Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés les 25 août et 1er octobre 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 mai 2015 ;
2°) de rejeter la demande de la société Centrale Solaire de Baignolet.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le projet n'était pas de nature à compromettre les activités agricoles au sens du b) de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ;
- en ce qui concerne le motif du refus de permis tiré de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, il s'en remet au mémoire produit par l'administration en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2016, la société Centrale Solaire de Baignolet, représentée par MeA..., conclut, en premier lieu, au rejet du recours, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint à l'administration, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de délivrer le permis de construire sollicité, ou à défaut de réexaminer la demande de permis de construire, en troisième lieu, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Centrale Solaire de Baignolet.
1. Considérant que par arrêté du 14 mars 2014 le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de délivrer à la société Centrale Solaire de Baignolet un permis de construire pour une centrale photovoltaïque au lieudit " Vallée de Bouard " située sur le territoire de la commune de Baignolet, aux motifs, d'une part, que le projet serait de nature, par sa localisation, à compromettre les activités agricoles, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, et d'autre part que le projet serait de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels ; que par jugement du 19 mai 2015 le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de la société Centrale Solaire de Baignolet, annulé ce refus de permis ; que le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : (...) b) A compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l'existence de terrains faisant l'objet d'une délimitation au titre d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée ou comportant des équipements spéciaux importants, ainsi que de périmètres d'aménagements fonciers et hydrauliques " ;
3. Considérant, d'une part, que le ministre se prévaut en appel du classement des terrains d'assiette du projet, résultant de l'arrêté préfectoral du 27 septembre 2013 fixant les fermages, pour soutenir que les terrains mis à la disposition de la société Centrale Solaire de Baignolet par leur propriétaire agriculteur, M.B..., seraient " des limons plus ou moins profonds, de fertilité satisfaisante à bonne " ; que toutefois, alors que l'arrêté du 27 septembre 2013 se borne, après avoir divisé le territoire du département d'Eure-et-Loir en cinq zones, à classer la totalité des terres situées dans la commune de Baignolet en zone II, chaque zone étant subdivisée en trois catégories présentant des aptitudes différentes à l'exploitation agricole, le ministre ne fait pas état des caractéristiques qui permettraient de ranger les terres dont il s'agit dans l'une de ces catégories ; qu'en tout état de cause, cet arrêté préfectoral, qui n'a pour objet que de calculer le fermage des terres agricoles, ne saurait à lui seul déterminer la qualité agronomique des sols mentionnée par l'article R.111-14 du code de l'urbanisme ;
4. Considérant, d'autre part, que le ministre soutient que le potentiel agronomique des terres, qu'il qualifie de " limité " dans les motifs du refus de permis en litige, pourrait être amélioré par des apports réguliers et conséquents de fertilisants organiques et minéraux en se référant à l'étude agronomique que comportait l'étude d'impact réalisée pour les besoins du projet ; qu'il résulte toutefois expressément de cette dernière expertise, réalisée en septembre 2012 par deux chercheurs de l'unité mixte de recherche " Agronomie-environnement Nancy Colmar ", que " les sols étudiés présentent un potentiel agronomique très limité " et que " étant donné la saturation du complexe argilo-humique en calcaire actif et du pH basique, des apports même réguliers de matière organique et d'engrais chimiques ne présagent en rien d'une biodisponibilité à court terme en éléments nutritifs (échelle de quelques années) au plus proche des besoins des cultures " et " ne présagent en rien d'une réussite des cultures " ;
5. Considérant, enfin, que le ministre invoque pour la première fois en appel la perte financière que subirait M. B...en mettant les terrains en cause à la disposition de la société Centrale Solaire de Baignolet, alors que la mise en jachère de ces terres constitue une condition expresse en vue de la perception de certaines primes agricoles ; que, toutefois, ce moyen, qui manque au demeurant en fait dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...percevra une contrepartie pour la mise à disposition de ses terres, est sans lien avec l'objet des dispositions précités du b) de l'article R. 111-14, qui visent à éviter de compromettre les activités agricoles susceptibles d'être exploitées sur des terres présentant une réelle potentialité agronomique, ce qui n'est pas le cas des terrains ici en cause ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, ainsi que des motifs circonstanciés du jugement du tribunal administratif d'Orléans, que le ministre n'a aucunement contestés, que le préfet d'Eure-et-Loir n'a pu sans erreur d'appréciation s'opposer au projet de la société Centrale Solaire de Baignolet au motif qu'il méconnaîtrait les dispositions précitées du b) de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ;
7. Considérant, en second lieu, que pour contester la censure par le jugement attaqué du second motif du refus de permis de construire, tiré de l'application des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, le ministre se borne devant la cour à renvoyer aux écritures de l'administration en première instance, sans développer aucune argumentation complémentaire, ni apporter de justifications nouvelles ; que le tribunal administratif ayant suffisamment et justement détaillé en quoi l'application de ces dispositions ne pouvaient régulièrement fonder le refus de permis de construire en litige, il convient d'adopter sur ce point les motifs du jugement attaqué ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a annulé le refus de permis de construire opposé le 14 mars 2014 à la société Centrale Solaire de Baignolet ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'injonction de réexamen résultant du jugement attaqué le préfet d'Eure-et-Loir a à nouveau refusé la délivrance du permis de construire demandée par la société Centrale Solaire de Baignolet par un arrêté du 31 août 2015, décision que la société a attaqué devant le tribunal administratif d'Orléans ; que compte tenu de ce nouveau refus, les conclusions tendant à ce que la cour enjoigne la délivrance ou à titre subsidiaire ordonne le réexamen de la demande de permis sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente affaire, le versement à la société Centrale Solaire de Baignolet d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité est rejetée.
Article 2 : l'Etat versera à la société Centrale Solaire de Baignolet une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Centrale Solaire de Baignolet est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du logement et de l'habitat durable et à la société Centrale Solaire de Baignolet.
Copie en sera adressée, pour information, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'Energie, au ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt et au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 mars 2017.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 15NT02639