Procédure devant la cour :
I) Par une requête enregistrée le 29 janvier 2016, MmeC..., représentée par Me Dujardin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504612 du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2016 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2015 en tant que celui-ci porte refus de délivrance d'un titre de séjour ;
2°) d'annuler la décision de refus de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour " salarié " ou " vie privée et familiale ", de procéder à défaut au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit adoptée sur ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de la l'Etat la somme de 1 600 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II) Par une requête enregistrée le 29 janvier 2016, MmeC..., représentée par Me Dujardin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1505716 du 9 décembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ayant rejeté ses demandes tendant à l'annulation d'une part de l'arrêté du 28 août 2015 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination et, d'autre part, de l'arrêté du 23 novembre 2015 portant assignation à résidence ;
2°) d'annuler ces arrêtés du préfet du Tarn ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour " salarié " ou " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit adoptée sur ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de la l'Etat la somme de 1 600 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et de la famille ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante congolaise, déclare être née le 9 janvier 1997 et être entrée en France le 16 mai 2014. Sa prise en charge en tant que mineure étrangère isolée a été confiée au service d'aide sociale à l'enfance du conseil départemental du Tarn jusqu'à sa majorité, par jugement du 24 juin 2014 du tribunal de grande instance d'Albi. Suite à sa demande de titre de séjour déposée le 4 septembre 2014 sur le fondement des dispositions de l'article
L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Tarn lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 23 août 2015 dans l'attente de la démonstration de sa minorité à son entrée en France et d'une réelle insertion professionnelle. Par un arrêté du 28 août 2015, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Il a par ailleurs décidé, par un arrêté du 23 novembre 2015, d'assigner à résidence MmeC.... Celle-ci relève appel des jugements du 9 décembre 2015 et du 22 janvier 2016 par lesquels le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions contenues dans les arrêtés pris à son encontre.
2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 16BX00439 et 16BX00440 présentent à juger des questions communes et concernent la situation d'un même étranger. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1o de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. "
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; que l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Et aux termes de l'article 22-1 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : " Par dérogation aux articles 21 et 22 et sous réserve d'exceptions prévues par décret en Conseil d'Etat, lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. / Dans le délai prévu aux articles 21 et 22, l'autorité administrative informe par tous moyens l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. / En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis tant par l'autorité administrative que par l'intéressé. ". Ainsi, il existe une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, qu'il incombe le cas échéant à l'administration de renverser en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
5. Le préfet du Tarn a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C...sur le fondement des dispositions précitées au motif qu'elle n'établissait pas être entrée mineure en France, dès lors que l'acte de naissance qu'elle a produit présentait des traces de falsification relevées par la direction départementale de la police aux frontières, et que l'interrogation de la base de données " Visabio " laissait supposer un précédent séjour dans l'espace Schengen sous un autre nom et avec une date de naissance correspondant à un âge réel de vingt-neuf ans.
Il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, qu'un examen osseux pratiqué le
5 novembre 2014 a conclu à un âge de l'intéressée compris entre dix-sept et dix-huit ans, et que, d'autre part, Mme C...a produit une fiche individuelle d'Etat civil et une copie intégrale de son acte de naissance établies en juillet 2015 par les services de l'état civil de la ville de Kinshasa, dont le préfet du Tarn ne conteste pas l'authenticité, et qui révèlent qu'elle est née le 9 janvier 1997. Ces éléments sont par ailleurs corroborés par l'obtention, auprès de l'ambassade de la République Démocratique du Congo à Paris, d'un passeport à son nom reprenant les mêmes informations et dont l'authenticité n'est pas davantage contestée en défense. Dans ces conditions, quand bien même l'acte de naissance présenté initialement à la préfecture comportait des traces de falsifications, les mentions y figurant doivent en l'espèce être tenues pour conformes à la réalité.
6. Il ressort des pièces du dossier que MmeC..., qui est entrée en France le 16 mai 2014, à l'âge de 17 ans ainsi qu'il vient d'être dit, a été prise en charge par l'aide sociale à l'enfance dès le 11 juin 2014. Elle a tout de suite démontré une volonté d'insertion en effectuant au mois de juillet suivant des stages de découverte en cuisine et s'est inscrite en certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " cuisine ", qu'elle a débuté en alternance avec une activité au sein d'un restaurant d'Albi dès le 1er octobre 2014. Elle justifiait par conséquent, à la date de l'arrêté attaqué, suivre depuis dix mois une formation qualifiante sur deux ans. Différentes attestations, établies tant par son employeur, son organisme de formation, la structure d'accueil, le propriétaire de son logement et le président du conseil départemental, de même que le relevé de ses notes pour l'année scolaire 2014/2015 établissent le caractère réel et sérieux tant du suivi de sa formation que de son insertion. Enfin, il n'est pas contesté que Mme C...a perdu sa mère et qu'elle n'a ni frère ni soeur. S'il ressort des pièces du dossier que la copie intégrale de son acte de naissance a été obtenue dans son pays d'origine par son père, les rapports de la structure d'accueil où elle réside ne font pas état de contacts réguliers avec celui-ci, ce que ne conteste pas sérieusement le préfet. Dans ces conditions, Mme C...est fondée à soutenir que le préfet du Tarn, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
28 août 2015 portant refus de titre de séjour.
8. Dès lors que le présent arrêt annule la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de MmeC..., les décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, ainsi que la décision ordonnant son assignation à résidence se trouvent dépourvues de base légale et doivent en conséquence être également annulées.
9. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 6, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Tarn de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
10. Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 septembre 2015. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il y a donc lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE
Article 1er : Les jugements n° 1504612 et 1505716 du tribunal administratif de Toulouse sont annulés, ainsi que les arrêtés du préfet du Tarn du 28 août et du 23 novembre 2015.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Tarn de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Dujardin, avocat de Mme C...en application des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
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