Par une requête enregistrée le 13 août 2015, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2015 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'ONIAM du 13 août 2012 ;
3°) subsidiairement, de condamner l'ONIAM à lui payer une indemnité de 49 200 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM les dépens de l'instance et la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle présente à titre principal un recours pour excès de pouvoir ; la loi du 9 août 2004, modifiée par celle du 17 décembre 2008 a confié à l'ONIAM la réparation des dommages résultant de la contamination par les virus VIH et VHC, lorsque la contamination résulte d'une transfusion de produits sanguins ou d'une injection de médicaments dérivés du sang ; l'indemnisation par l'ONIAM, au titre de cette loi, est entrée en vigueur le 1er juin 2010 ; l'ONIAM s'est substitué à l'Etablissement Français du Sang (EFS) dans tous les litiges en cours ; en matière médicale la prescription applicable est celle de dix ans à compter de la date de la consolidation ; la prescription quadriennale est inopposable ; l'Etat avait admis l'indemnisation des victimes de contaminations au décours de transfusions au titre de la solidarité nationale ; cette indemnisation a été supportée par l'EFS sans qu'à aucun moment la prescription quadriennale n'ait été opposée ; l'ONIAM n'a jamais contesté s'être substitué à l'EFS tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ; il n'est pas concevable que les victimes se voient opposer la prescription de leur action alors que cette action ne serait pas prescrite en l'absence de substitution de l'ONIAM à l'EFS ; l'équité exige que les victimes qui s'adressent désormais à l'ONIAM n'aient pas moins de droits qu'elles en auraient eu lorsqu'elles pouvaient diriger leur action contre l'EFS ; la prescription quadriennale n'a d'ailleurs jamais été opposée aux contaminés ni par l'EFS, ni par les tribunaux ; le délai de prescription applicable est celui opposable à l'EFS ; il expirait le 25 mars 2014, postérieurement à la date de la demande d'indemnisation amiable du 24 mai 2012 ;
- au cas où la cour s'estimerait saisie d'un litige de plein contentieux, elle ne pourra que déclarer la requête recevable et fondée ;
- les experts sont unanimes au sujet de l'administration de PPSB, l'hypothèse la plus plausible compte tenu de la remontée rapide du taux de prothrombine qui n'aurait pu se faire spontanément, de l'administration habituelle de PPSB en cas de surdosage en vitamine K, ce qui était son cas ; la présomption de causalité énoncée à l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ;
- en application de la jurisprudence l'imputabilité de la contamination ne souffre aucune contestation ; le rapport du Professeur Besnier précise d'ailleurs qu'elle ne présentait aucun autre facteur d'exposition au virus de l'hépatite C, exploration endoscopique, tatouage, soins par acupuncture ou mésothérapie ; elle a subi un déficit fonctionnel temporaire total de 16 mois, du 1er mai 2002 au 31 août 2003, justifiant l'allocation d'une indemnité forfaitaire de 11 200 euros ; le déficit fonctionnel permanent, estimé par l'expert à 5 % compte tenu de la persistance de l'asthénie et de la gêne articulaire des mains, justifie l'allocation de 10 000 euros ; ses souffrances physiques estimées à 3 sur 7 justifient l'allocation de 8 000 euros ; le préjudice lié la connaissance de sa contamination par un agent exogène sera réparé à hauteur de 20 000 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés les 1er octobre 2015 et 4 août 2016, l'ONIAM, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le recours visé par l'article L. 1221-14 du code de la santé publique est un recours de plein contentieux ;
- il y a lieu d'inviter Mme B...à produire la liste et le montant des prestations qu'elle a perçues au titre de l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et, plus généralement, des indemnités de toute nature perçues ou à percevoir ;
- aucun recours des tiers payeurs ne peut être accueilli ; la requête a été présentée après l'entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2008 ; le nouveau dispositif législatif est inapplicable aux demandes relatives à des litiges dont l'action est prescrite ;
- il n'est pas compétent pour connaître des demandes relatives à des actions prescrites en application de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, entré en vigueur le 1er juin 2010 ;
- au titre de la solidarité nationale, le régime de prescription mentionné à l'article L. 1142-28 du code de la santé publique est inapplicable ; il n'a pas repris les droits et obligations des anciens centres de transfusion sanguine et n'est nullement tenu par un régime de prescription dépendant de la personnalité juridique du centre ; l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 est applicable ; eu égard à la date de consolidation de l'état de santé de Mme B..., fixée au 25 mars 2004, le délai a commencé à courir le 1er janvier 2005 ; l'action était donc prescrite en 2012 lors de la présentation de sa demande à l'ONIAM ;
