2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans
un délai de 20 jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme
de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et repose sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; le préfet n'a pas pris en compte l'ancienneté de sa présence en France depuis près de dix ans, ainsi que celle de son époux et de son fils, l'absence d'attaches en Géorgie et la stabilité et l'intensité de ses liens en France, et ses efforts d'insertion professionnelle malgré sa pathologie médicale ; elle-même et son époux souffrent de pathologies graves ;
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de
l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle a été admise au séjour en qualité d'étranger malade en raison de ses pathologies, et il n'est pas justifié de ce qu'une prise en charge médicale adaptée serait désormais possible en Géorgie ; elle établit devant la cour que les traitements liés à sa pathologie rénale ne pourraient pas lui être prodigués dans son pays d'origine ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- le préfet a décidé de manière automatique d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, sans exercer son pouvoir d'appréciation ;
- la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mars 2019.
Par une ordonnance du 14 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée
au 17 juillet 2019 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D..., ressortissante géorgienne née le 19 novembre 1975, est entrée en France en 2010 selon ses déclarations faites lors de sa demande d'asile. A la suite du rejet de sa demande d'asile, elle a bénéficié, du 22 décembre 2011 au 2 mars 2017, d'une carte de séjour " vie privée et familiale " pour raisons de santé. Elle a sollicité les 3 avril et
22 juin 2017 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un arrêté du 24 juillet 2018, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à renvoi. Mme D... fait appel du jugement du 19 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (....) "
3. Pour justifier la décision de refus de renouvellement du titre de séjour dont
Mme D... était titulaire en qualité d'étranger malade, le préfet de la Haute-Vienne se fonde sur l'avis émis le 17 septembre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) selon lequel, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine.
Il ressort des éléments médicaux versés au dossier que Mme D... présente une polystysose rénale qui " progresse rapidement ", est atteinte, du fait de cette maladie génétique, d'une insuffisance rénale chronique sévère de stade IV, et que " lorsque le DFG sera inférieur à 20 ml/min ", il faudra envisager une transplantation rénale, avec auparavant la possible nécessité d'une néphrectomie ou d'une embolisation de l'artère rénale s'accompagnant d'une dialyse.
A l'appui de sa contestation du sens de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII,
Mme D... produit, pour la première fois en appel, un document établi par l'Organisation mondiale de la santé relatif à l'offre de soins en Géorgie, dont il ressort que les techniques de traitement substitutif rénal par dialyse et de transplantation rénale, uniques et inéluctables modalités de traitement adaptées à l'état de santé de la requérante, ne sont pas disponibles dans ce pays. En se bornant à produire un extrait de la base de données MEDCOI relatif à la prise en charge médicale des maladies hépatiques en Géorgie, le préfet de la
Haute-Vienne ne discute pas utilement la pertinence des éléments apportés par la requérante. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à soutenir que le refus de titre de séjour attaqué méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à en demander, pour ce motif, l'annulation. Cette annulation entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à Mme D... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi
du 10 juillet 1991 :
7. Mme D... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros à Me B..., sous réserve que cette dernière renonce au versement de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801476 du tribunal administratif de Limoges du 19 décembre 2018 et l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 24 juillet 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à Mme D... un titre de séjour dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera à Me B..., avocate de Mme D..., la somme de 800 euros sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au ministre de l'intérieur, et au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.
Le rapporteur,
Marie-Pierre C...Le président,
Catherine GiraultLe rapporteur,
Marie-Pierre C...Le président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Vanessa Beuzelin
Le greffier,
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01405