Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2021, Mme C... demande au juge des référés de la cour :
1°) de réformer cette ordonnance en ce qu'elle n'a pas ordonné l'expertise au contradictoire également du docteur Lesage, médecin libéral qui avait suivi sa fille au foyer départemental de l'enfance ;
2°) d'étendre la mission d'expertise au docteur Lesage.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé la juridiction administrative incompétente, alors que le tribunal des conflits a jugé que " avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige, et dès lors que ce dernier est de nature à relever, fût-ce pour partie, de l'ordre de juridiction auquel il appartient, le juge des référés a compétence pour ordonner une mesure d'instruction sans que soit en cause le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ; qu'il n'en est autrement que lorsqu'il est demandé au juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction qui porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas l'ordre de juridiction auquel il appartient " ;
- la mise en cause de l'ensemble des intervenants est utile pour faire la lumière sur les circonstances du décès, et le docteur Lesage est le dernier médecin à avoir vu B... en consultation lorsqu'elle était au foyer et est celui qui a posé le diagnostic d'angine, différant ainsi sa prise en charge par un service spécialisé. C'est également celui qui a suivi la jeune fille durant toute la période où elle était au foyer. Il ne s'agit pas à ce stade d'engager sa responsabilité mais d'apprécier d'éventuels manquements aux règles de l'art.
Par un mémoire enregistré le 11 février 2021, le CH de Châteauroux, le CHU de Tours et l'établissement public Blanche de Fontarce concluent à ce que la requête de Mme C... soit accueillie, pour les motifs qu'elle a exposés.
La requête a été communiquée au Dr Lesage, qui n'a pas produit d'observations en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Considérant :
1. B... C... a été prise en charge par le service de psychiatrie infanto juvénile du centre hospitalier de Châteauroux au cours de l'été 2011, et suivie ensuite au sein du foyer départemental de l'enfance Blanche de Fontarce par le docteur Lesage, intervenant à titre libéral dans cet établissement. A la suite d'un épisode de douleurs abdominales, de toux et de grande fatigue de l'enfant en février 2012, sa mère a sollicité son hospitalisation, laquelle a été différée par le foyer jusqu'à une aggravation de l'état de la jeune fille le 13 mars 2012. Admise aux urgences du CH de Châteauroux, où elle a fait un arrêt cardiaque, elle a été transférée en urgence au CHU de Tours, où elle est décédée le 14 mars 2012. Sa mère a sollicité une expertise du tribunal administratif de Limoges et relève appel de l'ordonnance du 11 janvier 2021 en tant que le président du tribunal a rejeté sa demande d'associer le docteur Lesage à l'expertise au motif qu'" Il n'appartient pas au juge administratif de connaître des conclusions tendant à rechercher la responsabilité personnelle d'un médecin ".
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.
3. Avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige, et dès lors que ce dernier est de nature à relever, fût-ce pour partie, de l'ordre de juridiction auquel il appartient, le juge des référés a compétence pour ordonner une mesure d'instruction sans que soit en cause le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Il n'en est autrement que lorsqu'il est demandé au juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction qui porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas l'ordre de juridiction auquel il appartient.
4. Il est constant que l'expertise ordonnée par le premier juge, qui a pour objet de rechercher si les soins et actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux règles de l'art médical et aux données acquises de la science médicale à l'époque des faits, est susceptible de révéler le cas échéant des faits de nature à engager la responsabilité des hôpitaux et structures publiques dans lesquels la jeune B... a été accueillie. Dans ces conditions, la recherche concomitante d'une éventuelle imputabilité du décès au médecin libéral qui l'a suivie ne peut être regardée comme portant à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas à la juridiction administrative. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a décliné la compétence de cette juridiction pour ordonner que l'expertise soit réalisée également au contradictoire du docteur Lesage.
5. Il y a lieu de constater que cette extension des parties est utile à la recherche des causes du décès de l'enfant et des éventuels manquements aux règles de l'art médical qui l'auraient précédé, et de réformer en ce sens l'ordonnance attaquée.
ORDONNE :
Article 1er : L'article 9 de l'ordonnance n° 2000755 du président du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : Les opérations de l'expertise prescrite par cette ordonnance seront menées au contradictoire du Dr Lesage, et incluront l'examen des prescriptions ordonnées et des diagnostics qu'il a posés afin de déterminer s'ils révèlent un manquement aux règles de l'art et pourraient être à l'origine du décès, en précisant éventuellement dans quelles proportions.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... C..., au centre hospitalier de Châteauroux, à l'établissement public départemental Blanche de Fontarce, au centre hospitalier universitaire de Tours, hôpital Trousseau, à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher, au docteur Yves Lesage et à l'expert, le docteur Jean-Jacques Dumond.
Fait à Bordeaux, le 26 février 2021.
La juge d'appel des référés,
Catherine Girault,
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance
N° 21BX00232 2