2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2018 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2ème de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement du 21 mars 2019 est irrégulier dès lors qu'il a omis de statuer sur les moyens tirés de la méconnaissance par la mesure portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement ;
- en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 8 août 2018, elle est insuffisamment motivée s'agissant de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de fait s'agissant de sa situation de mineur isolé, qui est réelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors qu'elle n'a plus aucun contact avec sa famille restée dans son pays d'origine et qu'elle remplit les conditions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui pouvait justifier une admission exceptionnelle alors même qu'il n'est pas applicable aux algériens ; elle va passer un baccalauréat professionnel en juin 2019 et doit poursuivre un suivi orthophonique ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle vit en France depuis l'âge de 15 ans et n'a plus de contacts avec sa famille restée en Algérie ;
- en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, elle est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Deux mémoires en production de pièces, présentés pour Mme D... et enregistrés les 20 et 22 août 2019, n'ont pas été communiqués.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2019/009147 du 4 juillet 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante algérienne, née le 18 novembre 1999, est entrée en France, selon ses déclarations, le 3 avril 2015, sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa espagnol de quinze jours et a été confiée, le 21 mai 2015, au service de l'aide sociale à l'enfance de la Haute-Garonne. Elle a sollicité, le 18 novembre 2017, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement du 21 mars 2019 :
2. Il ressort des termes mêmes du jugement contesté, notamment de son point 9, que le tribunal, après les avoir visés, a répondu aux moyens tirés de la méconnaissance, tant par la décision portant obligation de quitter le territoire français que par la décision fixant le pays de renvoi, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation de Mme D.... Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 mars 2019 aurait été irrégulier.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 août 2018 :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision contestée, qui vise les dispositions sur lesquelles elle se fonde, en particulier le 5° du 6 de l'accord franco-algérien susvisé, précise notamment, en fait, que la requérante est entrée en France, selon ses déclarations, le 3 avril 2015 accompagnée de son frère Aymen, a fait l'objet d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance de la Haute-Garonne, qu'elle a ensuite présenté, le 18 novembre 2017, une demande d'admission au séjour en qualité de mineure isolée confiée à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, qu'après vérification, il s'avère qu'elle est entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles accompagnée de ses parents et de ses quatre frères et soeurs, que sa demande est frauduleuse dans la mesure où elle n'était pas isolée, qu'elle ne démontre pas avoir établi sur le territoire national des liens d'une intensité telle qu'ils pourraient justifier sa régularisation alors qu'elle a conservé d'importantes attaches familiales en Algérie, qu'elle est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas ne plus avoir de liens avec ses parents et ses frères et soeurs, qu'elle ne justifie pas de son inscription au lycée pour l'année scolaire 2018/2019, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale et qu'enfin, elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, la décision en litige est suffisamment motivée en fait au sens et pour l'application des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En deuxième lieu, Mme D... soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet estime à tort qu'elle n'était pas mineure isolée lorsqu'elle est entrée en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que la requérante est entrée en Espagne en 2015 accompagnée de son père, de sa mère et de ses quatre frères et soeurs, tous munis de visas de court séjour, et que son père, qui a effectué des séjours réguliers en France et en Espagne, est affilié à la Caisse primaire d'assurance maladie du Nord depuis le 18 octobre 2002. De plus, alors que Mme D... a déclaré devant le juge des enfants, en 2015, avoir quitté son pays seule avec son frère, elle a fait valoir, le 26 décembre 2017 auprès des services de la préfecture de la Haute-Garonne, avoir quitté l'Algérie avec son père et son frère, tandis que ce dernier déclarait devant ces mêmes services, le 23 mars 2017, être entré en France avec sa soeur à l'aide d'un passeur. En outre, il ressort d'une lettre du 21 novembre 2018 que la requérante a expressément indiqué être entrée en France avec toute sa famille sans s'être rendue compte du passage de la frontière et avoir été conduite finalement, avec son frère, auprès des services du Conseil départemental par un voisin. Enfin, l'intéressée ne conteste pas avoir eu plusieurs contacts avec son père et sa mère depuis son entrée sur le territoire français. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, notamment la preuve de l'entrée de l'ensemble des membres de la famille en Espagne en 2015, et des récits contradictoires de Mme D... et de son frère, le préfet de la Haute-Garonne a pu, à bon droit et sans entacher sa décision d'une erreur de fait, considérer que la requérante n'était pas une mineure isolée en France, lors de son entrée sur le territoire national.
5. En troisième lieu, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, régit, d'une manière complète, les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. Par suite, Mme D... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l'accord. Elle soutient, alors, que le préfet de la Haute-Garonne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors qu'elle aurait dû relever d'une mesure d'admission exceptionnelle au séjour aux motifs qu'elle est isolée sur le territoire français, qu'elle n'a plus de liens avec sa famille restée en Algérie, qu'elle ne constitue pas une menace à l'ordre public, qu'elle a été prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de quinze ans, qu'elle justifie du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation et qu'elle a fourni des efforts en vue de son intégration professionnelle. Toutefois, outre ce qui vient d'être exposé au point 5, il ressort des pièces du dossier que Mme D..., qui n'était pas mineure isolée, conserve des attaches familiales et des relations avec les membres de sa famille restés en Algérie, notamment son père et sa mère. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'en dépit de son investissement scolaire et professionnel, il n'y avait pas lieu de la faire bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour, au titre de son pouvoir discrétionnaire.
6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Si Mme D... est présente en France depuis plus de trois ans, elle n'établit pas y avoir tissé des liens d'une particulière intensité alors que son frère relève de la même situation et fait l'objet d'une mesure comparable de refus de titre de séjour pour les mêmes motifs. Il est constant qu'elle est célibataire, sans charge de famille et a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie où, selon ses propres déclarations, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales, notamment ses parents et trois de ses frères et soeurs. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, en vertu des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux ressortissants algériens s'agissant de règles de procédure, si la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français doit être motivée, elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsque celle-ci porte, notamment sur le refus de délivrance d'un titre de séjour, comme en l'espèce. Par suite, la décision portant refus de titre de séjour étant suffisamment motivée, ainsi qu'il vient d'être dit, la décision contestée est suffisamment motivée.
9. En deuxième lieu, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.
10. En troisième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés aux points 6 et 7, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme D... dès lors que l'essentiel de ses attaches familiales se trouvent dans son pays d'origine et que son frère, présent en France, fait l'objet d'une mesure identique d'éloignement.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise en particulier l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise, en fait, que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements personnels, réels et actuels, contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, compte tenu notamment de l'absence de demande d'admission au bénéfice de l'asile. Elle est, par suite, suffisamment motivée au sens et pour l'application des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
12. En deuxième lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, doit être écartée.
13. En troisième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6, 7 et 10, la décision fixant le pays de renvoi de Mme D..., qui ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2018 du préfet de la Haute-Garonne. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
M. Thierry B..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.
Le rapporteur,
Thierry B...Le président,
Catherine GiraultLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX01744