Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2020 sous le N° 20BX03198, la préfète de la Vienne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 août 2020 en tant qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et qu'il lui a enjoint de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen ;
2°) de rejeter l'ensemble de la demande présentée par M. B... devant le tribunal.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a retenu que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français était insuffisamment motivée ; cette décision était en particulier suffisamment motivée au regard de la menace pour l'ordre public que représente l'intéressé ;
- elle renvoie, pour le surplus, à ses écritures de première instance.
II. Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2020 sous le n° 20BX03304, M. J... B..., alias J... F..., alias J... G..., représenté par Me L..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 août 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 28 juillet 2020 lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour valable un an, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux du 28 juillet 2020 a été édicté par une autorité incompétente, faute pour la préfète d'avoir produit la publication de l'arrêté de délégation ;
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a retenu qu'il a été entendu, notamment quant au caractère irrégulier de son séjour ; il n'a pas été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; il n'a reçu aucune information sur la procédure administrative diligentée à son encontre ;
- la décision portant éloignement a été édictée au terme d'une procédure irrégulière faute pour la préfète, qui avait connaissance de son état de santé dégradé, d'avoir sollicité l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors qu'elle ne fait pas état de l'ensemble des identités sous lesquelles il a vécu en France ;
- elle est également entachée d'un défaut de motivation en droit faute de viser l'accord franco-algérien ; le visa, par l'arrêté, des dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est erroné dès lors que la mesure d'éloignement n'est pas fondée sur l'existence d'une menace à l'ordre public ;
- c'est à tort que la préfète a fondé la mesure d'éloignement sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il est entré en France régulièrement ;
- cette décision est également entachée d'un défaut de motivation en fait au regard de sa situation privée et familiale en France ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa relation avec une ressortissante algérienne bénéficiant d'un certificat de résidence de dix ans ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire au motif de son entrée illégale sur le territoire français est entachée d'une erreur de fait ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que cette décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte d'une décision de refus de séjour, une telle décision n'étant pas intervenue en l'espèce ; cette décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation, notamment en ce qu'elle n'indique pas qu'il ne sera pas exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'il y a lieu de substituer, comme fondement de la mesure d'éloignement, l'irrégularité du maintien de M. B... sur le territoire français au motif de l'irrégularité de son entrée en France et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. J... B..., se disant ressortissant algérien né le 25 juillet 1990, alias M. J... G..., ressortissant tunisien né le 25 juin 1990, alias M. J... F..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1990, a été interpellé et placé en garde à vue le 27 juillet 2020 pour tentative d'homicide. Par un arrêté du 28 juillet 2020, la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. La préfète de la Vienne relève appel du jugement du 28 août 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et qu'il lui a enjoint de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen. M. B... relève appel de ce même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant un pays de renvoi.
Sur l'appel de M. B... :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :
2. Ainsi que l'a relevé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers, la préfète de la Vienne a, par un arrêté du 3 février 2020 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de ce département, donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, à l'effet de signer l'ensemble des décisions entrant dans le champ du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que la préfète n'aurait pas produit en défense un document attestant de la publicité de cette délégation ne peut utilement être invoquée alors que le recueil des actes administratifs est consultable par toute personne au guichet d'accueil de la préfecture ou sur le site internet, dont les références étaient au demeurant indiquées dans le mémoire en défense. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) / 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) ".
4. La décision litigieuse, prise au double motif de l'entrée irrégulière de M. B... en France et de ce qu'il constitue une menace pour l'ordre public, vise les textes sur lesquels elle se fonde, notamment les 1° et 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est ainsi suffisamment motivée en droit nonobstant la circonstance qu'elle ne vise pas l'accord franco-algérien, qui n'a ni pour objet ni pour effet de régir les mesures d'éloignement. Il ne saurait non plus être déduit de cette absence de visa que la préfète n'aurait pas examiné si M. B... pouvait bénéficier d'un certificat de résidence de plein droit en application de cette convention. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. B..., cette décision comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement et mentionne notamment qu'il a déclaré vivre en concubinage. Le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée en fait ne peut, par suite, qu'être écarté.
5. Contrairement à ce que soutient M. B..., la circonstance que la préfète de la Vienne n'ait pas fait état, dans la décision litigieuse, de l'ensemble des identités sous lesquelles il a vécu irrégulièrement en France n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen particulier de sa situation.
6. M. B... soutient, ensuite, qu'il a été privé de son droit d'être entendu avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective d'un éloignement.
7. En l'espèce, il ressort du procès-verbal d'audition produit par la préfète de la Vienne que M. B... a été entendu, le 27 juillet 2020, au commissariat de Poitiers et qu'au cours de cet entretien, il a pu faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle, notamment relatifs aux conditions de son entrée, mais aussi de son séjour en France où il a reconnu n'avoir entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation, à son état de santé, à son parcours professionnel et à sa situation privée et familiale. Il ne fait état d'aucun autre élément pertinent qui n'aurait pas été porté à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé de la mesure prise à son encontre. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu avant l'édiction de la décision en litige.
8. L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / 11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 (...) ". Par ailleurs, l'article R. 511-1 du même code dispose que : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé./ Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8. / En cas de rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ".
9. Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.
