Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 avril 2016, 12 décembre 2016, 26 juin 2017, un mémoire récapitulatif, enregistré le 1er mars 2018 et un mémoire enregistré le 12 avril 2018, la SARL Numi Technologie, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2016 du tribunal administratif d'Orléans en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés en qualité de débiteur subsidiaire de la SCI La Rainville II au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir tant le Conseil constitutionnel que la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme ou la Cour de justice de l'Union européenne de toute question préjudicielle ou de toute question de constitutionnalité utile à l'instance ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et est entaché d'une contradiction de motifs ;
- les impositions litigieuses ont été établies aux termes d'une procédure irrégulière dès lors que la proposition de rectification du 5 juin 2009 et la réponse faite aux observations de la SCI La Rainville II ne satisfont pas aux exigences de motivation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- les impositions litigieuses ont été établies aux termes d'une procédure irrégulière dès lors que la soumission de la SCI La Rainville II à l'impôt sur les sociétés faisait obstacle à ce que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui soient appliqués sur le fondement des dispositions du 6° de l'article 257 du code général des impôts ;
- les impositions litigieuses ont été établies aux termes d'une procédure irrégulière dès lors que l'administration a porté atteinte au principe du respect des droits de la défense au sens des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- il n'est pas établi que l'administration ait remis à la SCI La Rainville II préalablement à l'engagement de la vérification de comptabilité un avis de vérification satisfaisant aux conditions prévues par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et une charte du contribuable vérifié dans les conditions prévues par l'article L. 10 du même livre ;
- l'administration n'a pas respecté son obligation de mener un débat oral et contradictoire avec la SCI La Rainville II ;
- la SCI La Rainville II était passible de l'impôt sur les sociétés et non de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que son objet social ne se limite pas à la construction d'immeubles en vue de la vente puisqu'elle a procédé à la vente de terrains à bâtir assimilable à une opération de lotissement ; la dissolution et la liquidation de cette société a entraîné un changement de régime fiscal ;
- les conditions d'habitude et d'intention spéculative pour qualifier les produits des cessions réalisés par la SCI La Rainville II de bénéfices industriels et commerciaux ne sont pas remplies ;
- la SCI La Rainville II s'est trouvée en présence d'un cas de force majeure empêchant d'honorer son engagement de construire et justifiant le maintien du régime de la taxe sur la valeur applicable, en application des réponses ministérielles à M. A...et à M.B..., députés, publiées au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 18 octobre 2016 ;
- dès lors qu'elle n'a pas respecté son engagement de construire, les terrains concernés n'ont pas été placés dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière ; c'est par suite l'acquéreur, la SCI La Rainville II, qui est le redevable légal en vertu du 3° de l'article 285 du code général des impôts et de l'article 246 de l'annexe II à ce code ; ainsi, le fait de l'avoir soumis à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à des droits d'enregistrement au taux plein constitue une double imposition ;
- les intérêts de retard ne sont pas motivés et doivent être limités au taux de l'intérêt légal ;
- l'avis de mise en recouvrement du 10 octobre 2013 n'est pas motivé ; l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales est, en tant qu'il n'impose pas à l'administration de mentionner dans l'avis de mise en recouvrement les dispositions législatives et réglementaires fondant les impositions à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, contraire aux articles 1er, 2 et 3 de la loi du 11 juillet 1979, codifiées depuis aux articles L. 211-2, L 211-3 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, à l'article 296 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et à la circulaire du Premier ministre du 28 septembre 1987 ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté, a porté atteinte aux droits de la défense, au droit à un procès équitable et à son droit de propriété dès lors qu'elle ne lui a pas communiqué les pièces relatives à la procédure d'imposition de la SCI La Rainville II préalablement à l'avis de mise en recouvrement ;
- la condition de vaines et préalables poursuites contre la SCI La Rainville II n'est pas remplie par l'administration fiscale au regard des dispositions de l'article 1858 du code civil ; l'instruction de la comptabilité publique du 4 août 1980, n° 80-135 A1-A3, recommande de ne rechercher en paiement les débiteurs solidaires que si les démarches auprès de la société débitrice ont échoué ; les réponses ministérielles à M. A...et à M.B..., députés, publiées au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 18 octobre 2016, ont indiqué qu'une mise en demeure infructueuse n'était pas suffisante à établir la condition de vaines et préalables poursuites de la SCI La Rainville II.
