Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 juillet et 26 décembre 2016,
15 juin 2017 et 5 septembre 2018, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mai 2016 ;
2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif par les consorts A...et la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.
Il soutient que :
- l'erreur de diagnostic commise n'est pas fautive ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en accordant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde une somme de 30 691,80 euros au titre de frais futurs capitalisés sans avoir au préalable recueilli son accord ; la caisse n'établit pas que les débours dont elle demande le remboursement seraient en lien de causalité directe avec la faute invoquée ;
- le tribunal a également commis une erreur de droit en le condamnant à verser à la CPAM de la Gironde une somme de 192 061,67 euros correspondant au capital représentatif de la pension d'invalidité servie à M. A...alors que la perte de revenus et l'incidence professionnelle subies par ce dernier a été évalué à la somme globale de 67 300,51 euros, constituant l'assiette du recours de la caisse ;
- l'indemnité de 47 000 euros à laquelle il a été condamné au titre du déficit fonctionnel permanent de M. A...en lien avec l'erreur de diagnostic est excessive.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mai et 18 juillet 2017, M. C...A...et Mme E...A..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants Maïssan, Wassim et Merwan, représentés par la SELARL Coubris, Courtois et Associés, concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demandent que le CHU de Bordeaux, subsidiairement l'ONIAM, soit condamné à verser
à M. A...une indemnité d'un montant global de 262 114,96 euros assortie à compter
du 1er janvier 2017 d'une rente annuelle de 23 139 euros revalorisée annuellement, à Mme A...une indemnité globale de 45 000 euros et à chacun de leurs enfants une indemnité
de 20 000 euros, l'ensemble avec intérêts à compter du jour de réception de leur recours amiable et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge du CHU de Bordeaux le paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par le CHU de Bordeaux ne sont pas fondés ;
- au titre des préjudices patrimoniaux temporaires subis par M. A...il convient d'évaluer les frais d'assistance par tierce personne à la somme de 22 548,77 euros et les pertes de revenus à la somme de 27 059,04 euros ;
- au titre des préjudices patrimoniaux permanents subis par M.A..., outre l'incidence professionnelle qui a été considérée par le tribunal comme intégralement réparée par la pension d'invalidité servie, M. A...a subi une perte de revenus jusqu'à l'année 2016 incluse d'un montant de 58 257,15 euros et peut prétendre au titre de ses pertes de revenus professionnels futurs à une rente d'un montant annuel de 23 139 euros, revalorisée sur la base de l'indice des prix à la consommation hors tabac, dont il conviendra de déduire le montant des salaires et indemnités de chômage perçus ;
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires subis par M.A..., il convient d'évaluer le déficit fonctionnel temporaire à la somme de 4 415 euros, les souffrances endurées évaluées à 5 sur une échelle de 7 à la somme de 30 000 euros et un préjudice esthétique temporaire à la somme de 500 euros ;
- au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents subis par M.A..., il convient d'évaluer le déficit fonctionnel permanent à la somme de 78 250 euros, le préjudice esthétique permanent à la somme de 1 000 euros, le préjudice sexuel à la somme de 25 000 euros et le préjudice exceptionnel à la somme de 50 000 euros ;
- le préjudice moral de Mme A...et des enfants du couple peut être évalué à la somme de 20 000 euros chacun ;
- Mme A...a subi un préjudice sexuel évalué à 20 000 euros.
