Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2018, M. et Mme E..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette réduction ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la société civile financière TK a opté pour l'impôt sur les sociétés dès sa constitution, en exécution d'un procès-verbal du 29 mai 1995 ; son activité initiale n'était pas celle d'un marchand de biens mais une activité financière de nature civile, qui n'a pas été contestée et remise en cause ; si elle a changé d'activité en 2000, ce changement n'a pas eu d'incidence sur les effets définitifs de son option pour l'impôt sur les sociétés ; la société étant soumise à l'impôt sur les sociétés sur option, la rémunération de M.E... en tant que gérant doit être imposée dans la catégorie des traitements et salaires au regard du I de l'article 211 et de l'article 62 du code général des impôts et de la doctrine administrative BOI-RSA-GER-10-30 du 12 septembre 2012 paragraphe 340.
Par un mémoire en défense, enregistré les 27 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.
Par un mémoire distinct, enregistré le 30 décembre 2019, M. et Mme E... ont demandé à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions du I de l'article 211 du code général des impôts aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi et devant les charges publiques découlant des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dès lors que ces dispositions instituent entre des contribuables placés dans des situations identiques une différence de traitement, qui n'est pas justifiée par des raisons d'intérêt général ni fondée sur des critères objectifs et rationnels.
Par un mémoire, enregistré le 13 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que n'est pas remplie l'une des conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, à savoir que la question soulevée présente un caractère sérieux.
Par une ordonnance n° 18NT02035 QPC du 21 avril 2020, le président de la 1ère chambre de la cour n'a pas transmis au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me A..., représentant M. et Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société civile financière (SCF) TK, dont M. E... est le gérant et l'associé majoritaire, et d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause l'application par l'intéressé du régime dit " micro-bénéfices non commerciaux " dès lors que les sommes déclarées au titre des années 2011 et 2012 excédaient le seuil prévu à l'article 102 ter du code général des impôts. La demande de M. et Mme E... tendant à la réduction des cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de ces deux années a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mars 2018 dont ils relèvent appel.
2. Aux termes de l'article 239 du code général des impôts : " 1. Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l'article 206 peuvent opter, dans des conditions qui sont fixées par arrêté ministériel, pour le régime applicable aux sociétés de capitaux. Dans ce cas, l'impôt sur le revenu dû par les associés en nom, commandités, coparticipants, l'associé unique de société à responsabilité limitée et les associés d'exploitations agricoles est établi suivant les règles prévues aux articles 62 et 162. / L'option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l'impôt sur les sociétés. (...). Dans tous les cas, l'option exercée est irrévocable ". Aux termes de l'article 206 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions (...). / 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...). ". Aux termes de l'article 35 du même code : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux (...). ". Il résulte de ces dispositions que les bénéfices réalisés par les sociétés civiles exerçant l'activité de marchand de biens sont soumis de plein droit à l'impôt sur les sociétés sans qu'il soit besoin que ces sociétés aient souscrit l'option prévue par l'article 239 du code général des impôts.
3. En l'espèce, d'une part, la SCF TK, qui a acquis des lots de terrains à bâtir dans la Sarthe et en Maine-et-Loire en 2005, et les a revendus entre 2007 et 2012, a exercé une activité de lotisseur entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article 35 du code général des impôts. D'autre part, ses statuts ont été modifiés en 2011 pour exercer une activité commerciale d'acquisition, d'exploitation et de cession d'immeubles, de biens et droits immobiliers et d'édification de toute construction. D'ailleurs, les requérants ne contestent pas le fait qu'elle exerce une telle activité avec la modification de son objet social. Dans ces conditions, l'activité de marchand de biens de la SCF TK est soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés.
4. Sont inopérants le moyen tiré de ce que la SCF TK a opté pour l'impôt sur les sociétés en 2000 et celui tiré de l'absence de caducité de l'option compte tenu de son changement d'activité en 2011.
5. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " " 1°. Sont considérés (...) comme des revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux (...) les bénéfices de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ". Aux termes de l'article 102 ter du même code, dans sa rédaction applicable du 1er mai 2010 au 12 juin 2011 : " 1. Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux d'un montant annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'activité au cours de l'année civile, n'excédant pas 32 100 euros (...) hors taxes est égal au montant brut des recettes annuelles diminué d'une réfaction forfaitaire de 34 % avec un minimum de 305 euros. " et dans sa rédaction applicable du 12 juin 2011 au 30 mai 2014 ; " 1. Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux d'un montant annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'activité au cours de l'année civile, n'excédant pas 32 600 euros hors taxes est égal au montant brut des recettes annuelles diminué d'une réfaction forfaitaire de 34 % avec un minimum de 305 euros. ".
6. Compte tenu, d'une part, du fait que la SCF TK relève de plein droit de l'imposition à l'impôt sur les sociétés depuis au moins 2011 et que les rémunérations de M. E... ne peuvent de ce fait être regardées comme imposables dans la catégorie des traitements et salaires, mais dans celle des bénéfices non commerciaux, d'autre part, de ce que, depuis 2011, les montants déclarés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux par M. E... pour les années 2011 et 2012, respectivement 60 000 euros et 52 500 euros, sont supérieurs aux seuils de 32 100 euros puis de 32 600 euros, prévus par les dispositions citées au point 5, l'intéressé ne pouvait pas légalement bénéficier du régime dit " micro-bénéfices non commerciaux ". C'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'application de ce dispositif et procédé aux rectifications litigieuses.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... E... et au ministre des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. D...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02035