Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée par télécopie le 16 juillet 2013 et régularisée le 17 juillet 2013, par un mémoire en réplique, enregistré le 29 octobre 2014, par de nouveaux mémoires enregistrés le 28 janvier 2016 et le 5 février 2016, présentés par Me de la Grange, avocat, l'ONIAM, représenté par son président en exercice, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1104035 du 21 mai 2013 du tribunal administratif de Bordeaux, qui l'a condamné à verser aux ayants droit de M. E...G...des indemnités en réparation des préjudices subis du fait du décès de celui-ci ;
2°) de rejeter la demande de première instance ou de réduire le montant des indemnités accordées ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique, notamment son article L. 1142-28 dans sa rédaction issue de l'article 188 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.C...,
- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeL..., représentant Mme M...-N... A...veuveG..., Mme K...G...épouseJ..., M. H...G...
Considérant ce qui suit :
1. M. E...G...a été atteint d'une hépatite chronique active avec fibrose, il a souffert d'une cirrhose puis d'un hépato-carcinome, dont il est décédé le 9 novembre 2005. Sa contamination par le virus de l'hépatite C a été reconnue imputable aux transfusions sanguines subies lors d'une intervention chirurgicale au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, le 10 décembre 1984, par des décisions du juge judiciaire, qui ont condamné l'Établissement français du sang Aquitaine-Limousin à lui verser une indemnité. Le 4 avril 2011, ses ayants droit ont demandé l'indemnisation de l'aggravation de ses préjudices et de leurs préjudices personnels à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Celui-ci a rejeté leur demande en leur opposant la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Ses ayants droit ont alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux, qui, par un jugement du 21 mai 2013, a condamné l'ONIAM à leur verser des indemnités en réparation des préjudices subis du fait de la contamination. L'ONIAM relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, sa veuve, Mme M...-N... A...veuveG..., ses enfants, Mme K... G...épouseJ..., M. H...G..., M. I...G...agissant en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs et ses petits-enfants majeurs, Mlle B... J..., M. F...J..., M. E...-M... J...et Mlle D...G..., demandent à la cour de réformer ce jugement en leur attribuant des indemnités d'un montant plus élevé.
Sur la prescription :
2. Le I de l'article 188 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé modifie l'article L.1142-28 du code de la santé publique en fixant à 10 ans à compter de la consolidation du dommage le délai de prescription opposable aux demandes d'indemnisation formées devant l'ONIAM par les victimes, notamment, de contamination par le VHC à l'occasion d'une transfusion sanguine ou par leurs ayants droit. Le II de cet article précise les conditions de l'applicabilité dans le temps du délai de la prescription décennale aux demandes formées devant l'ONIAM et son second alinéa prévoit que ce délai s'applique aux demandes d'indemnisations n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, présentées à l'ONIAM avant l'entrée en vigueur de la loi et après le 1er janvier 2006.
3. En l'espèce, le décès de M. G...est survenu le 9 novembre 2005 et cette date constitue, en l'espèce, celle du point de départ du délai de prescription. Les ayants droit de M. G... ont présenté à l'ONIAM le 4 avril 2011 une demande portant sur l'une des indemnisations énumérées à l'article L.1142-28 du code de la santé publique. Elle n'a fait l'objet d'aucune décision de justice irrévocable. Elle est donc au nombre de celles auxquelles pouvait être opposé seulement la prescription de 10 ans prévue par les dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l'article 188 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé que l'ONIAM n'est pas fondé à opposer aux ayants droit de M. G... la prescription quadriennale de leur créance et a examiné le bien fondé de cette créance au regard de la présomption instituée par les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé modifié.
Sur l'indemnisation :
En ce qui concerne les préjudices de la victime décédée :
4. Par son jugement du 21 mai 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à verser à Mme G...et autres une indemnité de 95 000 euros en réparation des préjudices subis par la victime décédée. Il leur a, ainsi, accordé les sommes de 4 000 euros au titre du préjudice subi du fait des souffrances endurées et de 91 000 euros au titre des troubles subis du fait du déficit fonctionnel permanent dont la victime était atteinte. Ces sommes ont été déterminées en tenant compte des indemnités précédemment allouées par le juge judiciaire. Le tribunal administratif de Bordeaux a, ainsi, limité implicitement mais nécessairement l'indemnisation aux préjudices liés à la perpétuation et à l'aggravation de l'état de la victime. En accordant une indemnisation du préjudice subi du fait des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence résultant du déficit fonctionnel permanent, il n'a indemnisé, ni un préjudice qui aurait déjà été réparé par le juge judiciaire au titre des incapacités temporaire totale et permanente partielle, ni un préjudice qui ne saurait être retenu lorsque la victime est décédée des suites d'une contamination par le VHC. Dans ces conditions, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une évaluation excessive de l'indemnité destinée à réparer ces préjudices.