Par des mémoires, enregistrés les 29 septembre 2016 et les 17 et 24 juillet 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation du CHU de la Gironde à lui verser une somme globale de 251 268,46 euros au titre de ses débours actuels et futurs, outre la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 400 euros en application de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le CHU de Bordeaux ne sont pas fondés ;
- ses débours constitués par les prestations en espèces, les prestations en nature et les arrérages de la pension d'invalidité échus sont établis à la somme de 28 515,59 euros ;
- le CHU devra supporter les frais de santé futurs au fur et à mesure qu'ils seront exposés sauf à ce qu'il préfère s'en libérer par le versement d'un capital d'un montant de 30 691,80 euros ;
- le CHU devra supporter les arrérages de la pension d'invalidité à échoir au fur et à mesure qu'ils seront exposés sauf à ce qu'il préfère s'en libérer par le versement d'un capital d'un montant de 192 061,07 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.B...,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., alors âgé de 28 ans, a été pris en charge par les services du CHU de Bordeaux à compter du 7 juin 2010 à la suite d'un syndrome d'hyperpression intra-crânienne avec comitialité. Après des investigations radiologiques et une biopsie cérébrale chirurgicale à ciel ouvert pratiquée le 15 juin 2010, le diagnostic d'un gangliogliome de grade II a été posé conduisant à un traitement associant radiothérapie et chimiothérapie. M. A...présentant une récidive, l'ablation de la tumeur est décidée puis réalisée le 20 juin 2011. Un prélèvement anatomopathologique permet en définitive de poser le diagnostic d'une neuro-sarcoïdose et non celui d'une tumeur cancéreuse. M. A...a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux (CRCI) d'Aquitaine d'un recours amiable tendant à l'indemnisation des préjudices causés par cette erreur de diagnostic. Après l'avis défavorable rendu par la CRCI sur cette demande, M. et Mme A..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux. Le CHU de Bordeaux relève appel du jugement du 17 mai 2016 par lequel le tribunal l'a condamné à verser, d'une part, à M. A...la somme de 86 880,19 euros, à
Mme A...la somme de 2 000 euros et à M. et MmeA..., en tant que représentants légaux de leurs enfants mineurs, la somme de 1 000 euros pour chacun de ces enfants, toutes sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de 30 juillet 2014, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde, au titre de ses débours, la somme
de 59 207,39 euros ainsi qu'une somme annuelle de 97,99 euros dans la limite
de 2 871 euros, outre les arrérages à échoir de la pension d'invalidité au fur et à mesure qu'ils seront exposés par elle dans la limite de 192 061,07 euros et la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Les consorts A...ainsi que la CPAM de la Gironde demandent, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il ne leur a pas donné entière satisfaction.
Sur la responsabilité du CHU de Bordeaux :
2. En application du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut de produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie de ce code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi
le 18 octobre 2012, à la diligence de la CRCI, par deux professeurs de médecine spécialisés, l'un en neuro-psychiatrie, l'autre en oncologie-radiothérapie, que l'analyse des prélèvements effectués lors de la biopsie du 15 juin 2010 a conclu à " des fragments de petite taille dont les aspects histologiques et immuno-histochimiques font évoquer en priorité un gangliogliome de grade II...à confronter au contexte clinique et radiologique ". Si la réunion de concertation pluridisciplinaire de neuro-oncologie du 28 juin 2010 retient le diagnostic de gangliogliome de grade II, il est toutefois souhaité une relecture des lames. Un complément diagnostique est à nouveau demandé à l'issue de la réunion de concertation du 18 octobre 2010 au regard du " caractère très particulier du diagnostic initial " et de " la réponse vraiment spectaculaire " au début du traitement notamment de radiothérapie. Le diagnostic initial a cependant été maintenu. Néanmoins, le chef de service, et référent, neuropathologiste à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, interrogé sur le cas de M. A...par le CHU de Bordeaux, a conclu après avoir examiné les lames de 2010 sur lesquelles le diagnostic initial avait été fait : " au total, il m'a paru en tout cas pour ma part, difficile d'affirmer le diagnostic de gangliogliome sur la première série de prélèvements datée de 2010... ". Si par ailleurs, le sapiteur, spécialiste en anatomo-pathologie, appelé par les experts à rendre son avis, note qu'il n'était pas incohérent de proposer à l'issue des analyses initiales effectuées un diagnostic de gangliogliome, elle observe que
l'anatomo-pathologiste ne conclut pas formellement à un tel diagnostic et précise qu'elle n'a pu observer les lames de 2010, ces dernières ayant été depuis égarées. Les experts en déduisent que le diagnostic initial erroné est consécutif à une exploitation incomplète des différents facteurs d'analyse, notamment de l'aspect macroscopique de la tumeur, débouchant sur un diagnostic par défaut de gangliogliome et la mise en oeuvre d'un traitement lourd inapproprié. Cette erreur constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHU de Bordeaux, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges et contrairement à ce que soutient l'établissement public.
