Par une protestation n° 1600752, Mme AE...A...AC..., M. RogierY..., M. H...E..., M. D...-AF...S..., M. W...Z..., M. AB...M..., M. B...J...et M. R...X...ont demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'ensemble des opérations électorales clôturées le 14 octobre 2016 relatives à l'élection des membres de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane.
Par un jugement n° 1600752 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a annulé les opérations électorales clôturées le 14 octobre 2016 relatives à l'élection des membres de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane.
Procédure devant la cour :
I°) Par une requête enregistrée le 15 février 2017 sous le n° 17BX00390, M. W...I...dit Clauzel, représenté par MeK..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600751 du tribunal administratif de la Guyane du 15 décembre 2016 ;
2°) d'annuler l'élection des candidats issus de la liste " Artisan, un métier, un avenir " ;
3°) de proclamer élus aux sept sièges laissés vacants par cette annulation les candidats issus de la liste " Artisans, construisons notre avenir " ;
4°) de mettre à la charge solidaire de M.S..., Mme A...AC..., M. Y..., M.T..., MmeAD..., M. E...et M. L...le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en qualité d'électeur et éligible aux élections de la chambre de métiers et de l'artisanat, il peut solliciter l'annulation de l'élection de certains candidats ;
- la liste " Artisan, un métier, un avenir " a fait figurer M. S...comme étant inscrit dans la section des métiers d'art du répertoire des métiers alors que tel n'est pas le cas ; la liste ne respectait donc pas les exigences fixées par l'article 4 bis du décret n° 99-433 du 27 mai 1999.
II°) Par une requête enregistrée le 15 février 2017 sous le n° 17BX00391, M. W...I...dit Clauzel, représenté par MeK..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600752 du tribunal administratif de la Guyane du 15 décembre 2016 ;
2°) de valider les opérations électorales clôturées le 14 octobre 2016 relatives à l'élection des membres de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M.S..., Mme A...AC..., M. Y..., M.E..., M.Z..., M.M..., M. J...et M. X...le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont retenu l'irrégularité des opérations électorales sur la seule base des écritures contentieuses et des observations orales ; cette analyse succincte est inexacte dès lors que les opérations se sont déroulées conformément au I de l'article 30 du décret n° 99-433 du 27 mai 1999 comme en attestent les procès-verbaux régulièrement établis par la commission qui n'ont pas été communiqués par la préfecture ; ces procès-verbaux établissent que la commission a valablement procédé aux opérations de dépouillement et à l'ouverture des enveloppes et a contrôlé les opérations d'émargement ;
- en tout état de cause, compte tenu de l'important écart de voix, le résultat des élections ne saurait être remis en cause ;
- contrairement à ce qu'ont soutenu les protestataires par ailleurs, MM. N...et D...C...figurant sur sa liste remplissaient bien les conditions d'éligibilité ; M. N...justifie être immatriculé au répertoire des métiers depuis le 7 octobre 2011 ; la société qu'il dirige a fait l'objet d'une cessation d'activité le 6 juillet 2016 mais les textes permettent le maintien de l'immatriculation pendant un an ; M. D...C...a justifié de l'attestation exigée par les textes ; en tout état de cause, à supposer que le représentant de liste ait été trompé par une attestation erronée, la présence d'un candidat inéligible sur une liste qui doit comporter 35 candidats ne permet pas d'invalider l'ensemble de la liste.
Par un mémoire et des pièces nouvelles enregistrés le 27 mars et le 18 avril 2017, Mme A... AC...et M.Y..., représentés par MeO..., concluent au rejet de la requête et, subsidiairement, à l'annulation de l'enregistrement de la liste " Artisans, construisons notre avenir ".
