Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2016 la commune de Saint Avé, représentée par le cabinet Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 avril 2016 ;
2°) de rejeter la demande de MmeD... ;
3°) de mettre à la charge de Mme D...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise.
Elle soutient que :
- sa responsabilité ne saurait être retenue dès lors qu'aucun défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ne peut lui être imputé ; l'ouvrage sur lequel Mme D...a chuté est dépourvu de tout vice de conception car l'objectif d'intérêt général poursuivi impliquait nécessairement qu'il soit conçu à une telle hauteur, laquelle ne peut au demeurant échapper à la vigilance d'un passant normalement attentif puisque l'ouvrage était parfaitement visible ;
- MmeD..., qui réside à proximité du stade municipal de Saint-Avé où son époux joue de surcroit régulièrement au football, a commis une faute d'imprudence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;
- Mme D...ne saurait se prévaloir d'un préjudice d'agrément lié son impossibilité de pratiquer la course à pied dès lors qu'elle ne possédait pas de licence dans un club de sport et, qu'en tout état de cause, l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent couvre déjà la réparation du préjudice invoqué ; l'indemnisation des souffrances endurées par Mme D...ne saurait excéder la somme de 2 000 euros ; au regard du référentiel d'indemnisation de l'ONIAM, l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ne saurait être supérieure à la somme de 4 400 euros ;
- la CPAM du Morbihan n'a pas fourni la preuve de l'imputabilité à l'accident de la somme demandée dès lors que le certificat d'imputabilité a été établi par le médecin conseil de la CPAM antérieurement au tableau récapitulatif des débours de la caisse.
La requête a été communiquée le 1er juillet 2016 à la mutuelle générale de La Poste qui n'a pas produit de mémoire.
Par un mémoire en défense enregistré 21 juillet 2016 MmeD..., représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Avé la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Saint-Avé ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2016 la CPAM du Morbihan, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Avé la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Saint-Avé ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de MeC..., représentant la commune de Saint-Avé, et de MeA..., substituant MeF..., représentant la CPAM du Morbihan.
1. Considérant que le 1er avril 2012, vers 10h, Mme B...D..., venue assister à un match de football auquel participait son époux, a chuté sur l'un des deux arceaux métalliques disposés en chicane juste après le portail d'entrée du stade municipal de Saint-Avé ; que cette chute a causé à Mme D...une distension du ligament croisé antérieur du genou gauche et une paralysie du nerf sciatique poplité externe ; que l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Avé à lui verser la somme de 14 820 euros en réparation des préjudices subis ; que, par un jugement du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune à verser la somme de 11 725 euros à l'intéressée ainsi que la somme de 16 863, 84 euros à la CPAM du Morbihan en remboursement des débours exposés, outre celle de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que la commune de Saint-Avé sollicite l'annulation de ce jugement ;
Sur la responsabilité de la commune de Saint-Avé :
2. Considérant qu'il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, d'apporter la preuve, d'une part, de la réalité de ses préjudices et, d'autre part, de l'existence d'un lien de causalité direct entre cet ouvrage et le dommage ; que la collectivité maître de l'ouvrage peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ouvrage qui a provoqué la chute de Mme D...était constitué de deux arceaux métalliques disposés en chicane après le portail d'entrée des piétons du stade municipal ; que ces arceaux constituaient, en raison de leur hauteur d'une cinquantaine de centimètres, de leur couleur gris galvanisé et de leur installation dans la continuité du portail, un obstacle immédiat mal décelable par un piéton normalement attentif, en particulier en cas d'affluence lors d'une manifestation sportive ; que, d'ailleurs, il est constant qu'une seconde personne a chuté sur le même obstacle le même jour ; que si la collectivité invoque la nécessité d'empêcher l'entrée des véhicules à deux roues dans l'enceinte du stade, elle n'établit pas qu'il n'aurait pas été possible d'y pourvoir par l'installation d'un ouvrage mieux conçu et ne présentant pas un danger pour les piétons ; que, dès lors, la commune de Saint-Avé n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'un aménagement normal de l'ouvrage ; que sa responsabilité est, ainsi que l'ont justement estimé les premiers juges, engagée à l'égard de Mme D...en sa qualité d'usager d'un ouvrage public ;
4. Considérant qu'il n'est pas établi que MmeD..., dont le mari pratique le football dans un autre club que celui à qui est attribué l'usage régulier du stade municipal de Saint-Avé, résiderait à proximité de cet ouvrage ni qu'elle serait familière des lieux ; que, dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir que l'intéressée, qui serait une usagère régulière du stade, aurait commis une faute d'imprudence de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
Sur les préjudices de MmeD... :
En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
