Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 avril 2016 la SAS Thessalie, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 24 mars 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 28 juillet 2014 par laquelle la directrice générale de l'ARS de Basse-Normandie a rejeté sa demande ainsi que la décision du 19 novembre 2014 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif de Caen n'est pas suffisamment motivé car il ne fait pas état de son argumentation démontrant que la décision contestée ne lui a été notifiée que le 24 novembre 2014 ;
- le sens des conclusions du rapporteur public a été mis en ligne moins de 24 heures avant l'audience, ce qui ne constitue pas un délai raisonnable ;
- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de lui communiquer la note en délibéré produite par l'agence régionale de santé ;
- le courrier du 19 novembre 2014 a été présenté le 21 novembre mais il n'a été réceptionné que le 24 novembre, ainsi que le démontre le tampon qui y a été apposé ;
- la décision du 10 avril 2007 lui accordant l'autorisation de créer un EHPAD à Saint-Martin de Fontenay a été délivrée pour une durée de quinze ans, soit jusqu'en 2022, et le retard dans le calendrier prévu initialement ne lui est pas imputable ; sa caducité ne peut donc être invoquée ;
- l'autorisation d'exploiter un établissement social ou médico-social est indissociable du droit d'en obtenir le financement et du droit à la prise en charge financière des prestations servies ; l'ARS ne pouvait donc pas exclure le financement du transfert d'autorisation ;
- le permis de construire qui lui avait été délivré pour l'établissement projeté n'était pas caduque puisqu'il a été transféré à une filiale du groupe Colisée le 27 août 2014, et qu'il avait en outre fait l'objet d'un commencement d'exécution.
Par des mémoires enregistrés les 6 juin 2016 et 11 avril 2017 l'agence régionale de santé (ARS) de Normandie, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Thessalie une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la société Thessalie et par la société Colisée Patrimoine Group ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2017 le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société Thessalie ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 23 mars 2017 la société Colisée Patrimoine Group, représentée par MeA..., conclut aux mêmes fin que la société Thessalie par les mêmes moyens et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Bris,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les conclusions de MeC..., représentant la SAS Thessalie.
1. Considérant que, par un arrêté conjoint du préfet du Calvados et du président du conseil général du Calvados en date du 10 avril 2007, la SAS Thessalie a été autorisée à créer un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) de 56 places spécialisé dans la prise en charge de patients atteints de la maladie d'Alzheimer ; qu'elle a demandé en 2014 à l'agence régionale de santé (ARS) de Basse-Normandie le transfert de cette autorisation à la SAS Colisée Patrimoine Group ; que la directrice de l'ARS a indiqué à ces deux sociétés, par un courrier du 28 juillet 2014, qu'elle ne s'opposait pas à ce transfert mais que le projet ne disposait plus des crédits nécessaires au financement des prestations devant être fournies par l'établissement ; que, par un courrier du 25 septembre 2014, la société Thessalie a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par une lettre datée du 19 novembre 2014 ; que la société Thessalie relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 28 juillet et du 19 novembre 2014 ; que la société Colisée Patrimoine Group, appelée à la cause en première instance, présente des conclusions identiques ;
2. Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient qu'en se bornant à indiquer " qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision a été notifiée à la société Thessalie le 21 novembre 2014 ; " les premiers juges, qui n'ont pas répondu ni même fait état de son argumentation concernant la date de notification de la décision du 19 novembre 2014, n'ont pas suffisamment motivé leur jugement ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier qu'alors que l'ARS de Basse-Normandie a présenté une fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la requête par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2015, accompagné de pièces justificatives, ce n'est qu'au cours de l'audience du 10 mars 2016 que la SAS Thessalie a présenté cette argumentation ; que cette dernière n'établit pas, ni même n'allègue, qu'elle aurait été dans l'impossibilité de contester la réalité et les modalités de la notification avant la clôture de l'instruction ; que, par suite, les premiers juges, qui n'avaient pas l'obligation de tenir compte de cette argumentation, n'étaient pas davantage tenu d'en faire état ni d'y répondre dans leur décision qui est, dès lors, suffisamment motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que le premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative dispose que : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ; qu'en indiquant aux parties, près de vingt-quatre heures avant l'audience, qu'il conclurait au rejet de la requête de la société Thessalie pour irrecevabilité, le rapporteur public devant le tribunal administratif de Caen les a informées, dans un délai raisonnable avant l'audience, du sens de ses conclusions ; que, du reste, le conseil de la société Thessalie a été en mesure de présenter des observations concernant cette irrecevabilité au cours de l'audience ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement n'aurait pas respecté les dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative doit être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, que la société Thessalie soutient qu'en s'abstenant de lui communiquer la note en délibéré présentée par l'ARS de Basse-Normandie le 16 mars 2016 les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire ; que, cependant, cette note avait pour unique objet de communiquer une nouvelle copie en couleur de l'accusé de réception du courrier du 19 novembre 2014, qui avait déjà été produit à l'instance dans une version en noir et blanc parfaitement exploitable ; qu'elle ne comportait ainsi aucun élément nouveau susceptible de modifier le sens du jugement à venir ; que, par suite, les juges du tribunal administratif de Caen n'ont pas méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de rouvrir l'instruction pour communiquer cette pièce ;
5. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des mentions portées sur l'accusé de réception du courrier du 19 novembre 2014 rejetant le recours gracieux présenté par la SAS Thessalie que le pli a été présenté et distribué à son destinataire le vendredi 21 novembre 2014 ; que, dès lors, la notification de la décision rejetant le recours gracieux formé par la requérante est intervenue à cette date, quand bien même le pli n'aurait été ouvert par les services de la SAS Thessalie que le lundi 24 novembre 2014 ; que la décision du 19 novembre 2014 mentionnait les voies et délais de recours ; que c'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conclusions présentées devant eux le 23 janvier 2015 et tendant à l'annulation des décisions prises par la directrice de l'ARS de Basse-Normandie les 28 juillet et 19 novembre 2014 étaient tardives et ont, pour ce motif, rejeté la demande de la société requérante ;
Sur les frais de l'instance :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par les sociétés Thessalie et Colisée Patrimoine Group au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de condamner la société Thessalie à verser à l'ARS de Normandie, qui n'est pas le défendeur en appel, la somme que celle-ci demande au titre des même frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Thessalie et les conclusions présentées par la société Colisée Patrimoine Group sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'agence régionale de santé (ARS) de Normandie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Thessalie, à la SAS Colisée Patrimoine Group, à l'agence régionale de santé de Basse Normandie et au ministre des affaires sociales et de la santé.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mai 2018.
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01197