Ils soutiennent que :
- la liste " Artisans, construisons notre avenir " comportait au moins deux personnes ne remplissant pas les conditions d'éligibilité, M. D...C...et M.N... ; la liste ne peut donc être considérée comme comportant 35 candidats comme l'exige le texte ; l'enregistrement de la liste était donc irrégulier et sa participation au scrutin a été de nature à vicier le scrutin et à justifier l'annulation des élections, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat ;
- la tenue de la liste d'émargement ne s'est pas faite conformément au décret n° 99-433 du 27 mai 1999 ; le procès-verbal de recensement des votes comporte une observation sur ce point et dans sa défense devant le tribunal le préfet a reconnu que ce recensement avait été fait par des agents de la préfecture pour permettre un déroulement rapide des opérations ; cette irrégularité justifie l'annulation des élections quel que soit l'écart de voix ;
- il a été porté atteinte à la compétence de la commission d'organisation des élections, les opérations de recensement ayant été réalisées par des agents de la préfecture qui n'avaient pas reçu mandat de la commission ; d'ailleurs la commission n'avait pas le pouvoir de déléguer ses attributions en matière de recensement des votes et d'établissement de la liste d'émargement ; il s'agit d'une illégalité d'ordre public ;
- le procès-verbal mentionne un accord des représentants de liste sur cette façon de procéder, sans aucune précision sur l'identité et le rôle de ces soi-disant représentants sans contrôle possible sur la réalité d'un tel accord ; en tout état de cause, les représentants de liste n'avaient aucune compétence pour modifier les modalités de vote établies par les textes et les principes fondamentaux en matière électorale ; la constatation du vote par la liste d'émargement revêt une importance particulière et son absence traduit une atteinte à la sincérité du scrutin ;
- contrairement aux dispositions de l'article 31 du décret n° 99-433 du 27 mai 1999, c'est le préfet qui a proclamé les résultats en lieu et place de la commission alors qu'il n'a aucune compétence pour ce faire ; au surplus, le procès-verbal n'a pas été établi et signé par les membres de la commission à l'issue de la proclamation des résultats.
Par deux ordonnances du 28 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2017 pour les deux affaires.
Le ministre de l'économie et des finances a produit dans chacune des deux instances susvisées, un mémoire enregistré le 17 mai 2017 après clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'artisanat ;
- le code électoral ;
- le décret n° 99-433 du 27 mai 1999 ;
- l'arrêté du 22 juillet 2016 fixant les conditions du vote par correspondance pour les élections des membres des établissements du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat et de leurs délégations et convoquant les électeurs ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de M. I...AA....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue du scrutin clôturé le 14 octobre 2016, organisé en vue de l'élection des membres de la chambre de métiers et de l'artisanat de région de la Guyane, la liste " Artisans, construisons notre avenir ", conduite par M. I...dit Clauzel a obtenu 526 voix et 18 sièges et la liste " Artisans, un métier, un avenir ", conduite par M.S..., a obtenu 310 voix et 7 sièges. Le tribunal administratif de la Guyane, saisi, d'une part, d'une protestation de M. I...dit Clauzel tendant à l'annulation de l'élection des sept candidats de la liste " Artisan, un métier, un avenir " et, d'autre part, d'une protestation de M. S...et de sept de ses co-listiers, Mme A...AC..., M.Y..., M.E..., M.Z..., M.M..., M. J...et M. X..., tendant à l'annulation des élections dans leur ensemble, par deux jugements distincts, a fait droit à la protestation de M. S...et de ses co-listiers et a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur celle de M. I...dit Clauzel.
2. Par une requête enregistrée sous le n° 17BX00390, M. I...dit Clauzel relève appel du jugement n° 1600751 par lequel le tribunal administratif a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa protestation. Par une requête enregistrée sous le n° 17BX00391, il relève appel du jugement n° 1600752 par lequel le tribunal administratif a annulé la totalité des opérations électorales clôturées le 14 octobre 2016 relatives à l'élection des membres de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane. Ces deux requêtes d'appel sont relatives aux mêmes opérations électorales. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement n° 1600751 :
3. A la date à laquelle le tribunal administratif a constaté, le 15 décembre 2016, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la protestation de M. I...dit Clauzel, son jugement du même jour prononçant l'annulation des élections en litige n'était pas devenu irrévocable. Ce jugement a d'ailleurs été frappé d'appel. Ce jugement d'annulation des opérations électorales ne privait donc pas d'objet la protestation de M. I...dit Clauzel qui n'a pas donné lieu, de la part du tribunal, à une jonction avec la protestation de M. S...et de ses co-listiers. C'est donc à tort que les premiers juges ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette protestation. Le jugement n° 1600751 doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la protestation de M. I...dit Clauzel.