4. Il résulte de ce qui précède que les consorts A...sont fondés à être indemnisés des préjudices qu'ils ont subis en lien de causalité direct et certain avec cette faute, laquelle a fait perdre à M. A...toute chance d'éviter les conséquences dommageables du traitement lourd inapproprié entrepris, notamment chimiothérapique, et de l'ablation de la tumeur, alors au demeurant que la neuro-sarcoïdose est une maladie inflammatoire chronique non cancéreuse qui, selon les experts, laisse en général peu de séquelles et n'est responsable d'aucune aggravation ultérieure, à condition de bénéficier d'un traitement adapté, lequel est peu réputé iatrogène.
Sur l'évaluation des préjudices :
5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la date de consolidation de l'état de santé de M. A... doit être fixée au 24 septembre 2012.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Quant aux dépenses de santé :
6. La CPAM de la Gironde établit avoir supporté, au bénéfice de son assuré, des frais médicaux et pharmaceutiques en lien direct avec la faute commise pour un montant global
de 16 608,89 euros qu'il convient de lui allouer.
Quant aux pertes de revenus :
7. D'une part, il résulte de l'instruction que M.A..., employé depuis le 16 mars 2009 par une société pour laquelle il exerçait en dernier lieu depuis le 1er mai 2010 les fonctions d'animateur commercial avec un statut de VRP exclusif, a perçu au cours de l'année précédant les faits dommageables un salaire net moyen mensuel d'un montant de 2 076 euros. Si le diagnostic exact de neuro-sarcoïdose avait été posé dès le 28 juin 2010, l'intéressé aurait, selon les experts, subi un arrêt de travail d'une durée de trois mois. Dès lors, pour la période allant du 28 septembre 2010 au 24 septembre 2012, date de sa consolidation, M. A...a droit à une indemnité correspondant à la différence entre les revenus qu'il aurait perçus s'il avait repris le travail à l'issue d'un traitement initial adapté, soit la somme de 50 616 euros, et ceux qu'il a effectivement reçus, constitués des indemnités journalières versées par la CPAM de la Gironde pour la période antérieure à la consolidation à raison d'un taux journalier
de 27,54 euros, rapportés sur 716 jours, soit la somme de 19 718,64 euros. Par suite, M. A...est fondé à obtenir du chef de sa perte temporaire de revenus une indemnité d'un montant de 30 898 euros.
8. D'autre part, il y a lieu d'accorder à la CPAM de la Gironde la somme
de 8 482,32 euros qu'elle demande au titre des prestations en espèces qu'elle a versées à son assuré avant la date de consolidation.
Quant aux frais d'assistance par tierce personne :
9. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail.
10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'état de santé de M. A...a nécessité l'intervention d'une aide à la personne à raison de six heures quotidiennes pour la période allant du 4 août 2010 au 25 octobre 2010, puis à raison de trois heures par jour du 26 octobre 2010 au 19 mai 2011. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi
par M. A...en l'indemnisant sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13 euros. Par suite, eu égard au nombre d'heures d'assistance effectuées, l'indemnité due de ce chef par le CHU de Bordeaux s'élève à la somme de 14 508 euros.
S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :
Quant aux dépenses de santé :
11. D'une part, la CPAM de la Gironde justifie, contrairement à ce que soutient le CHU, avoir supporté depuis le 24 septembre 2012, date de consolidation de l'état de M.A..., des dépenses de santé pour le compte de son assuré en lien avec la faute commise d'un montant de 28 014,74 euros qu'il convient de lui allouer.
12. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et de l'attestation délivrée par le médecin conseil de la caisse que les séquelles de M. A...en lien avec la faute commise nécessitent un suivi comprenant une consultation spécialisée en neurologie par an et un électroencéphalogramme tous les deux ans. Le remboursement à la caisse par le tiers responsable des prestations qu'elle sera amenée à verser à l'avenir de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. Le CHU de Bordeaux n'ayant pas donné un tel accord, il y a seulement lieu de le condamner à rembourser à la CPAM de la Gironde les débours précités qu'elle exposera à l'avenir, au fur et à mesure pour le compte de M. A...sur présentation de justificatifs.
Quant aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle :
13. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime.
Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime, dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.
14. D'autre part, eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.
15. Il convient, en conséquence, de déterminer si l'incapacité permanente conservée par M. A...en raison de la faute commise a entraîné, pendant la période postérieure à la date de consolidation de son état, des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils ont donné lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices ont été réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur à celui perçu au titre de la pension.
