Par un jugement avant dire droit n° 1501190-1501191 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Poitiers a ordonné une expertise médicale complémentaire et a réservé tous les droits et moyens des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 mars 2017, M. et MmeD..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2017 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de la Rochelle à verser à M. D...la somme de 44 439,60 euros et à Mme D...la somme de 6 824,66 euros, ces sommes étant assorties des intérêts légaux capitalisés à compter de la demande indemnitaire préalable ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Rochelle la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Poitiers est frustratoire dès lors que, par deux ordonnances de référé-provision, le tribunal administratif de Poitiers et la cour administrative d'appel de Bordeaux ont considéré que le rapport remis par l'expert judiciaire est suffisamment précis et complet pour permettre à la juridiction de trancher le litige ;
- le centre hospitalier de La Rochelle a commis des fautes qui ont fait perdre à M. D... une chance d'éviter la survenance d'une partie des dommages qu'il a subis ;
- ils justifient de la réalité, de l'imputabilité et du montant de leurs préjudices respectifs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2018, le centre hospitalier de La Rochelle, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'expertise complémentaire prescrite est parfaitement justifiée dès lors que l'expert judiciaire n'a pas indiqué si les fautes qu'il lui impute sont en lien avec le préjudice subi par M.D..., subsidiairement qu'il n'existe pas de lien certain entre la prise en charge de M. D...au sein de l'établissement et la survenue du dommage, que les appelants ne justifient pas de l'existence ou du montant des préjudices dont ils se prévalent.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.F...,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. En raison de troubles de la marche et de l'équilibre, M. D...a été admis dans le service des urgences du centre hospitalier de La Rochelle Ré-Aunis, le 13 janvier 2014, à la demande de son médecin traitant. A la suite de l'aggravation de son état neurologique, dans la nuit du 13 au 14 janvier 2014, le diagnostic d'accident vasculaire lacunaire capsulo lenticulaire droit a été posé le 14 janvier 2014 et l'imagerie par résonance magnétique (IRM), prescrite le même jour et réalisée le 23 janvier 2014, a effectivement mis en évidence la survenue d'un accident vasculaire du tronc cérébral. L'expert judiciaire nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a remis son rapport le 1er avril 2015. Par une ordonnance du 11 septembre 2015, confirmée par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 3 février 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a ordonné le versement, par le centre hospitalier de La Rochelle Ré-Aunis, d'une provision de 15 000 euros au profit de M.D.... M. et Mme D...demandent à la cour d'annuler le jugement du 21 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a ordonné une expertise médicale complémentaire et a réservé tous les droits et moyens des parties et de condamner le centre hospitalier de la Rochelle à les indemniser de leur préjudices.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. " Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.
3. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise judiciaire et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, d'une part, qu'antérieurement à l'admission de M. D...dans le service de chirurgie pour hébergement de la neurologie, à 22 heures 30 le 13 janvier 2014, la pris en charge de celui-ci a " été consciencieuse, conforme aux données acquises de la science et qu'elle a été adaptée à [son] état ", d'autre part, que l'accident vasculaire du tronc cérébral dont a été victime M.D..., " est un AVC gravissime avec une mortalité entre 80 % et 90 % avec ou sans traitement fibrinolytique administré dans un délai habituel maximal de 6 heures " et, en tout état de cause, que l'intéressé " n'aurait probablement pu accéder à un traitement fibrinolytique compte tenu du début des troubles neurologiques qui remonteraient au 13 janvier 2014 soit largement au-delà du délai de six heures. " L'expert en a déduit que " L'état de santé de M. D...s'est donc dégradé du fait de l'évolution naturelle gravissime de ce type d'accident vasculaire cérébral du tronc cérébral sans possibilité d'action thérapeutique curatrice ". Pourtant, il a également estimé que M. D...avait été privé d'une chance, évaluée à 10 %, d'éviter une dégradation de son état de santé au motif qu'une prise en charge plus précoce au cours de la nuit du 13 au 14 janvier 2014 aurait permis la réalisation en urgence d'une imagerie par résonnance magnétique, laquelle aurait permis de poser le diagnostic d'AVC et, par suite, de faire bénéficier M. D...d'un hébergement dans un service spécialisé à même d'assurer une surveillance neurologique, sans préciser quel impact cette surveillance aurait pu avoir sur l'évolution de son état de santé.
4. Dans ces conditions, eu égard au caractère contradictoire ou lacunaire de ce rapport d'expertise, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'état de l'instruction ne permettait pas de statuer sur l'étendue des responsabilités et des préjudices en cause et qu'il y avait dès lors lieu, avant de statuer sur la requête, d'ordonner une seconde expertise. Par suite, ils ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué du 21 février 2017.
5. En second lieu, aux termes de l'article R. 811-6 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige ". La recevabilité d'une requête dirigée contre un jugement avant dire droit se bornant à prescrire une expertise est limitée à la contestation de l'utilité de cette expertise et à la contestation des motifs de ce jugement qui constituent le soutien nécessaire de la mesure d'instruction ordonnée. Dès lors, les conclusions de la requête tendant à ce que la cour condamne le centre hospitalier de La Rochelle à indemniser M. et Mme D...des préjudices qu'ils ont subis à raison de l'accident vasculaire cérébral subis par M. D...et de ses conséquences, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées comme irrecevables.
6. En troisième lieu, les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demandent les appelants soit mise à la charge du centre hospitalier de La Rochelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à Mme G...D..., au centre hospitalier de La Rochelle Ré-Aunis, et à la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Didier Salvi, président,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme C...chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
Le rapporteur,
Manuel F...Le président,
Didier SalviLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°17BX01003