Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juillet 2020, M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 11 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme
de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation au regard de sa situation personnelle ;
- la préfète, qui n'a pas tenu compte de la durée de son séjour, de ses attaches en France et de sa rupture avec sa famille dans son pays d'origine, n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;
- le défaut de prise en charge de sa pathologie l'exposerait à la surdité et à des complications graves, notamment infectieuses, ce qui caractérise des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; ses problèmes d'audition nécessitent constamment des interventions, les appareils auditifs sont très coûteux en Algérie et les centres d'entretien sont peu nombreux, ce qui expose les utilisateurs à des dysfonctionnements ; il est suivi à Bordeaux depuis 2016 et sa pathologie nécessite une consultation spécialisée tous les six mois à vie ; il a noué en France des liens avec des personnes qui l'accompagnent dans les actes de la vie courante, alors qu'il serait isolé en Algérie ; ainsi, la décision méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- il est arrivé en France au plus tard en 2015 puisqu'il a signé la convention de divorce le 2 décembre 2015, et justifie ainsi de près de cinq ans de séjour ; il a exercé une activité professionnelle de février à juillet 2017, a participé à des formations et bénéficie d'un suivi médical qui fait partie de sa vie privée ; ainsi, la décision méconnaît les stipulations du 5)
de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la durée de sa présence sur le territoire français, son intégration professionnelle
et son état de santé constituent des motifs exceptionnels au sens des dispositions de
l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ont été méconnues ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour
et de l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour
et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle fait référence à une durée de présence erronée et se borne à indiquer qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens
avec la France ;
- eu égard à la durée de sa présence, à ses liens en France et au fait qu'elle le prive
de la possibilité de poursuivre le traitement médical dont il a besoin, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. F... ne sont pas fondés
et s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 25 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., de nationalité algérienne, est entré en France le 7 septembre 2015 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française qu'il avait épousée en Algérie le 18 février 2015, et s'est vu délivrer un titre de séjour valable
du 17 mai 2016 au 16 mai 2017, dont le renouvellement lui a été refusé par une décision
du 24 juillet 2017, au motif qu'il était divorcé depuis le 20 janvier 2016. Il n'a pas déféré
à la mesure d'éloignement dont cette décision était assortie et, le 26 juillet 2018, a sollicité
un certificat de résidence en invoquant son état de santé. Par un arrêté du 11 octobre 2019,
la préfète de la Gironde a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. F... relève appel du jugement du 27 mai 2020
par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté dans son ensemble :
2. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision est précisément motivée au regard des stipulations
du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien qui constituaient le fondement de la demande, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. En relevant en outre que M. F... est divorcé de son épouse de nationalité française depuis le 20 janvier 2016, qu'il est sans charge de famille en France, qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident ses parents et son frère, qu'il n'a pas rompu tout lien avec son pays d'origine et qu'il a vécu hors de France au moins jusqu'à l'âge de 36 ans, la préfète a suffisamment motivé son refus de lui accorder un titre de séjour sur le fondement d'autres stipulations de l'accord franco-algérien et de prendre une mesure de régularisation exceptionnelle au regard de sa situation personnelle et familiale. La circonstance que M. F... est entré en France à l'âge de 34 ans, et non de 36 ans, est sans incidence sur le fait qu'ainsi qu'il ressort de cette motivation, la préfète a procédé à l'examen particulier de sa situation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...). / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...). " Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens pour la mise en oeuvre de ces stipulations : " Pour l'application du 11° de
l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège
de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire.
5. Par un avis du 21 septembre 2018, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. F... nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces produites par le requérant qu'il a subi à l'âge de 14 ans une chirurgie de l'oreille gauche en Algérie pour un cholestéatome, qu'une récidive de cette pathologie a été traitée en France par deux nouvelles interventions
les 21 décembre 2017 et 3 mai 2018, qu'une surveillance est nécessaire à raison d'une consultation spécialisée tous les six mois, et que la surdité mixte de l'oreille gauche moyenne en lien avec le cholestéatome peut être compensée par un appareillage, tandis que l'audition de l'oreille droite est normale. Ces éléments ne contredisent pas l'appréciation des médecins de l'OFII quant aux conséquences d'un défaut de prise en charge, et au surplus, il n'est pas démontré que le suivi ne pourrait être réalisé en Algérie, où il l'a déjà été. Par suite, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. L'aide d'une tierce personne ne relevant pas de la prise en charge médicale mentionnée par ces stipulations, M. F... ne peut utilement faire valoir qu'il serait privé en Algérie de l'accompagnement dont il bénéficierait en France " dans les actes de la vie courante ", au demeurant non indispensable au regard du caractère très modéré de son handicap.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien prévoit la délivrance du certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " au ressortissant algérien dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. M. F..., qui se borne à se prévaloir de la durée de son séjour en France, laquelle n'était que de quatre ans à la date de la décision contestée, d'une activité professionnelle de février à juillet 2017, de la participation en 2016 à deux journées de formation organisées par l'OFII et de son suivi médical, ne justifie d'aucun lien personnel ou familial.
Par suite, il n'est fondé à invoquer ni la méconnaissance des stipulations précitées, ni une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
7. M. F..., ressortissant algérien dont les conditions d'admission au séjour en France sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui sont inapplicables.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à invoquer, par la voie
de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. F... n'est pas fondé à invoquer
la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à invoquer, par la voie
de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Sur l'interdiction de retour :
11. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
12. Aux termes du quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Selon le huitième alinéa de ce III, " le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "
13. Contrairement à ce qu'affirme le requérant, la décision ne se borne pas à faire référence à sa durée de présence et à indiquer qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, mais relève également qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement non exécutée, qu'il se maintient sur le territoire en infraction à la mesure d'éloignement du 24 juillet 2017, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où vivent ses père, mère et frère. Elle est ainsi suffisamment motivée.
14. M. F..., dont la durée de séjour n'était que de quatre ans à la date de la décision et dont l'état de santé ne nécessite pas la présence en France, n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour d'une durée de deux ans serait entachée d'erreur d'appréciation.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre
des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme I... H..., présidente,
Mme A... E..., présidente-assesseure,
Mme D... G..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2021.
La rapporteure,
Anne E...
La présidente,
Catherine H...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 20BX02369