16. Il résulte de l'instruction que postérieurement au 24 septembre 2012, date de sa consolidation, M. A...n'a pu reprendre l'exercice de ses fonctions d'animateur commercial et a été licencié le 16 janvier 2013. Il a ensuite effectué un stage de reconversion professionnelle du 4 novembre 2013 au 16 mai 2014 à l'issue duquel a été validé un projet de travail de vendeur sédentaire à temps partiel du fait de sa fatigabilité, son état de santé ayant ensuite donné lieu à compter du 7 juillet 2014 à l'attribution d'une pension d'invalidité de 2ème catégorie. Les experts ont par ailleurs noté que l'état de santé de l'intéressé qui restait atteint à la date de consolidation d'une atteinte à son intégrité physique et psychique évaluée à 25 % aurait permis une reprise d'activité professionnelle à mi-temps ou sur un poste aménagé depuis le 1er août 2011. Dans ces conditions, si M. A...est fondé à faire valoir les pertes de revenus qu'il a subis jusqu'à la fin de son stage de reconversion professionnelle, le préjudice qu'il a subi ensuite en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail du fait de la nécessité de devoir abandonner la profession exercée avant le dommage pour aller vers un emploi de vendeur sédentaire à temps partiel relève de l'incidence professionnelle évaluée par les premiers juges à un montant de 50 000 euros non contesté par les parties à l'instance. Par suite, alors que pour la période allant de la date de consolidation au 16 mai 2014, les pertes de revenus subies par M. A...directement causées par la faute commise doivent être évaluées par la différence entre les rémunérations qu'il aurait perçues s'il avait repris son activité professionnelle après un traitement initial adapté, soit la somme de 41 520 euros en tenant compte du salaire mensuel moyen déterminé au
point 7 ci-dessus et le montant des revenus qu'il a effectivement perçus, composés d'indemnités journalières versées par la CPAM pour un montant établi jusqu'au 4 octobre 2012
de 302,94 euros, des allocations de retour à l'emploi versées par Pôle emploi d'un montant
de 14 702,02 euros et enfin des rémunérations perçues pendant le stage de reconversion d'un montant de 13 604,91 euros, il n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient insuffisamment indemnisé ses pertes de revenus en lui allouant la somme de 17 300,51 euros, non contestée par les autres parties à l'instance. La CPAM de la Gironde peut, quant à elle, prétendre au remboursement de la somme de 302,94 euros versées à M. A...au titre des indemnités journalières.
17. Les parties à l'instance ne contestant pas que la pension d'invalidité versée
à M. A...vient réparer la part de pertes de revenu fixée par les premiers juges à la somme
de 17 300,51 euros ainsi que la totalité de l'incidence professionnelle subie par l'intéressé tel que l'ont retenu les premiers juges et qu'ils ont évaluée à la somme non contestée de 50 000 euros, le CHU de Bordeaux est fondé à soutenir que les premiers juges ne pouvaient le condamner à rembourser à la CPAM de la Gironde les arrérages à échoir de la pension d'invalidité dans la limite de 192 061,07 euros. La CPAM de la Gironde est ainsi seulement fondée à obtenir la condamnation du CHU de la Gironde à lui rembourser le montant des prestations d'invalidité servies à M. A...à compter du 7 juillet 2014, au fur et à mesure de leur versement et dans la limite de la somme de 67 300,51 euros.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
18. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. A...a subi, du fait de la faute commise, un déficit fonctionnel temporaire de classe III du
4 août au 25 octobre 2010, de classe I du 26 octobre 2010 au 19 mai 2011, un déficit fonctionnel total du 19 mai au 31 juillet 2011 puis de classe I du 31 juillet 2011 au 24 septembre 2012. Par suite, les consorts A...ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif aurait fait une insuffisante appréciation du déficit fonctionnel temporaire subi par M. A...en lui allouant la somme de 3 324 euros.
19. Les souffrances endurées par M. A...du fait de la faute commise ont été évaluées par les experts à 5 sur une échelle allant de 1 à 7. Par suite, il est fondé à demander que la somme qu'il convient de lui allouer de ce chef soit portée à 13 500 euros.
20. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise que M. A...a subi un préjudice esthétique temporaire du fait notamment de la perte de cheveux qu'il convient de réparer en lui allouant la somme demandée de 500 euros.