5. Considérant que Mme D...est atteinte d'un déficit fonctionnel permanent estimé à 5% par l'expert dans son rapport établi le 20 mars 2015 ; que si la commune de Saint-Avé soutient que la somme allouée par les premiers juges en réparation de ce préjudice excède celle indiquée par les référentiels d'indemnisation de l'ONIAM qui devraient, selon elle, conduire à retenir une somme d'un montant maximum de 4 400 euros, il est constant toutefois que ces barèmes sont indicatifs et il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient, sur la base des éléments soumis à leur examen, fait une appréciation excessive de ce chef de préjudice en l'évaluant à un montant de 4 700 euros ;
S'agissant des souffrances endurées :
6. Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une appréciation excessive des souffrances subies par MmeD..., estimées par l'expert à 3 sur une échelle de 3 à 7, en fixant à 3 500 euros la réparation due à ce titre ;
S'agissant du préjudice d'agrément :
7. Considérant que la réparation du préjudice d'agrément a pour objet d'indemniser l'impossibilité pour la victime de poursuivre une activité sportive ou de loisirs qu'elle exerçait auparavant ; qu'il ressort de plusieurs attestations du réseau amical de Mme D...ainsi que du classement d'une course à laquelle elle a pris part le 9 octobre 2011 que l'intéressée pratiquait assidûment la course à pied ; que, compte tenu des troubles physiques dont reste atteinte l'intéressée, le tribunal administratif n'a pas fait une appréciation excessive de son préjudice d'agrément en l'évaluant à la somme de 2 000 euros ;
8. Considérant enfin, que les sommes non contestées de 625 euros et 900 euros allouées par le tribunal administratif au titre de l'aide par une tierce personne apportée à Mme D... et du déficit fonctionnel temporaire dont elle a été atteinte doivent être confirmées ;
9. Considérant qu'il résulte ce qui précède que la commune de Saint-Avé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a retenu sa responsabilité et fixé à 11 725 euros l'indemnité allouée à Mme D...en réparation de ses préjudices ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan :
10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la CPAM du Morbihan a produit le 6 juillet 2015 devant le tribunal administratif une attestation d'imputabilité en date du 27 mai 2015 établie par le médecin conseil de cet organisme qui, sur la base des éléments retenus dans le rapport d'expertise du 20 mars 2015, a identifié et retenu les frais relevant du recours de la caisse qui sont strictement en rapport direct avec l'accident dont a été victime le 1er avril 2012 son assurée, MmeD..., dont l'état a été considéré comme consolidé au 9 décembre 2013 ; qu'à ce titre, le médecin conseil a distingué précisément, s'agissant des arrêts de travail à temps complet et à mi-temps thérapeutique, de l'ITT personnelle et des soins médicaux (consultations et imagerie, soins de kinésithérapie, pharmacie et tierce personne), les différentes périodes en cause, qui courent du 1er avril 2012 au 1er novembre 2013 ; qu'a également été versée aux débats, le 6 juillet 2015, la notification des débours définitifs, établie le 26 juin 2015, pour des montants de 1 988,16 euros, 237,96 euros et 90,68 euros au titre des frais médicaux, des frais pharmaceutiques et des frais d'appareillage pour la période du 1er avril 2012 jusqu'à la date de consolidation et un montant 14 546,50 euros correspondant aux indemnités journalières versées à Mme D...du 2 avril 2012 au 31 octobre 2013 ; que, par ces différents éléments précis et concordants, s'agissant notamment de la période sur laquelle peut s'exercer la créance de l'organisme social, la CPAM du Morbihan a ainsi justifié à hauteur de 16 863, 84 euros du montant des débours exposés par elle du fait des conséquences de l'accident de Mme D... ; que la circonstance invoquée en appel par la commune de Saint-Avé que l'attestation d'imputabilité du médecin conseil de la CPAM a été établie à une date antérieure au tableau récapitulatif des débours de la caisse demeure à cet égard sans incidence ; qu'à supposer que la commune ait entendu soutenir que le tableau récapitulatif des débours comporterait des dépenses non imputables à l'accident du 1er avril 2012, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge de la commune de Saint-Avé le remboursement de la somme de 16 863, 84 euros ainsi que le versement de la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Sur les dépens :
11. Considérant que les frais et honoraires de l'expert taxés et liquidés à la somme 800 euros par le président du tribunal administratif de Rennes sont, pour ce même montant, laissés à la charge définitive de la commune de Saint-Avé ;
Sur les frais de l'instance :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeD..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à la commune de Saint-Avé de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune le versement à Mme D... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan d'une somme de 1 500 euros chacune au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Avé est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-Avé versera à Mme D...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les frais d'expertise d'un montant de 800 euros sont laissés à la charge définitive de la commune de Saint-Avé.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint Avé, à Mme B...D..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et à la mutuelle générale de La Poste.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mai 2018.
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01853