Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 novembre 2016, Mme C...représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 26 novembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Réunion, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", subsidiairement de réexaminer sa situation et, en cas d'annulation de la seule mesure d'éloignement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. De nationalité mauricienne, Mme C...relève appel du jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de La Réunion rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2015 par lequel le préfet de la Réunion a refusé de l'admettre au séjour en qualité de parent d'un enfant français, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
2. En premier lieu, pour rejeter la demande dont il était saisi sur le seul fondement du 6° de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a retenu le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité établie par anticipation le 3 décembre 2013 par le père déclaré de l'enfant de MmeC..., en se fondant tant sur les déclarations de ce Français recueillies dans le cadre de l'enquête administrative diligentée le 21 août 2014, dont il reprend de larges extraits, que sur la chronologie des faits. Saisi d'une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, le préfet n'était pas tenu d'examiner les circonstances et les motifs de l'arrivée en France de Mme C...et sa situation familiale à l'île Maurice et, contrairement à ce que soutient la requérante, il a procédé à un examen sérieux de sa situation.
3. En deuxième lieu, l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" à l'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition, notamment, qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.
4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application de ces principes. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
5. MmeC..., entrée en France selon ses dires en avril 2013, y a donné naissance, le 18 février 2014, environ dix mois après, à un enfant qui a été reconnu de façon anticipée le 3 décembre 2013 par un Français. Celui-ci a indiqué, lors de ses auditions des 21 et 28 août 2014 avoir eu en août 2013 une brève liaison d'une semaine avec MmeC..., l'avoir " croisée " par hasard quelques mois plus tard, en octobre et avoir à cette occasion été informé de la grossesse et sollicité par la mère en vue de la reconnaissance de l'enfant par anticipation. Il a indiqué " c'est la mère d'un de mes enfants, je ne sais pas exactement quand cet enfant est né...aux environs du mois de janvier ", puis ultérieurement fait part de ses doutes sur sa paternité lors du seul contact qu'il a eu avec l'enfant à l'occasion de la déclaration de naissance. Par ailleurs père de quatre enfants issus d'une autre union, qu'il n'avait d'ailleurs pas reconnus en vue de permettre à leur mère d'être déclarée en qualité de parent isolée auprès du prestataire des allocations familiales, il a certifié n'avoir jamais vécu et ne pas envisager de vie commune avec Mme C...et l'enfant. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet enfant serait né prématurément à moins de sept mois et comme l'ont relevé les premiers juges, il n'a pu être conçu en août 2013. La requérante n'allègue avoir vécu avec ce Français et si elle a entendu mettre en cause la valeur probante de ses déclarations en particulier quant à la date de leur relation, elle ne fait elle-même état d'aucune date de conception compatible avec la date de la naissance. Contrairement à ce qui est soutenu, le préfet ne s'est pas fondé sur de simples soupçons mais sur des éléments précis et concordants de nature à établir que ce Français n'était pas le père biologique de l'enfant de MmeC.... Dans ces conditions, en estimant que la reconnaissance de paternité a été souscrite de manière frauduleuse dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour, le préfet, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, n'a pas fait une inexacte application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à l'intéressée le titre de séjour qu'elle sollicitait sur ce fondement, alors même que sa fille n'avait pas été déchue de la nationalité française à l'issue d'une action en contestation de paternité. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, qui n'est assorti d'aucune autre précision que celles tenant à l'erreur de droit, doit également et en tout état de cause être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Si elle est veuve, Mme C...entrée en France en 2013 n'établit pas être dépourvue de toute attaches à l'île Maurice où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. En dépit des circonstances, d'ailleurs non établies, que sa famille l'aurait rejetée et qu'une de ses soeurs réside à La Réunion, elle peut poursuivre sa vie familiale hors de France, notamment à l'île Maurice avec sa fille, qui n'a développé aucune relation paternelle, ce que la requérante, qui avait elle-même indiqué lors de son audition du 21 août 2014 qu'elle souhaitait élever l'enfant sans l'aide de son père, ne conteste pas sérieusement en indiquant que sa fille a un père " potentiellement accessible ". Dans les circonstances de l'affaire, eu égard tant à la durée qu'aux conditions du séjour en France de MmeC..., le refus de séjour et la mesure d'éloignement n'ont pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En quatrième lieu, en vertu du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit à l'étranger dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Il ne ressort pas des mentions de l'arrêté contesté que le préfet, qui s'est borné à viser le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait statué sur le droit au séjour de l'intéressée sur le fondement du 7° du même article. La requérante, qui n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ne peut utilement les invoquer.
8. En cinquième lieu, Mme C...n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de La Réunion n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
9. En sixième lieu, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant prévoit que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". En vertu de l'article 7-1 de la même convention, l'enfant a, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. Aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. / 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. ".
10. Le refus de séjour et la mesure d'éloignement, qui n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer Mme C...et sa fille, qui n'entretient aucune relation paternelle. Le préfet n'a donc pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cette enfant, garanti par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale du 26 janvier 1990 précisées par celles de l'article 9-1 de la même convention et celles de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne qui n'est d'ailleurs opérant qu'à l'encontre de la mesure d'éloignement en vertu des stipulations de l'article 51 de cette Charte limitant son applicabilité aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. Les meilleures conditions de vie sur le territoire français ne caractérisent pas à elles seules une telle atteinte.
11. Enfin, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité du refus de séjour et, dans les circonstances exposées au point 5, celui tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisant obstacle à l'éloignement du parent d'un enfant français ne peuvent qu'être écartés.
12. Si la requérante persiste dans sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi, elle n'articule aucun moyen à l'encontre de cette décision.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
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N° 16BX03699