Procédure devant la cour :
I°) Par une requête enregistrée le 16 octobre 2015 sous le numéro 15BX03422, Mme C...B..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1501389 et 1501390 du tribunal administratif de Poitiers du 17 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 29 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dan le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans un délai de 48 heures à compter de cette même date une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision du préfet ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
..........................................................................................................
II°) Par une requête enregistrée le 15 octobre 2015 sous le numéro 15BX03418, M. D... B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501389 du tribunal administratif de Poitiers en date du 17 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 29 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dan le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans un délai de 48 heures à compter de cette même date une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision du préfet ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeB..., ressortissants albanais, sont entrés en France en compagnie de leurs deux enfants le 5 septembre 2014. A la suite du rejet de leurs demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 février 2015, le préfet de la Vienne a, par deux arrêtés en date du 29 avril 2015, refusé de leur délivrer un titre de séjour, assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par deux requêtes distinctes, M. et Mme B...relèvent appel des jugements du tribunal administratif de Poitiers du 17 septembre 2015 rejetant leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
2. Les requêtes n° 15BX031418 et 15BX03422 présentées pour M. et Mme B...présentent à juger des questions semblables portant sur la situation identique de personnes mariées. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité des arrêtés du préfet de la Vienne du 29 avril 2015 :
3. En premier lieu, les arrêtés visent notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces arrêtés précisent que l'Albanie appartient à la liste des pays considérés comme sûrs, que les demandes d'asile de M. et Mme B...ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 février 2015 selon la procédure prioritaire à la suite de refus d'admission en date du 24 novembre 2014, que le recours devant la Cour nationale du droit d'asile n'est pas suspensif, qu'ils n'établissent pas être exposés à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'eu égard à leur entrée récente en France et à la circonstance que leur conjoint respectif fait l'objet d'une mesure d'éloignement, les arrêtés ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Ces arrêtés, qui énoncent ainsi les circonstances de droit et de fait sur lesquels ils se fondent, sont donc suffisamment motivés. Cette motivation révèle par ailleurs que le préfet de la Vienne a procédé à un examen particulier de la situation de M. et MmeB....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) ". En application de ces dispositions, le préfet peut légalement, dans les cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, prendre une mesure d'éloignement à l'égard de l'intéressé, y compris à destination de son pays d'origine, après une décision de rejet de l'office, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le demandeur a saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours à l'encontre de cette décision.
5. Les requérants soutiennent que les arrêtés se fondent sur un fait matériellement inexact, le rejet de leur demande d'asile, alors que leurs recours étaient pendants devant la Cour nationale du droit d'asile. Toutefois, le préfet de la Vienne n'a pas, dans les arrêtés litigieux, considéré que leurs demandes d'asile étaient définitivement rejetées mais a seulement indiqué que ces demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et que par conséquent ils ne pouvaient être admis au séjour en qualité de réfugié. Le préfet de la Vienne, qui a ainsi fait application de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a donc commis ni une erreur de fait ni une erreur de droit.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Les premiers juges ont relevé que si les requérants soutiennent que leur " famille est intégrée en France comme en témoignent l'investissement scolaire des enfants et celui des parents dans le bénévolat ", leur entrée sur le territoire national est très récente et ils ne font pas état d'attaches familiales en France, alors qu'ils ne sont pas dépourvus de toute attache familiale en Albanie où réside la mère de M.B.... Ils en ont conclu que " compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la courte durée et des conditions de séjour ", les arrêtés litigieux n'ont pas porté au droit de M. et Mme B...au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris. En appel, M. et Mme B...ne critiquent pas sérieusement la réponse apportée par les premiers juges et n'apportent aucun élément nouveau. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Si M. et Mme B...soutiennent que leurs enfants, dont les résultats scolaires sont satisfaisants, ne pourraient poursuivre leur scolarité en Albanie, cela n'est nullement démontré, alors qu'il ressort des bulletins produits que la méconnaissance de la langue française, du fait de l'arrivée récente des enfants, n'a pas permis d'évaluer leurs résultats. En outre, il ressort des pièces du dossier que les requérants font tous deux l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, de sorte que rien ne s'oppose à ce qu'ils repartent avec leurs enfants dans leur pays d'origine. Les arrêtés litigieux ne peuvent dans ces conditions être regardés comme portant atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de M. et MmeB....
10. En cinquième lieu, le prononcé d'une mesure d'éloignement ne revêt jamais un caractère automatique dès lors qu'il appartient, dans tous les cas, à l'autorité administrative de se livrer à un examen de la situation personnelle et familiale de l'étranger et de prendre en compte les éventuelles circonstances faisant obstacle à l'adoption d'une mesure d'éloignement à son encontre. En l'espèce, il ne ressort pas de la motivation des arrêtés en litige, qui prend en compte la situation familiale et l'absence de risque établi dans le pays d'origine, que le préfet de la Vienne se serait cru lié par ses refus de délivrance d'un titre de séjour pour décider de les assortir d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. M. et Mme B...soutiennent qu'ils ont fait l'acquisition d'une maison en Albanie en 2009 et se sont engagés à régler au vendeur l'intégralité de la somme due en quatre années. N'ayant pu régler cette somme, le vendeur les aurait menacés avant d'agresser M. B... et d'incendier son véhicule. Le propriétaire les aurait alors expulsés en les menaçant avec une arme. Après qu'ils aient quitté le pays, le propriétaire aurait également menacé le père de M.B.... Toutefois, à supposer même que les risques allégués soient établis et actuels, les pièces versées au dossier, lesquelles se limitent sur ce point à un dépôt de plainte à la suite de leur expulsion, ne permettent pas d'établir que les autorités albanaises ne seraient pas en mesure de leur apporter une protection appropriée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En dernier lieu, il résulte de ce qui est énoncé aux points 7, 9 et 12 que le préfet de la Vienne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses arrêtés sur la situation de M. et MmeB....
14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Vienne en date du 29 avril 2015. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 15BX03418 et 15BX03422 de M. et Mme B...sont rejetées.
''
''
''
''
5
Nos 15BX03418, 15BX03422