5. Pour contester, de leur côté, cette évaluation, Mme G...et autres soutiennent qu'elle ne permet pas une réparation suffisante du préjudice spécifique de contamination subi par la victime. Toutefois, ils n'apportent, sur ce préjudice spécifique de contamination, aucune précision de nature à établir l'existence et à permettre d'évaluer la consistance d'un préjudice subi par Mme G...et autres distinct de celui résultant des souffrances et troubles indemnisés au titre des postes de préjudices évoqués au point précédent.
6. Dans ces conditions, en fixant à la somme de 95 000 euros le montant de l'indemnité accordée en réparation des préjudices subis par la victime décédée, le tribunal administratif de Bordeaux en a fait une appréciation ni excessive ni insuffisante.
En ce qui concerne les préjudices personnels des ayants droit de la victime :
7. Il résulte de l'instruction, ce que l'ONIAM reconnaît d'ailleurs, que Mme G...a apporté une justification suffisante du montant des frais d'obsèques qu'elle a supportés. Ce montant s'établit à la somme de 2 242,92 euros. Mme G...et autres sont donc fondés à soutenir que l'indemnité qui a été accordée à Mme veuve G...doit être augmentée de cette somme.
8. L'ONIAM ne doit prendre en charge, au titre de la solidarité nationale, que l'indemnisation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit. Ainsi, Mme G... et autres ne sauraient demander l'indemnisation d'aucun préjudice subi en propre par eux du fait des séquelles de la contamination de leur époux, père et grand-père avant son décès. Ils ne sont, par suite pas fondés à soutenir que les sommes accordées à chacun d'eux par le jugement du 21 mai 2013 du tribunal administratif de Bordeaux reposent sur une évaluation insuffisante des préjudices d'accompagnement subis par eux.
9. En accordant à Mme M...-N...A..., veuve G...une indemnité de 20 000 euros, dont l'ONIAM ne conteste pas le montant, le jugement du 21 mai 2013 du tribunal administratif de Bordeaux a fait une juste évaluation du préjudice d'affection subi du fait du décès de son époux.
10. L'ONIAM ne conteste pas davantage le montant de l'indemnité accordée par le jugement du 21 mai 2013 du tribunal administratif de Bordeaux à chacun des enfants de la victime, qui ne vivaient pas au foyer de celle-ci en réparation du préjudice subi du fait de la douleur morale. Compte tenu de ce qui est dit au point10 en ce qui concerne la prise en charge par l'ONIAM de l'indemnisation du préjudice d'accompagnement, Mme G...et autres ne sont pas fondés à soutenir que la fixation à la somme de 5 000 euros du montant de la réparation due à ce titre à chacun des trois enfants de la victime n'assurerait pas une juste réparation de leur préjudice d'affection.
11. Le jugement du 21 mai 2013 du tribunal administratif de Bordeaux met à la charge de l'ONIAM, qui n'en conteste pas le montant, une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice résultant de la douleur morale subie par chacune des petits-enfants de la victime, à l'exception de ceux qui sont nés peu de temps avant ou après la date du décès de celle-ci. Mme G...et autres n'apportent, à l'appui de leur affirmation selon laquelle le montant de l'indemnité aurait dû être fixé à 10 000 euros, devant être accordés à tous les petits-enfants, aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 21 mai 2013, le tribunal administratif de Bordeaux, l'a condamné à verser aux ayants droit de M. E...G...des indemnités en réparation des préjudices subis du fait du décès de celui-ci et ceux-ci sont seulement fondés à demander que le montant de l'indemnité accordée à Mme M...-N...A..., veuve G...soit porté de 20 000 euros à 22 242,92 euros.
Sur l'application de l'article L.761- du code de justice administrative :
13. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que Mme G...et autres, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente espèce, soient condamné à verser à l'ONIAM la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'ONIAM à verser à Mme G...et autres une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : Le montant de l'indemnité que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme M...-N...A..., veuve G...est porté de 20 000 euros à 22 242,92 euros.
Article 2 : Le jugement du 21 mai 2013 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de l'ONIAM et le surplus des conclusions de Mme G...et autres sont rejetées.
Article 4 : L'ONIAM versera à Mme G...et autres la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761- du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à Mme M...-N... A...veuveG..., à Mme K...G...épouseJ..., à M. H...G..., à M. I...G..., à Mlle B...J..., à M. F...J..., à M. E...-M... J...et à Mlle D...G...et à la caisse de la mutualité sociale agricole Dordogne Lot-et-Garonne.
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No 13BX01977