Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2020, et un mémoire enregistré le 5 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1902631 de la présidente du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'ordonner l'expertise sollicitée ;
3°) de mettre à la charge du CH de la Côte Basque une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expertise ordonnée par la CCI conclut à une faute du centre hospitalier dès lors qu'il a tardé à réaliser une délivrance artificielle, ce qui est à l'origine de l'hémorragie de la délivrance qu'elle a subie ; les préjudices dont elle souhaite demander réparation, résultant d'une insuffisance corticotrope évoquant un syndrome de Sheehan, ne sont pas manifestement sans lien avec cette hémorragie ; seule une expertise judiciaire permettrait d'obtenir les pièces manquantes à son dossier et de statuer sur l'imputabilité des troubles, alors que le rapport des experts nommés par la CCI contient des inexactitudes et des incohérences ; l'expertise est donc utile, alors que son accouchement est a minima à l'origine d'un stress post-traumatique pour lequel elle bénéficie d'un suivi psychiatrique.
Par un mémoire enregistré le 15 juillet 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) conclut au rejet de la requête, l'expertise étant dépourvue d'utilité, et à sa mise hors de cause, dès lors qu'une faute a été reconnue à l'encontre du centre hospitalier et qu'aucun lien de causalité n'apparait entre les actes de soins lors de l'accouchement et le préjudice invoqué.
Par un mémoire enregistré le 20 juillet 2020, le CH de la Côte Basque conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le rapport des experts désignés par la CCI a répondu à l'ensemble des questions et n'est entaché d'aucune contradiction, qu'il a conclu à l'absence de lien entre l'insuffisance corticotrope dont Mme B... est affectée et les conditions de son accouchement, et qu'une contre-expertise relèverait du juge du fond, s'il l'estimait nécessaire.
Par un mémoire enregistré le 8 septembre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Pau, agissant pour le compte de la CPAM de Bayonne, ne s'oppose pas à la mesure d'expertise sollicitée, pour les raisons invoquées par Mme B..., et demande à la cour de mettre à la charge du CH de la Côte Basque une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, et une somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.
Par une décision n° 2020/009055 du 16 juillet 2020, prise sur la demande présentée le 22 juin 2020 par Mme B..., le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Le président de la cour a désigné, par une décision du 1er septembre 2020 Mme Catherine Girault, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a accouché le 1er juin 2011 au centre hospitalier de la Côte Basque. La délivrance a été suivie d'une hémorragie, mais l'anémie constatée ensuite n'a pas entraîné de transfusion, et l'intéressée est rentrée à son domicile avec sa fille le 8 juin 2011. Elle a consulté à diverses reprises en 2011, 2012 et 2013 pour des saignements, une baisse de tension artérielle et une asthénie, ainsi que des troubles anxieux et dépressifs. Dans le cadre de la découverte d'une insuffisance corticotrope en janvier 2018, qui a conduit au placement en invalidité de catégorie 2 de cette psychologue au sein de l'éducation nationale, reconnue définitivement inapte à cette fonction, des médecins ont évoqué le diagnostic de syndrome dit " de Sheehan ", lequel est une pathologie rare du post-partum liée à une nécrose ischémique de l'hypophyse antérieure secondaire à un choc hypovolémique (diminution de la circulation sanguine) survenant au cours d'une hémorragie de la délivrance. Mme B... a saisi la CCI, qui a diligenté une expertise confiée à trois experts, un gynécologue obstétricien, un endocrinologue et un psychiatre. Le rapport remis le 3 avril 2019 concluant à l'absence de lien entre le retard à provoquer une délivrance artificielle en 2011 et les préjudices dont se plaint aujourd'hui l'intéressée, la CCI a rendu le 23 mai 2019 un avis défavorable à sa demande d'indemnisation. Mme B... a alors saisi le tribunal administratif de Pau aux fins d'obtenir une expertise judiciaire, et relève appel de l'ordonnance du 25 mai 2020 par laquelle la présidente du tribunal a rejeté sa demande.
Sur l'utilité de l'expertise :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher ; qu'à ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. De même, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne.
3. Ainsi que l'a relevé le premier juge, Mme B... dispose déjà d'un rapport d'expertise reconnaissant le vécu traumatique d'un accouchement hémorragique, et établissant sa consolidation au 13 mars 2018 avec un déficit fonctionnel permanent de 15 %, dont 10 % pour l'aggravation d'un syndrome anxio-dépressif et 5 % pour insuffisance corticotrope. Par ailleurs, les experts, qui ont reconnu une faute du centre hospitalier pour avoir réalisé avec un retard de trente minutes une délivrance artificielle avec révision utérine, qui a entraîné l'hémorragie de plus d'un litre, n'ont pas reconnu un lien de causalité entre d'une part cette faute et cette hémorragie et d'autre part l'insuffisance corticotrope isolée, découverte six ans plus tard en 2017, et aujourd'hui substituée par hydrocortisone, dont souffre Mme B.... Ils ont discuté en détail les raisons pour lesquelles ils ne retenaient pas l'existence d'un syndrome de Sheehan. L'absence de précision au dossier médical qu'ils ont consulté sur la nature des produits non sanguins administrés après l'accouchement pour compenser l'hypovolémie n'apparait pas de nature à justifier un complément d'expertise. La circonstance que certains résultats d'analyses effectuées un an après n'aient pas été vus en direct n'a pas empêché les experts de prendre connaissance des résultats principaux de ces analyses, et d'en tirer les conclusions sur l'absence de symptômes d'anomalie hormonale dans les suites rapprochées de l'accouchement. Mme B... ayant indiqué qu'elle avait bénéficié d'un traitement pour empêcher la montée de lait, elle ne peut utilement soutenir que les experts n'auraient pas pris en compte cette absence de montée laiteuse comme symptôme du syndrome de Sheehan. Dans ces conditions, Mme B..., qui peut contester au fond les conclusions du rapport des experts désignés par la CCI, n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge sur l'absence d'utilité d'une mesure d'expertise en l'état.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées, de même que celles de la CPAM de Pau venant à son soutien. Si celle-ci demande également le remboursement d'un droit de plaidoirie, un tel droit n'est pas dû en l'absence d'audience, et ces conclusions sans objet ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la CPAM de Pau sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B..., au centre hospitalier de la Côte Basque, à la caisse d'assurance maladie de Pau et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Fait à Bordeaux, le 22 octobre 2020.
Le juge d'appel des référés,
Catherine Girault,
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 20BX01945