S'agissant des préjudices permanents :
21. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M.A..., âgé de 30 ans à la date de consolidation, subit un déficit fonctionnel permanent en lien de causalité direct et exclusif avec l'acte dommageable évalué à 25 %. Par suite, les premiers juges ont pu, par une juste appréciation de ce chef de préjudice, indemniser l'intéressé à hauteur
de 47 000 euros.
22. Il résulte également de l'instruction que M. A...présente un préjudice esthétique estimé par les experts à 1 sur une échelle de 7, notamment en raison des cicatrices consécutives à l'intervention chirurgicale qu'il convient d'indemniser en lui allouant la somme demandée de 1 000 euros.
23. M. A...n'établit en revanche pas par la seule attestation établie par un médecin le 4 juillet 2017 que le préjudice sexuel massif qu'il invoque serait en lien de causalité direct et certain avec l'erreur de diagnostic commise et les traitements inappropriés entrepris alors que les experts notent qu'ils ne peuvent retenir un tel lien et que notamment l'intéressé a eu un enfant
né le 1er septembre 2013.
24. Si M. A...soutient qu'il subit un préjudice exceptionnel en raison de l'incertitude sur l'évolution de son état de santé qui risque d'être péjorative en conséquence des traitements inappropriés qui lui ont été prodigués, il n'établit pas subir un préjudice distinct de ceux qui donnent déjà lieu à réparation, notamment de son déficit fonctionnel permanent.
25. Les consorts A...n'apportent pas d'éléments à l'instance susceptibles de contester l'indemnité allouée par les premiers juges au titre du préjudice moral subi par la conjointe de M. A... et par les enfants du couple, évaluée respectivement pour la première à 2 000 euros et pour chacun des enfants à 1 000 euros, alors au demeurant que le troisième enfant est né postérieurement aux faits dommageables. Le préjudice sexuel allégué de Mme A...n'est pas plus établi.
26. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Bordeaux doit être condamné à verser, d'une part, à M. A...une indemnité d'un montant de 128 030,51 euros, à Mme A...la somme de 2 000 euros et à chacun de leurs enfants la somme de 1 000 euros, d'autre part, à la CPAM de la Gironde la somme de 53 408,89 euros, outre le remboursement de la pension d'invalidité servie à M. A...à compter du 7 juillet 2014, au fur et à mesure de son versement dans la limite de la somme de 67 300,51 euros et le remboursement des frais de santé futurs tels que précisés au point 12 ci-dessus, engagés au fur et à mesure pour le compte de M. A...sur présentation de justificatifs. Par suite, le CHU de Bordeaux et les consorts A...sont, dans cette mesure, fondés à obtenir la réformation du jugement attaqué du tribunal de Bordeaux.
Sur les intérêts :
27. Les consorts A...ont droit aux intérêts au taux légal sur les sommes qui leur sont dues à compter du 30 juillet 2014, date de réception de la réclamation préalable.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la santé publique :
28. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ".
29. La CPAM de la Gironde a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 066 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Bordeaux, qui n'est pas partie perdante à son égard, la somme que demande la CPAM de la Gironde au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
31. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts A...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 86 880,19 euros que le CHU de Bordeaux a été condamné à verser
à M. A...par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mai 2016 est portée
à 128 030,51 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2014.
Article 2 : La somme mise à la charge du CHU de Bordeaux par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mai 2016 en remboursement des débours de la CPAM de la Gironde est ramenée à 53 408,89 euros, outre le remboursement de la pension d'invalidité servie à M. A...à compter du 7 juillet 2014, au fur et à mesure de son versement dans la limite de la somme de 67 300,51 euros.
Article 3 : Le CHU de Bordeaux est condamné à rembourser à la CPAM de la Gironde, à échéance annuelle et sur justificatifs, les dépenses de santé futures que la caisse déboursera pour le compte de M.A....
Article 4 : La somme que le CHU de Bordeaux a été condamné à verser à la CPAM de la Vienne au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée à 1 066 euros.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le CHU de Bordeaux versera aux consorts A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions présentées par le CHU de Bordeaux, les consorts A...et la CPAM de la Gironde est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Bordeaux,
à M. C...A..., à Mme E... A...et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.
Le rapporteur,
Didier B...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02413