Par des mémoires en défense, enregistré le 28 décembre 2016, le 29 juin 2017 et le 21 mars 2018, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- compte tenu du dégrèvement prononcé dans le cadre de l'instruction du pourvoi en cassation de la SCI La Rainville II, le litige porte sur la somme de 78 859,22 euros ;
- les autres moyens soulevés par la SARL Numi Technologie ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le tribunal administratif a omis de prononcer un non-lieu à statuer à hauteur de la somme dégrevée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) La Rainville II, dont la société à responsabilité limitée (SARL) Numi Technologie est associée à hauteur de 98 %, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts. L'administration, ayant estimé que les poursuites exercées à l'encontre de la SCI La Rainville II étaient restées vaines, a notifié le 10 octobre 2013 un avis de mise en recouvrement à la SARL Numi Technologie, pour avoir paiement de ces impositions à hauteur de sa part dans le capital de la SCI La Rainville II. La SARL Numi Technologie relève appel du jugement du 23 février 2016 du tribunal administratif d'Orléans en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés en qualité de débiteur subsidiaire de la SCI La Rainville II au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, par une décision du 18 février 2016, postérieure à l'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif, l'administration a accordé à la SCI La Rainville II un dégrèvement à concurrence d'une somme totale, en droits et pénalités, de 23 667 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette SCI. Dans ces conditions, les conclusions de la demande de première instance de la SARL Numi Technologie relatives à ces impositions étaient, dans cette mesure, devenues sans objet. En s'abstenant de prononcer un non-lieu à hauteur de ce dégrèvement, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement dans cette mesure, d'évoquer et de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur de la somme de 23 667 euros.
3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la SARL Numi Technologie, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués devant eux, ont suffisamment motivé, au point 8 de leur jugement, leur réponse au moyen tiré de l'absence de motivation de l'avis de mis en recouvrement.
4. En troisième lieu, la critique développée par la SARL Numi Technologie relative à une éventuelle contradiction de motifs, sans lien avec le dispositif du jugement attaqué, relève du bien-fondé de ce jugement et non de sa régularité.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
6. D'une part, la circonstance que la proposition de rectification du 5 juin 2009 adressée à la SCI La Rainville II, qui contient tous les éléments d'information nécessaires, comporterait des erreurs sur le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable est sans incidence sur sa régularité en la forme.
7. D'autre part, dans la réponse du 29 septembre 2009 aux observations de la SCI La Rainville II, l'administration a indiqué que, s'agissant des erreurs matérielles alléguées, en l'absence de la production d'éléments concrets, la contestation formulée sur ce point était considérée comme non fondée. Elle y a également indiqué que, s'agissant de la réponse ministérielle à M.D..., sénateur, n° 2641 publiée au Journal officiel du Sénat du 11 septembre 1986 relative à la reconnaissance d'un cas de force majeure, dont la SCI La Rainville II se prévalait, cette réponse ne concernait que la régularisation du régime fiscal applicable à l'acquisition, en appliquant la taxe sur la valeur ajoutée immobilière en cas de défaut de respect de l'engagement de construire et non le régime applicable lors de la revente du terrain en l'absence de la réalisation d'un immeuble neuf. La société requérante se borne à soutenir que cette réponse n'est pas suffisamment motivée eu égard aux observations formulées par la SCI La Rainville II. Dans ces conditions, cette réponse, qui contenait l'exposé suffisant des motifs pour lesquels l'administration estimait devoir maintenir les redressements, a satisfait aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
8. En deuxième lieu, la SCI La Rainville II ayant été mise à même, dans le cadre de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales, de présenter des observations sur les rectifications envisagées, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'une méconnaissance du principe du respect des droits de la défense au sens des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.
9. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que l'assujettissement de la SCI La Rainville II à l'impôt sur les sociétés faisait obstacle à ce que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui soient appliqués sur le fondement des dispositions du 6° de l'article 257 du code général des impôts se rattache au bien-fondé de l'imposition et non à la régularité de la procédure d'imposition.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ". Selon l'article L. 10 du même livre, dans sa rédaction applicable : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. ".
11. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte des pièces produites par l'administration que le service a notifié le 27 janvier 2009 à la SCI La Rainville II l'avis de vérification du 26 janvier 2009 avant l'engagement de la vérification de comptabilité ayant débuté le 19 février 2009. Un exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié millésimée mai 2008 et comprenant son erratum était joint à cet avis.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. ". Enfin aux termes de l'article R. 256-2 du même livre : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement à moins qu'ils n'aient la qualité de représentant ou d'ayant cause du contribuable, telle que mentionnée à l'article 1682 du code général des impôts. ".
13. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration adresse un avis de mise en recouvrement par lequel elle met en oeuvre une solidarité de paiement, telle que celle qui est prévue par les dispositions de l'article L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation, elle est tenue d'adresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Ces mentions permettent au débiteur solidaire d'obtenir, à sa demande, la communication des documents mentionnés dans cet avis de mise en recouvrement ainsi que de tout document utile à la contestation de la régularité de la procédure, du bien-fondé et de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations correspondantes au paiement solidaire desquels il est tenu.
14. D'une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration de communiquer à la SARL Numi Technologie en sa qualité de débiteur subsidiaire, préalablement à l'avis de mise en recouvrement adressé en vertu de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales, les éléments de la procédure d'imposition menée à l'encontre de la SCI La Rainville II, débiteur principal, ou d'inviter le débiteur subsidiaire à présenter ses observations avant de lui adresser cet avis. Dès lors, les moyens tirés de la violation des droits de la défense, du droit à un procès équitable, du droit de propriété et du devoir de loyauté doivent, en tout état de cause, être écartés.
15. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 10 octobre 2013 adressé à la SARL Numi Technologie indique le montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard et fait référence à la proposition de rectification du 5 juin 2009 adressée à la SCI La Rainville II. Cet avis, motivé par référence à cette proposition de rectification, n'avait pas à citer l'ensemble des textes fondant les impositions contestées dès lors que ces textes figuraient dans la proposition de rectification. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cet avis de mise en recouvrement doit être écarté.
16. Il en va de même, en tout état de cause, du moyen tiré de la méconnaissance des exigences de motivation des actes administratifs inscrites dans la loi du 11 juillet 1979 codifiées depuis aux articles L. 211-2, L 211-3 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dans l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans l'article 296 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et dans la circulaire du Premier ministre du 28 septembre 1987.
17. En sixième lieu, il est constant qu'une mise en demeure a été vainement adressée à la SCI La Rainville II avant que l'administration poursuive le paiement de la dette fiscale auprès de la société requérante. Si la société requérante soutient que la condition de préalable et vaine poursuite de la personne morale, prévue par les dispositions de l'article 1858 du code civil pour les créances détenues contre une société civile, n'est pas remplie s'agissant de la SCI La Rainville II, ce moyen est inopérant dès lors que sont seules applicables en l'espèce les dispositions de l'article L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation relatives aux sociétés civiles immobilières, selon lesquelles les associés d'une telle société " sont tenus du passif social sur tous les biens à proportion des droits sociaux " et peuvent être sollicités en vue du paiement des dettes sociales " après mise en demeure adressée à la société et restée infructueuse ".
18. En septième lieu, dans sa réclamation du 4 décembre 2013, la société requérante ne s'est prévalue ni de l'instruction de la comptabilité publique du 4 août 1980, n° 80-135 A1-A3 ni des réponses ministérielles à M. A...et à M.B..., députés, publiées au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 18 octobre 2016. Par suite, elle ne peut être regardée comme ayant, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître dans cette instruction et dans ces réponses ministérielles.
19. Enfin, le moyen tiré de ce que l'administration n'a pas respecté son obligation de mener avec la SCI La Rainville II un débat oral et contradictoire n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Dès lors, ce moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
20. En premier lieu, aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 6° Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux (...) ". Aux termes de l'article 35 du même code : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières (...) ". Il résulte de ces dispositions que les opérations portant sur des immeubles visées par le 6° de l'article 257 du code général des impôts s'entendent de celles dont le profit, lorsqu'elles sont réalisées par une personne physique, est, pour l'application de l'impôt sur le revenu, regardé comme un bénéfice industriel ou commercial. Pour autant, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet, d'exclure de leur champ d'application les personnes assujetties à l'impôt sur les sociétés. En conséquence, le moyen tiré de ce que la soumission de la SCI La Rainville II à l'impôt sur les sociétés faisait obstacle à ce que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui soient appliqués sur le fondement de ces dispositions doit être écarté.
21. En deuxième lieu, la société requérante soutient que les cessions effectuées en 2004 et 2007, à l'origine des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ne revêtaient pas un caractère habituel. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'au cours de son existence, la SCI La Rainville II a procédé à la vente d'autres immeubles. La SCI La Rainville II ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle relevait de l'impôt sur les sociétés depuis sa dissolution ni de ce qu'elle n'a pas respecté l'engagement de construire qu'elle avait souscrit lors de l'acquisition des terrains. Enfin, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du 3° de l'article 285 du code général des impôts, dès lors que les cessions n'ont pas été assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée selon les dispositions du 7° de l'article 257 de ce code. Par suite, le moyen doit être écarté.
22. En troisième lieu, la circonstance que la SCI La Rainville II a fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de droits d'enregistrement à taux plein n'est pas de nature à établir la double imposition alléguée dès lors qu'il s'agit d'impôts distincts.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
23. La requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M.D..., sénateur, n° 2641 publiée au Journal officiel du Sénat du 11 septembre 1986 relative à la reconnaissance d'un cas de force majeure, qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable lors de l'acquisition d'un terrain à bâtir et non celui applicable lors de sa revente. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la réponse ministérielle à M.C..., député, n° 9501 publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 27 avril 1974 qui est relative aux droits de mutation.
Sur les intérêts de retard :
24. L'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Dès lors, la SCI La Rainville II n'est pas fondée à soutenir que ces intérêts de retard devaient être motivés et ne peut utilement demander que le taux annuel de ces intérêts de retard soit limité au taux annuel de l'intérêt légal.
25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir ni le Conseil constitutionnel, ni la Cour de justice de l'Union européenne, ni la Cour européenne des droits de l'homme, que la SARL Numi Technologie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que la SARL Numi Technologie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 23 667 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la SARL Numi Technologie devant le tribunal administratif d'Orléans.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Numi Technologie est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Numi Technologie et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. BatailleLe greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16NT011872