Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juillet 2019 ;
2°) à titre principal, d'annuler les décisions du 21 mai 2019 par lesquelles le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi et, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision d'éloignement dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur sa demande ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une attestation de demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les articles L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est entachée d'un défaut de motivation en fait ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- il s'est, à tort, estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 mars 2019 et n'a pas tenu compte de son intention de contester cette décision ;
- la décision portant éloignement a été édictée au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas reçu une information à jour des dernières réformes conformément aux dispositions du 4ème alinéa de l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article 5 de la directive 2013/33/UE, lui permettant de comprendre qu'un recours devant la CNDA ne prolongeait pas son droit au maintien sur le territoire ;
- cette décision est dépourvue de base légale dès lors que l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaît le considérant 25 de la directive européenne 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'article 46 de ce même texte, les articles 18 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que le premier paragraphe de l'article 6 et l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît également les articles L. 511-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient pour le préfet une simple faculté d'édicter une décision d'éloignement après le rejet d'une demande d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- c'est à tort que le premier juge, à défaut de prononcer l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, a refusé d'en suspendre l'exécution sur le fondement de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est également entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité des décisions du même jour de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions tendant à la suspension de la décision portant obligation de quitter le territoire français ont perdu leur objet dès lors que la Cour nationale du droit d'asile a statué le 10 octobre 2019 sur le recours formé contre la décision de l'OFPRA du 8 mars 2019.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- les directives 2013/32/UE et 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante kosovare née le 31 janvier 1989, est entrée en France le 24 septembre 2018 afin d'y solliciter l'asile. Par une décision du 8 mars 2019 rendue au terme d'une instruction de sa demande en procédure accélérée, sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. Mme D... a formé un recours contre cette décision auprès de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 21 mai 2019, pris sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 30 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 21 mai 2019 :
En ce qui concerne la légalité de la décision d'éloignement :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
3. La décision attaquée mentionne que Mme D... s'est vu refuser le bénéfice de l'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 mars 2019 et qu'elle est originaire d'un pays sûr, elle fait également état de sa situation personnelle et familiale en France ainsi que dans son pays d'origine et relève notamment que son éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle et à sa vie familiale. Cette décision est, dans ces conditions, suffisamment motivée en fait et ne méconnaît ni les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, en tout état de cause, celles de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
4. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen particulier de la situation de Mme D... et qu'il ne s'est pas estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile. La circonstance que la décision attaquée ne mentionne pas l'intention de Mme D... de contester la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne l'entache pas d'illégalité.
5. Aux termes de l'article 5 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres informent, au minimum, les demandeurs, dans un délai raisonnable n'excédant pas quinze jours après l'introduction de leur demande de protection internationale, des avantages dont ils peuvent bénéficier et des obligations qu'ils doivent respecter eu égard aux conditions d'accueil. / Les États membres garantissent que des informations sont fournies aux demandeurs sur les organisations ou les groupes de personnes qui assurent une assistance juridique spécifique et sur les organisations susceptibles de les aider ou de les informer en ce qui concerne les conditions d'accueil dont ils peuvent bénéficier, y compris les soins médicaux. 2. Les États membres font en sorte que les informations prévues au paragraphe 1 soient fournies par écrit et dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Le cas échéant, ces informations peuvent également être fournies oralement ". Aux termes de l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Il est remis au demandeur d'asile l'imprimé mentionné à l'article R. 723-1 lui permettant d'introduire sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides selon la procédure prévue au même article. Il est également informé de la liste des langues mentionnée à l'article R. 723-5 et indique à l'autorité administrative celle dans laquelle il préfère être entendu lors de l'entretien personnel devant l'office. / Il lui est également remis un document d'information sur la procédure de demande d'asile, sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter au cours de la procédure, sur les conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et sur les moyens dont il dispose pour l'aider à introduire sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ce document l'informe également sur ses droits et sur les obligations au regard des conditions d'accueil, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance aux demandeurs d'asile. Cette information se fait dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend ".
6. Mme D... soutient, pour la première fois en appel, que la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure dès lors que la brochure d'information qui lui a été délivrée conformément aux textes précités faisait mention, de manière erronée, du caractère suspensif de toute mesure d'éloignement du recours formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Toutefois, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que la requérante ne produit pas à l'instance la brochure dont elle allègue l'inexactitude.
7. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. / Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. " Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". L'article L. 723-2 du même code dispose : " I. L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ".