- l'enquête transfusionnelle a permis de retrouver les quatre donneurs qui sont tous séronégatifs ; aucune pièce du dossier n'établit la réalité de la transfusion de PPSB, habituellement administré en cas de surdosage de vitamine K ; le virus a été découvert en 2001, vingt-deux ans après la transfusion alléguée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Estimant avoir été victime à l'occasion de ses hospitalisations, du 30 au 31 mars 1979 et le 3 novembre 1994, d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C découverte en 2001, Mme B...a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par un courrier du 24 mai 2012, reçu le 29 mai suivant, d'une demande d'indemnisation de ses préjudices sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique. Par un courrier du 13 août 2012, l'ONIAM a rejeté sa demande en lui opposant la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 et en ajoutant qu'en tout état de cause, les produits transfusés en 1979 et en 1994 n'étaient pas à l'origine de la contamination. Mme B... a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 13 août 2012, subsidiairement, à la condamnation de l'ONIAM à lui payer une indemnité de 49 200 euros. Par un jugement du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Poitiers, auquel la demande a été transmise en application des dispositions combinées des articles R. 351-3 et R. 312-14-1 du code de justice administrative, a retenu l'exception de prescription quadriennale opposée par l'ONIAM, a rejeté la demande de Mme B...et a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée en référé. Mme B...relève appel de ce jugement en invoquant la prescription décennale instituée en matière de responsabilité médicale par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002.
Sur les conclusions principales :
2. La décision du 13 août 2012 par laquelle l'ONIAM a rejeté la demande de Mme B... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de cette demande. Par suite, les conclusions de Mme B...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ne sont pas recevables.
Sur les conclusions subsidiaires :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui en vertu de l'article 72 de cette loi est applicable aux actions juridictionnelles introduites à compter du 1er juin 2010 : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ... causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ...sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa ".
4. En vertu de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le VHC antérieure à la date d'entrée en vigueur de cette loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur.
5. La présomption prévue par cet article est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance. Tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du VHC à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits. Eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions.
6. Il résulte de l'instruction que Mme B...a reçu deux culots de sang au cours de son hospitalisation dans la nuit du 30 au 31 mars 1979, puis deux culots de concentré de globules rouges le 3 novembre 1994. Toutefois, il résulte de l'enquête transfusionnelle menée par l'ONIAM que les quatre donneurs à l'origine de ces produits étaient, au cours des contrôles effectués en 2003, postérieurement aux transfusions, séronégatifs au virus de l'hépatite C. Dans son rapport du 25 octobre 2004, l'expert commis en référé a estimé qu'aucun élément du dossier médical de Mme B...n'établissait l'administration de tout autre produit susceptible d'être incriminé dans la transmission du virus en concluant que " l'enquête transfusionnelle permet clairement d'exclure le rôle des transfusions dans la transmission du virus ". S'il a indiqué que l'hypothèse de l'administration de facteurs de coagulation de type PPSB était la plus plausible, la preuve de l'administration de PPSB n'est en l'espèce pas rapportée. Dans ces conditions, alors que l'innocuité des produits sanguins délivrés doit être regardée comme établie, eu égard à la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C et en l'absence de preuve d'administration de facteurs de coagulation de type PPSB, la réparation des conséquences dommageables de la contamination de Mme B...ne peut être mise à la charge de l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2017.
Le rapporteur,
Marie-Thérèse Lacau Le président,
Elisabeth Jayat Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX02809