10. Il ressort du rapport de l'enquête sociale diligentée dans le cadre des poursuites pénales dont M. B... a fait l'objet, que l'intéressé a indiqué prendre, depuis ses 15 ans, du Rivotril et de la Prégabaline afin de remédier à un état de stress important, et qu'il était, lors de l'entretien, blessé physiquement. Toutefois, la préfète de la Vienne indique ne pas avoir eu connaissance d'un tel document mais seulement des deux procès-verbaux d'audition de l'intéressé par les forces de l'ordre. En toute hypothèse, il ne ressort pas des pièces du dossier que les blessures que l'intéressé conserve de l'agression pour laquelle il a été pénalement poursuivi auraient nécessité une intervention ou un traitement particulier, ni que l'interruption du traitement médicamenteux dont il bénéficie serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, les procès-verbaux d'audition communiqués à la préfète de la Vienne font seulement mention, pour le premier, d'un problème d'asthme et d'allergie au pollen et, pour le second, d'asthme et de dépression. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Vienne aurait disposé, à la date de la décision contestée, d'éléments d'information précis lui permettant d'estimer que son état de santé était susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté.
11. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de la décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'intéressé de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
12. La préfète de la Vienne expose ne pas avoir eu connaissance, lors de l'édiction de la décision d'éloignement litigieuse, des pièces produites par M. B... pour justifier de la régularité de son entrée en France et demande à la cour de substituer au motif tiré de l'irrégularité de celle-ci, le motif tiré du maintien de l'étranger sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, soit le 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces dispositions prévoyant des garanties équivalentes et la préfète disposant d'un même pouvoir d'appréciation, il y a lieu de procéder à la substitution demandée, sur laquelle M. B... a été mis en mesure de produire des observations, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a jamais cherché à régulariser sa situation sur le territoire français après l'expiration de son visa et qu'un tel motif est de nature à fonder légalement la décision litigieuse.
13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. M. B... se prévaut de sa relation avec une ressortissante algérienne, titulaire d'une carte de résident de dix ans. Il indique que si leur vie commune est récente, leur relation est ancienne et sérieuse ainsi qu'en attestent les pièces qu'il produit justifiant de ce qu'il s'occupe des enfants de sa compagne, de leur projet commun d'enfant et de mariage. Toutefois, si M. B... produit quelques attestations faisant état de son implication dans sa vie familiale et auprès des enfants de sa compagne, ces éléments ne sauraient suffire à établir l'intensité et l'ancienneté d'une telle relation alors qu'il a indiqué, de façon contradictoire, lors de son audition par les services de police, vivre en " concubinage déclaré " avec sa compagne depuis le 26 février 2020 puis " avoir une copine depuis un mois " dont il n'a pas été en mesure de donner l'adresse exacte et dont le numéro de téléphone qu'il a indiqué au cours de l'enquête sociale du 27 juillet 2020 s'est révélé non attribué. Dans ces conditions, la préfète de la Vienne n'a pas porté, par la décision d'éloignement litigieuse, une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de M. B... et n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision de refus de départ volontaire :
15. Ainsi qu'il a été exposé au point 12 ci-dessus, il y a lieu de substituer au motif de l'irrégularité de l'entrée de M. B... sur le territoire français celui du maintien irrégulier en France après l'expiration de son visa. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de départ volontaire serait entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle retient le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. B... ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
16. La décision fixant le pays de renvoi vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle mentionne, par ailleurs, que l'intéressé est obligé de quitter le territoire français pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde nonobstant la circonstance qu'elle n'énonce pas expressément que M. B... ne sera pas exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans son pays d'origine. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
17. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant un pays de renvoi.
Sur l'appel de la préfète de la Vienne :
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
19. Il résulte des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. La durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au paragraphe III de l'article L. 511-1 précité, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
20. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans mentionne que M. B... a été interpellé et placé en garde à vue le 27 juillet 2020 pour une tentative d'homicide, que son comportement constitue une menace à l'ordre public, qu'il se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis 2017 sans solliciter de titre de séjour, qu'il ne démontre pas avoir de liens personnels et familiaux et que dans ces conditions aucune circonstance humanitaire n'empêche qu'il soit interdit de retour. Elle est ainsi suffisamment motivée en fait. Par suite, la préfète de la Vienne est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a retenu le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation pour annuler la décision du 28 juillet 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français.
21. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de cette décision.
22. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des termes de la décision litigieuse que la préfète de la Vienne ne s'est pas estimée en situation de compétence liée pour édicter à son encontre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français et qu'elle a examiné l'existence de circonstances humanitaires, dont au demeurant l'intéressé ne se prévaut pas, susceptibles de justifier qu'une telle décision ne soit pas prononcée.
23. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, M. B... ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire qui aurait fait obstacle à ce qu'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français soit édictée à son encontre. Dans ces conditions, la préfète de la Vienne, qui aurait pris la même décision si elle ne s'était pas fondée sur l'existence d'une menace à l'ordre public, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
24. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la préfète de la Vienne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans édictée à l'encontre de M. B... et, d'autre part, que la demande présentée devant le tribunal par l'intéressé tendant à l'annulation de cette décision doit être rejetée. Il résulte également de ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 2001822 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 28 août 2020 est annulé en tant qu'il a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français et en tant qu'il a enjoint à la préfète de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen .
Article 2 : La demande de première instance de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme K... I..., présidente,
Mme A... E..., présidente-assesseure,
Mme D... H..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021.
La rapporteure,
Kolia H...
La présidente,
Catherine I...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03198, 20BX03304