8. Le considérant 25 de la directive européenne 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 énonce: " Afin de pouvoir déterminer correctement les personnes qui ont besoin d'une protection en tant que réfugiés au sens de l'article 1er de la convention de Genève ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, chaque demandeur devrait avoir un accès effectif aux procédures, pouvoir coopérer et communiquer de façon appropriée avec les autorités compétentes afin de présenter les faits pertinents le concernant, et disposer de garanties de procédure suffisantes pour faire valoir sa demande à tous les stades de la procédure. Par ailleurs, la procédure d'examen de sa demande de protection internationale devrait, en principe, donner au demandeur au moins : le droit de rester sur le territoire dans l'attente de la décision de l'autorité responsable de la détermination (...), et, en cas de décision négative, le droit à un recours effectif devant une juridiction ". Aux termes des paragraphes 5 et 6 de l'article 46 de cette même directive : " (...) 5. Sans préjudice du paragraphe 6, les Etats membres autorisent les demandeurs à rester sur le territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours. / 6. En cas de décision : a) considérant une demande comme manifestement infondée conformément à l'article 32, paragraphe 2, ou infondée après examen conformément à l'article 31, paragraphe 8, à l'exception des cas où les décisions sont fondées sur les circonstances visées à l'article 31, paragraphe 8, point h) ; (...) une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'Etat membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l'Etat membre et lorsque dans ces cas, le droit de rester dans l'Etat membre dans l'attente de l'issue du recours n'est pas prévu par le droit national. (...) ". Aux termes du paragraphe 8 de l'article 31 de la directive européenne 2013/32/UE : " (...) Les Etats membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, d'accélérer une procédure d'examen et/ou de mener cette procédure à la frontière ou dans les zones de transit conformément à l'article 43 lorsque : (...) b) le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de la présente directive (...) ".
9. Il résulte des dispositions précitées de la directive 2013/32/UE que lorsque le demandeur est, comme en l'espèce, originaire d'un pays d'origine sûr, le droit à un recours effectif prévu par l'article 46 de cette directive n'implique pas nécessairement que le demandeur ait le droit de se maintenir sur le territoire de l'État membre dans l'attente de l'issue du recours juridictionnel formé contre la décision rejetant sa demande de protection internationale mais implique seulement, lorsque cette décision a pour conséquence de mettre un terme à son droit au séjour dans l'État membre, qu'une juridiction décide s'il peut se maintenir sur le territoire de cet État. Par suite, les dispositions des articles L. 743-2 et L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui autorisent l'étranger, dont le droit au maintien sur le territoire français a pris fin suite à une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée dans le cas où le demandeur provient d'un pays d'origine sûr, à demander au tribunal administratif de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet jusqu'à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur son recours, sont compatibles avec les dispositions précitées de la directive 2013/32/UE.
10. Aux termes de l'article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après dénommés "les traités") ". Aux termes de l'article 47 de cette même Charte : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. (...) ". Aux termes de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". Enfin, aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ".
11. Il résulte des dispositions combinées du 7° de l'article L. 743-2 et de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger dont la demande d'asile a fait l'objet d'une décision de rejet de l'office français de protection des réfugiés et apatrides dans les cas prévus au I de l'article L. 723-2 de ce code ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français et peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il s'ensuit qu'en application de ces dispositions, l'exercice d'un recours à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile ne présente pas de caractère suspensif et n'induit aucun droit au maintien sur le territoire français pour l'intéressé. Toutefois, en vertu de l'article L. 512-3 du même code, l'obligation de quitter le territoire français éventuellement prise à l'encontre de l'intéressé ne peut être exécutée d'office avant l'expiration du délai prévu pour exercer un recours contentieux à son encontre et 1'exercice de ce recours contentieux suspend son caractère exécutoire jusqu'à la fin de l'instance. Par ailleurs, l'intéressé peut utilement faire valoir l'ensemble de ses arguments dans le cadre d'une procédure écrite devant la Cour nationale du droit d'asile et se faire représenter à l'audience. Enfin, l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet au magistrat désigné par le président du tribunal administratif, à la demande de l'étranger, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile si l'étranger présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient contraires aux articles 18 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et aux articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Ainsi qu'il a été exposé au point 4 ci-dessus, le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas estimé lié par le rejet de la demande d'asile de Mme D... par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. La requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision d'éloignement attaquée méconnaîtrait les dispositions des articles L. 511-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne prévoient qu'une faculté pour le préfet de décider de l'éloignement d'un ressortissant étranger provenant d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
13. Mme D... reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
14. Les moyens dirigés contre la décision portant éloignement du territoire français ayant été écartés et l'arrêté attaqué ne comportant pas de décision de refus d'admission au séjour, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant un pays de renvoi serait dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de telles décisions.
15. La décision attaquée indique, dans son dispositif, qu'il est fait obligation à Mme D... de quitter le territoire français pour rejoindre le pays dont elle possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'accord de Schengen où elle est légalement admissible. Elle vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que l'intéressée n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ni qu'elle y serait exposée à des peines ou traitement contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée. Cette motivation révèle que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen particulier de la situation de la requérante contrairement à ce qu'elle soutient.
16. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "
17. Mme D... soutient avoir fui le Kosovo où elle aurait été forcée par son frère, pour apurer le règlement d'une dette familiale, d'épouser un homme âgé de 68 ans qui l'a agressée sexuellement à plusieurs reprises, et où elle craint des représailles en cas de retour. Elle ne produit toutefois, ainsi que l'a retenu à bon droit le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, aucun élément susceptible d'établir un risque actuel, personnel et direct en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
Sur la demande de suspension de l'exécution de la décision d'éloignement :
18. Par une décision du 10 octobre 2019, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours formé par Mme D... à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 mars 2019 rejetant sa demande d'asile. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requérante tendant, sur le fondement de l'article L. 743-3 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président de tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 21 mai 2019 et à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire dont elle fait l'objet. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme I... G..., présidente,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
Mme B... F..., conseillère.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.
La rapporteure,
Kolia F...
La présidente,
Catherine G...
Le greffier,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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20BX00031