Sur les opérations électorales clôturées le 14 octobre 2016 :
4. Aux termes de l'article 30 du décret du 27 mai 1999 relatif à la composition des établissements du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat et de leurs délégations et à l'élection de leurs membres : " I.-Le cinquième jour suivant la date de clôture du scrutin, la commission d'organisation des élections procède aux opérations de dépouillement des votes, en séance publique et en présence de scrutateurs désignés parmi les électeurs par le président de la commission et par les candidats ou les mandataires des listes en présence. / Une urne destinée à recevoir les votes est mise en place par le président de la commission d'organisation des élections ou une personne désignée par lui. / La commission vérifie que le nombre de plis électoraux correspond à celui porté sur l'état récapitulatif. Si une différence est constatée, mention en est faite sur le procès-verbal paraphé par chaque membre de la commission d'organisation des élections. / La commission procède à l'ouverture des enveloppes d'envoi. Le président, ou un membre de la commission désigné par lui, constate le vote de chaque électeur en apposant sa signature, éventuellement avec l'assistance de moyens électroniques, en face du nom de l'électeur, sur la liste d'émargement, dans les conditions de sécurité et d'authentification et selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de l'artisanat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. / Un membre de la commission introduit ensuite chaque pli de vote dans l'urne. / II.-Le président de la commission d'organisation des élections ou une personne désignée par lui procède à l'ouverture de l'urne contenant les votes et, après vérification du nombre des enveloppes, effectue le recensement des votes (...) ".
5. Il résulte de l'instruction, et notamment des observations portées au procès-verbal du recensement des votes et des écritures en défense du préfet de la Guyane devant le tribunal, qui font état d'un " émargement anticipé " et ne sont contredites par aucun autre élément, ainsi que du témoignage même produit par le requérant, que les opérations prévues au I de l'article 30 du décret du 27 mai 1999 de vérification des plis électoraux, d'ouverture des enveloppes d'envoi et, surtout, de constatation du vote de chaque électeur par apposition de signatures sur la liste d'émargement, n'ont pas été réalisées par la commission d'organisation des opérations électorales en séance publique et en présence de scrutateurs désignés parmi les électeurs par le président de la commission et par les candidats ou les mandataires des listes en présence mais par des agents de la préfecture, à une date indéterminée, préalablement à la séance tenue par la commission le 19 octobre 2016. Si le procès-verbal de la commission comporte une observation selon laquelle " les candidats ou leurs mandataires " auraient accepté ces modalités d'émargement, ce que confirme le témoignage produit par M. I...dit Clauzel, aucun élément de l'instruction ne permet de déterminer quelles personnes ont donné leur accord ni dans quelles conditions. Ainsi, même en l'absence de fraude, et quel que soit l'écart de voix séparant les deux listes " Artisans, construisons notre avenir " et " Artisan, un métier, un avenir ", la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 27 mai 1999, dont l'objet est de garantir la sincérité des opérations électorales par le caractère public des opérations et par le contrôle de la commission et des scrutateurs, justifie, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif, l'annulation des élections.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. I...dit Clauzel n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane, par son jugement n° 1600752, a annulé dans leur ensemble les opérations électorales clôturées le 14 octobre 2016.
7. La confirmation, par le présent arrêt, de l'annulation de l'ensemble des élections en litige prive d'objet la protestation de M. I...dit Clauzel présentée sous le n° 1600751 devant le tribunal administratif, tendant à l'annulation partielle de ces élections.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la protestation n° 1600751 de M. I...dit Clauzel tendant à ce que soit mis à la charge des candidats proclamés élus de la liste " Artisan, un métier, un avenir ", le versement d'une somme de 1 000 euros. Il n'y a pas lieu, par ailleurs, de faire droit aux conclusions d'appel de M. I...dit Clauzel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 17BX00390. Ces dispositions font, enfin, obstacle à ce que soit mis à la charge de M.S..., Mme A...AC..., M.Y..., M.E..., M.Z..., M.M..., M. J... et M.X..., qui ne sont pas les parties perdantes dans l'instance n° 17BX00391, le versement à M. I...dit Clauzel de la somme qu'il demande en application de cet article.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 17BX00391 de M. I...dit Clauzel est rejetée.
Article 2 : Le jugement n° 1600751 du 15 décembre 2016 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la protestation n° 1600751 présentée par M. I...dit Clauzel devant le tribunal administratif de la Guyane tendant à l'annulation partielle des élections clôturées le 14 octobre 2016 relatives à la désignation des membres de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane.
Article 4 : Les conclusions de la protestation n° 1600751 de M. I...dit Clauzel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que ses conclusions d'appel aux mêmes fins présentées dans sa requête n° 17BX00390 sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. W...I...dit Clauzel, à M. F...S..., à Mme AE...A...AC..., à M. RogerY..., à M. U...T..., à Mme V...AD..., à M. H...E..., à M. P...L..., à M. D...-AF...S..., à M. W...Z..., à M. AB...M..., à M. B...J..., à M. R...X..., au ministre de l'économie et au ministre des Outre-mer.
Copie en sera transmise au préfet de la Guyane et à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Corneveaux, président-assesseur,
Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juin 2017.
Le président assesseur,
Gil Cornevaux
Le président-rapporteur,
Elisabeth Jayat Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00390,17BX00391