Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 3 décembre 2014 sous le numéro 14BX03376, le ministre du logement de l'égalité des territoires et de la ruralité demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif du 2 octobre 2014.
2°) de rejeter la demande de la société Solar Enviro Partners.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Catherine Girault, président ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant de la société Solar Enviro Partners.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 mai 2012, le préfet de 1'Indre a refusé de délivrer à la société Solar Enviro Partners un permis de construire pour la création d'une centrale photovoltaïque au sol d'une puissance de 9, 6 MW comprenant neuf postes en béton préfabriqués et 42 790 panneaux solaires sur un terrain de 19 hectares situé sur le territoire de la commune de Prissac. Par un jugement du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Limoges a, sur la demande de la société Solar Enviro Partners, annulé cette décision et enjoint au préfet de se prononcer à nouveau sur la demande dans un délai de deux mois. Le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 mars 2012 :
2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2012, les premiers juges se sont fondés sur un unique motif, tiré de ce qu'en refusant l'autorisation sollicitée, le préfet de l'Indre aurait inexactement appliqué les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme, le projet de centrale photovoltaïque étant compatible avec la poursuite d'une activité agricole du fait de la mise en oeuvre d'un pacage ovin.
3. Aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : (...)b) A compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l'existence de terrains faisant l'objet d'une délimitation au titre d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée ou comportant des équipements spéciaux importants, ainsi que de périmètres d'aménagements fonciers et hydrauliques(...) ". Selon le deuxième alinéa du 2° de l'article L. 111-1-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date d'édiction de l'arrêté attaqué : "(...) Les projets de constructions, aménagements, installations et travaux ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par le représentant de l'Etat dans le département à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1 du code rural et de la pêche maritime (...).
4. Le projet de parc photovoltaïque est prévu sur une étendue de 19,15 hectares sur les parcelles cadastrées section OA nos 482, 485, 486 et 487 situées aux lieudits " Les Perchais " et " La Font Miracle " à Prissac (Indre), en zone " N " de la carte communale. Pour refuser le permis de construire sollicité par la société Solar Enviro Partners , le préfet de l'Indre a relevé notamment, en application des dispositions précitées de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme, que le projet, de par sa localisation et sa destination, est de nature à compromettre les activités agricoles en raison de la valeur agronomique des sols et des structures agricoles. Il a relevé que le terrain d'assiette du projet, " présentant un potentiel agronomique avéré, fait partie d'un îlot de 40 hectares exploités et déclarés en culture, et que les mesures visant à permettre le maintien de la vocation agricole du site pendant la phase d'exploitation de la centrale présentent un caractère incertain. ".
5. Le ministre fait valoir que, contrairement à ce qu'indique la société Solar Enviro Partners, le terrain d'assiette du projet n'est ni en friche ni en jachère. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la photographie produite devant le tribunal par le préfet de l'Indre, que les parcelles d'implantation du projet sont cultivées, ce que l'étude d'impact et le dossier de permis de construire démontrent également, la première reconnaissant même " l'exploitation intensive actuelle ". Le commissaire-enquêteur a lui aussi constaté sur place que les terres étaient ensemencées. La chambre d'agriculture de l'Indre, le parc naturel régional de la Brenne et la commission départementale de consommation des espaces agricoles ont émis des avis défavorables au projet, aux motifs principaux que les parcelles d'implantation étaient actuellement affectées à l'agriculture, déclarées à la politique agricole commune et qu'elles présentaient des sols à potentiel agronomique moyen ou " avéré ". Le préfet a produit une carte des aptitudes des sols, dont il résulte que les terrains d'assiette du projet présentent des sols à bonnes et moyennes potentialités et le ministre souligne qu'il n'est pas contesté que l'exploitant agricole du terrain d'assiette du projet a perçu des primes agricoles européennes pour un montant de plus de 52 000 euros en 2012. Ainsi, le terrain d'assiette du projet est situé sur des terres exploitées disposant d'une valeur agronomique avérée. Par ailleurs, le préfet a souligné devant le tribunal l'importante urbanisation des terres agricoles du département de l'Indre par rapport aux autres départements situés en région Centre.
6. La société Solar Enviro Partners fait valoir que la hauteur des panneaux photovoltaïques prévue par le projet, comprise entre 0,80 mètre et environ 2 mètres au dessus du sol, permet à l'air de passer et d'éviter que des températures élevées ou des taux d'humidité excessifs se développent sous les panneaux, et que le projet prévoit l'intégration d'une activité agricole consistant en l'élevage d'ovins, qui permettra de faciliter l'entretien des espaces situés sous les panneaux. Il ressort de l'étude d'impact que " puisqu'il est prévu la mise en place d'un pacage ovin sur le site, la consommation de la végétation qui recolonisera le milieu par les moutons est difficilement envisageable (espèces toxiques ou peu appétentes), c'est pourquoi un semis d'espèces adaptées peut être recommandé pour améliorer l'utilisation du sol, sous les modules par pâturages ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que de telles recommandations puissent être suivies d'effet, le projet n'ayant pas étudié la faisabilité de semis entre des panneaux assez rapprochés, et la société ne démontre pas pouvoir développer effectivement l'activité d'élevage envisagée. Dans ces conditions, et alors même que les dispositions de l'article L.111-14 n'imposent pas que l'activité agricole précédente soit maintenue dans la même spécialité, en l'espèce la céréaliculture, il n'est pas établi que le projet puisse être accompagné du réel maintien d'une activité agricole sur le terrain. La circonstance, à la supposer établie, que le maintien en friche permettrait une régénération des sols à l'échéance de la durée d'installation des panneaux solaires est insuffisante pour justifier l'absence de compromission des activités agricoles
7. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de son importance et de sa destination, le projet, qui implique l'immobilisation de terres cultivables de bonne qualité, est de nature à compromettre les activités agricoles sur le territoire de la commune de Prissac, ainsi que l'avait estimé sans erreur d'appréciation le préfet de l'Indre, qui n'était pas lié par les conclusions du commissaire-enquêteur. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur la compatibilité du projet avec la poursuite d'une activité agricole pour annuler le refus de délivrance de permis de construire du 23 mars 2012.
8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la société Solar Enviro Partners à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.
9. Contrairement à ce que soutient la société , la chambre d'agriculture de l'Indre et la commission départementale de consommation des espaces agricoles ont suffisamment motivé leur opposition au projet, en indiquant respectivement que " les parcelles concernées sont actuellement affectées à l'agriculture, déclarées à la PAC et présentent des sols à potentiel agronomique moyen " et que " le projet est situé en zone N à vocation agricole de la carte communale et que les terres impactées sont cultivées et ont un potentiel agronomique avéré ". Par ailleurs, le service territorial de l'architecture et du patrimoine a donné un avis tacite. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des avis ne peut en tout état de cause qu'être écarté.
10. Si la société Solar Enviro Partners fait valoir que l'impact sur le paysage ou la protection des milieux naturels n'est pas tel qu'il justifierait un refus, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas ajouté ce motif.
11. Enfin, si la société a entendu invoquer un détournement de pouvoir en soulignant que le préfet aurait cédé à " un groupe de pression ", elle ne l'établit pas.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du préfet de l'Indre du 23 mars 2012.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la société Solar Enviro Partners et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1200805 du 2 octobre 2014 du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : La demande de la société Solar Enviro Partners devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Solar Enviro Partners au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 14BX03376