Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2019, MmeB..., représentée par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 21 décembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Poitiers (CHU) à lui verser une provision de 20 000 euros ;
3°) de mettre à la charge du CHU une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une erreur fautive de diagnostic a été commise au CHU, où n'a pas été immédiatement décelée la double fracture de sa cheville gauche ;
- en conséquence de cette erreur et du retard dans la prise en charge de sa fracture, ses douleurs initiales ont été majorées et prolongées, ainsi que l'expert l'a relevé, sans que cela puisse être imputable à la prise en charge au Maroc ;
- elle a ensuite subi une pseudarthorse puis une infection nosocomiale, consécutivement à une intervention de cure de cette pseudarthorse, laquelle infection a elle-même nécessité une nouvelle opération puis la prise d'un traitement médicamenteux ;
- elle a subi un déficit fonctionnel temporaire, des souffrances et un préjudice esthétique temporaire dus au retard de diagnostic précité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné, M.C..., en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. À la suite d'une blessure à la cheville gauche, Mme B...a été prise en charge au centre hospitalier universitaire de Poitiers (CHU) dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 mai 2017, où des radiographies ont été réalisées et une entorse a été diagnostiquée. Alors qu'elle était en voyage au Maroc, à Marrakech, un médecin du service des urgences du CHU lui a indiqué par téléphone, le 16 mai, qu'après réexamen des radiographies, elle souffrait en réalité d'une double fracture nécessitant une opération chirurgicale. Ne souhaitant, toutefois, pas être opérée localement, Mme B...a seulement été prise en charge au CHU de Poitiers le lendemain de son retour de voyage, soit le 24 mai 2017. Un traitement orthopédique a été alors entrepris.
2. Le 21 juillet 2017, Mme B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'ordonner une expertise médicale, lequel a fait droit à sa demande par une ordonnance du 11 septembre 2017. Sur la base du rapport de l'expert, rendu le 11 février 2018, Mme B...a demandé la condamnation du CHU à lui verser une provision d'un montant de 20 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'une erreur et d'un retard de diagnostic. Elle relève appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers du 21 décembre 2018 qui a rejeté sa demande.
3. D'une part et aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / ".
5. Il est constant que l'erreur de diagnostic commise lors de l'admission aux urgences du CHU de Mme B...présente un caractère fautif. Par ailleurs, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers que la prise en charge au Maroc de l'intéressée a été conforme aux règles de l'art, en tout état de cause, et que le choix effectué au retour en France de cette dernière d'un traitement orthopédique, ainsi que le suivi de cette prise en charge, du moins jusqu'au jour de l'expertise, n'encourt pas davantage la critique.
6. Il résulte, en outre, de l'instruction que la faute commise au CHU a entraîné, d'une part, un déficit fonctionnel temporaire de 75 % durant une dizaine de jours supplémentaires par rapport au déficit fonctionnel temporaire qui aurait résulté des seules fractures présentées par l'intéressée, et, d'autre part, une prolongation, d'une dizaine de jours également, et une majoration des douleurs, évaluée à 2 sur une échelle de 7, consécutives à ces fractures. Un préjudice esthétique temporaire évalué à 3 sur une échelle de 7 en a, de plus, découlé durant une dizaine de jours.
7. En revanche, il n'existe aucun élément permettant d'établir, en l'état de l'instruction, un lien de causalité entre les complications ensuite apparues, soit une pseudarthorse qui a nécessité une intervention chirurgicale, puis une infection nosocomiale qui a elle-même dû entraîner la réalisation d'une nouvelle intervention chirurgicale, et le retard fautif de diagnostic en cause.
8. Eu égard à ce qui a été exposé aux deux points précédents, d'une part, l'existence d'une créance de l'appelante sur le CHU n'apparaît pas sérieusement contestable, ainsi que l'a relevé le premier juge et, d'autre part, seuls sont susceptibles de donner lieu à une indemnisation à titre provisionnel, dans le cadre de la présente instance, les préjudices cités au point 6. Il sera fait une juste évaluation de la provision à accorder afin de réparer ces préjudices en condamnant le CHU à verser à Mme B...une somme de 120 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire supplémentaire subi, une somme de 1 000 euros en raison de la majoration et de la prolongation des douleurs endurées et une somme de 200 euros au titre du préjudice esthétique supplémentaire supporté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à demander la réformation de l'ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'elle n'a pas condamné le CHU à lui verser une provision globale de 1 320 euros en réparation des préjudices subis en raison du retard fautif de diagnostic de sa double fracture. Elle est également fondée à demander que soit mis à la charge du CHU le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : Le CHU est condamné à verser à Mme B...une provision de 1 320 euros.
Article 2 : L'ordonnance du 21 décembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 3 : Le CHU versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A...B..., au centre hospitalier universitaire de Poitiers, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-maritime.
Fait à Bordeaux, le 23 mai 2019.
Le juge des référés,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 19BX00001