Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 22 juillet et 29 septembre 2015, MmeC..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500161 du tribunal administratif de Toulouse du 18 mai 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 7 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 513 euros " TTC " à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante congolaise née en 1978 à Kinshasa (République démocratique du Congo), est entrée en France, selon ses déclarations, le 4 août 2007. La demande d'asile qu'elle a déposée a fait l'objet d'un refus de l'OFPRA, confirmé en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 9 janvier 2009. Elle a fait l'objet le 16 février 2009 d'un arrêté du préfet de la Haute-Garonne refusant son admission au séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. Mme C...a toutefois bénéficié d'une autorisation temporaire de séjour d'un an en qualité d'étranger malade à compter du 10 juin 2010, régulièrement renouvelée, et dont la dernière expirait le 9 juin 2014. Elle a sollicité le renouvellement de ce titre le 3 avril 2014 et par arrêté du 7 novembre 2014, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler le titre de séjour dont bénéficiait MmeC..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement du 18 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, (...). "
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis émis le 12 juin 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé, que l'état de santé de Mme C...nécessite des soins dont le défaut emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si le médecin de l'agence régionale de santé a précisé qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine, les certificats médicaux circonstanciés produits par Mme C...du 20 janvier 2009, 4 juillet 2012 et 30 avril 2014 émanant notamment d'un praticien hospitalier spécialiste en psychiatrie, font ressortir que la requérante souffrait " d'une schizophrénie paranoïde compliquée d'un syndrome psycho-traumatique. " Ces certificats insistent notamment sur l'impossibilité d'envisager pour l'intéressée un quelconque traitement dans son pays d'origine qu'elle a dû fuir, le spécialiste soulignant que le retour en République démocratique du Congo de la requérante et l'interruption de son traitement viendraient " alimenter la destruction psychique à laquelle elle est déjà soumise du fait de son trouble. ". Dans ces conditions, Mme C...doit être regardée comme ne pouvant bénéficier en République démocratique du Congo des soins appropriés à son état. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne ne pouvait, sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter la demande de renouvellement du titre de séjour présentée par l'intéressé.
4. En outre, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de l'arrêté contesté, Mme C...vivait depuis sept ans en France avec M.A..., ressortissant angolais, en situation régulière disposant à la date de la décision attaquée d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour avec droit au travail valable jusqu'au 28 mars 2015. Les deux enfants du couple sont nés en France en 2011 et 2012, où l'aîné est scolarisé. Au surplus, par un arrêt rendu ce jour, la cour annule l'arrêté par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler le titre de séjour dont bénéficiait M. A...au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour " mention vie privée et familiale " à M.A.... Par suite, et dans les circonstances particulières de l'espèce, la décision refusant à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour a porté à son droit de mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme C...est dès lors fondée à demander l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 7 novembre 2014.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. L'annulation de l'arrêté en litige implique nécessairement, eu égard aux motifs qui la fondent, que soit délivré à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il convient dès lors d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à MmeC..., de la somme de 1 000 euros demandée au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500161 du 18 mai 2015 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 7 novembre 2014 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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No 15BX02520