également retenu que M. A...n'établissait pas ne plus avoir d'attache dans son pays d'origine dès lors qu'il avait déclaré pour l'établissement de son passeport son père comme personne à prévenir en cas d'urgence, et en a conclu que l'intéressé ne remplissait pas les conditions fixées au 2° bis de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Pour regarder comme falsifié l'acte de naissance délivré par un officier d'état civil du district de Moulvibazar et le certificat produit par l'ambassade du Bangladesh à Paris, mentionnant que M. A...était né le 15 décembre 1995, le préfet de la Haute-Garonne a pris l'attache de la cellule " fraude documentaire " de la direction départementale de la police de l'air et des frontières de la Haute-Garonne, qui a conclu que ces documents avaient été réalisés en impression à jet d'encre, et non en offset comme les documents authentiques, et étaient ainsi contrefaits. Toutefois, M. A...disposait d'un passeport portant la date de naissance du 15 décembre 1995, établi par les autorités consulaires bangladaises à Paris, dont le caractère frauduleux ne pouvait pas être déduit automatiquement du caractère douteux de l'acte de naissance produit, et a également versé au dossier une attestation de l'ambassade du Bangladesh certifiant que " Monsieur C...A..., fils du défunt Monsieur F...E...et de la défunte Madame D...B..., est un ressortissant du Bangladesh. Il est né le 15 décembre 1995 à Moulvibazar, au Bangladesh ". Si l'absence d'identification du nom du signataire de cette attestation pouvait faire naître un doute sur son authenticité, il appartenait au préfet de saisir les autorités bangladaises pour s'assurer de la réalité de l'état civil de l'intéressé. Alors que le préfet avait indiqué à M.A..., dans un courrier du 4 février 2014, qu'il comptait engager la procédure prévue par l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait effectivement saisi les autorités étrangères compétentes pour faire analyser ces documents.
7 .Compte tenu de l'ensemble des pièces versées au dossier,M. A...doit être regardé comme étant entré en France avant d'avoir atteint l'âge de 16 ans. Il n'est pas contesté qu'il a été confié, avant d'avoir atteint cet âge, aux services de l'aide sociale à l'enfance par une décision du juge des enfants du tribunal de grande instance de Toulouse.
8. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. A...a suivi avec sérieux, assiduité et succès les formations dispensées dans les établissements d'enseignement où les services de l'aide sociale à l'enfance l'ont inscrit et que son comportement et son insertion font l'objet de rapports très favorables. Contrairement à ce que soutient le préfet, il n'est pas établi qu'il entretiendrait des rapports avec sa famille restée dans son pays d'origine. Il a toujours indiqué que ses parents étaient décédés, et a produit devant la cour des attestations de décès légalisées par l'ambassade du Bangladesh à Paris, dont la provenance n'est pas contestée et qui peuvent être retenues comme un élément d'information pertinent alors même qu'elles ne sont pas rédigées d'après des documents traduits en français et que la qualité de l'expression anglaise n'est pas parfaite. La circonstance qu'il aurait des attaches personnelles avec des compatriotes résidant en France n'est pas de nature à démontrer l'existence et l'intensité de liens personnels avec le Bangladesh.
9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande ni sur la régularité du jugement, que, dans les circonstances de l'espèce, M.A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
10. Eu égard aux motifs qui la fondent et en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait à la date du présent arrêt, l'exécution de l'annulation prononcée implique que le préfet de la Haute-Garonne délivre à M. A...un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer ce titre dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
11. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me G...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500546 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 24 décembre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A...un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3: L'Etat versera à l'avocat de M. A...la somme de 1000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me G...renonce à la part correspondant à la contribution de l'Etat à l'aide juridique.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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No 15BX03225