Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2015 et un mémoire en réplique enregistré le 19 octobre 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juin 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité albanaise, relève appel du jugement du 4 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 22 janvier 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée, qui vise les textes applicables et rappelle l'ensemble des considérations de fait qui la fondent, est suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979. Il ressort par ailleurs de cette motivation que le préfet a procédé à un examen réel et approfondi de la situation de l'intéressé.
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3. En deuxième lieu, l'étranger qui sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour ne saurait ignorer, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, qu'il pourra, en cas de refus, faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il est par ailleurs conduit à l'occasion du dépôt de sa demande, qui doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle en préfecture, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il est également loisible à l'étranger, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire ou élément nouveau. Le droit de l'intéressé d'être entendu avant que n'intervienne le refus de titre de séjour est ainsi assuré par la procédure prévue et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce M. B...n'aurait pas eu la possibilité, pendant l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire état de tous éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle et susceptibles d'influer sur le sens de la décision se prononçant sur cette demande. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en lui refusant un titre de séjour, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne, garanti notamment par les stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, selon lequel toute personne a le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement, doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".
5. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de cet article, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " et à défaut, dans un second temps, si des motifs exceptionnels sont de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans ce dernier cas, la seule présentation d'une promesse d'embauche ou d'un contrat permettant d'exercer une activité ne saurait être regardée comme attestant par principe des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. En l'occurrence, M. B... soutient qu'il bénéficie d'attaches anciennes, stables et intenses, s'est bien intégré en France, s'est investi au sein de la communauté Emmaüs et dispose d'une promesse d'embauche en contrat de travail à durée indéterminée en qualité de manoeuvre dans le bâtiment. De telles circonstances, intégralement prises en compte par le préfet, ne caractérisent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. M. B...ne justifie donc pas de motifs qui lui permettraient de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour méconnaîtrait cet article.
6. En quatrième lieu, M. B...ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que, par la circulaire du 28 novembre 2012, le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation de la situation d'un ressortissant étranger en situation irrégulière.
7. Enfin, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France, garantie notamment par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
8. M. B...soutient qu'il réside en France avec son frère depuis l'année 2012, s'est bien intégré à la société française, exerce des activités associatives, maîtrise la langue française et entretient une relation amoureuse avec une ressortissante française depuis deux ans. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à justifier de l'intensité et de la stabilité de cette relation et ne peut se prévaloir de son mariage avec cette ressortissante, postérieur à l'arrêté attaqué. M. B...était, à la date de la décision attaquée, célibataire et sans enfant, et il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Son frère fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, dont la cour confirme la légalité par un arrêt du même jour, sous le numéro 15BX02643. Ainsi, et eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de M.B..., la décision portant refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B....
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de qui a été dit précédemment que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
10. En deuxième lieu, en vertu des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsque, notamment, un refus de délivrance d'un titre de séjour a été opposé à l'étranger. La décision de refus de titre de séjour du 22 janvier 2015 comporte, ainsi qu'il a été dit au point 2, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et vise les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation au requérant de quitter le territoire français est insuffisamment motivée doit être écarté.
11. Il ressort en troisième lieu des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 ci-dessus, en prenant à l'encontre du requérant la décision l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet n'a méconnu aucun des principes du droit de l'Union européenne dont s'inspire la Charte des droits fondamentaux.
13. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 ci-dessus, le préfet n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
14. En premier lieu, il résulte de qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de retour serait dépourvue de base légale doit être écarté.
15. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) ". Ces dispositions n'imposent pas au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale fixée à trente jours et que l'étranger n'a présenté, comme en l'espèce, aucune demande afin d'obtenir un délai supérieur.
16. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne, qui a mentionné dans son arrêté que la situation personnelle de l'intéressé ne justifiait pas, qu'à titre exceptionnel, un délai de départ supérieur à trente jours lui soit accordé, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B...et aurait méconnu son pouvoir d'appréciation ou commis une erreur de droit en se croyant obligé d'impartir le délai de trente jours prévu par le texte.
17. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11 ci-dessus, il convient d'écarter le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration.
18. Enfin, eu égard aux conditions du séjour de M. B...en France, le préfet n'a pas, en fixant un délai de départ volontaire de trente jours, entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
19. D'une part, la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 22 janvier 2015, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle que la demande d'asile du requérant a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et relève que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention susmentionnée en cas de retour dans son pays d'origine, est ainsi suffisamment motivée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de M. B... avant de prendre la décision fixant le pays de renvoi.
20. D'autre part, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants."
21. M. B...soutient qu'il a été contraint de fuir son pays en raison d'une vendetta organisée contre sa famille du fait d'un conflit foncier. Toutefois, le requérant, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'OFPRA le 8 août 2013 et par la CNDA le 22 octobre 2014, n'apporte pas d'éléments probants ou nouveaux de nature à établir la réalité des risques allégués. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
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No 15BX02603