Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX00446 le 10 février 2020, et un mémoire, enregistré le 5 juillet 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans le délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, en tout état de cause, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :
- il méconnaît les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article 21 du règlement n° 604/2013 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles 17.1 et 17.2 du règlement du 26 juin 2013, d'une erreur d'appréciation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dès lors que l'Italie présente des défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile ;
- la décision de prolongation du délai de transfert est illégale car la fuite n'est pas démontrée, le préfet ne démontre pas avoir informé l'Italie de cette prolongation et lui-même n'a pas été informé de cette prolongation ; en outre tous les vols Dublin ont été annulés à compter de février 2020 en raison de l'urgence sanitaire.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
- il est entaché d'un défaut de base légale dès lors que la décision de remise est illégale ;
- la perspective de mise à exécution de la décision de transfert n'est pas étayée comme en dispose l'article L. 561-2 du même code qui prévoit que le préfet doit démontrer que son éloignement constitue une perspective raisonnable.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX00447 le 11 février 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement du 22 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :
- il méconnaît les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article 21 du règlement n° 604/2013 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles 17.1 et 17.2 du règlement du 26 juin 2013, d'erreur d'appréciation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dès lors que l'Italie présente des défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile ;
- la décision de prolongation du délai de transfert est illégale car la fuite n'est pas démontrée, le préfet ne démontre pas avoir informé l'Italie de cette prolongation et lui-même n'a pas été informé de cette prolongation ; en outre tous les vols Dublin ont été annulés à compter de février 2020 en raison de l'urgence sanitaire.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
- il est entaché d'un défaut de base légale dès lors que la décision de remise est illégale ;
- la perspective de mise à exécution de la décision de transfert n'est pas étayée comme en dispose l'article L. 561-2 du même code qui prévoit que le préfet doit démontrer que son éloignement constitue une perspective raisonnable.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 2 octobre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Occitanie ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... E..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant érythréen né le 24 mai 1997 à Antore (Erythrée), déclare être entrée irrégulièrement en France le 10 février 2019. Il a sollicité l'asile à la préfecture de la Haute-Garonne, mais la consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait fait l'objet d'un contrôle de police en Italie le 16 juillet 2018. Par deux arrêtés du 3 juillet 2019, le préfet de la Haute-Garonne a décidé, d'une part, son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence dans le département de la Haute-Garonne pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable trois fois. M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de ces deux décisions et il relève appel du jugement de ce tribunal du 22 juillet 2019 rejetant sa demande et sollicite son sursis à exécution.
2. Les requêtes n° 20BX00446 et n° 20BX00447 présentées par M. B... sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la décision de transfert aux autorités italiennes :
3. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
4. D'une part, il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de remise. Quel que soit le sens de la décision rendue par le premier juge, ce délai court à compter de la notification du jugement à l'administration qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.
5. D'autre part, le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article L. 742-3 de ce code prévoit que l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat puisse faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ce transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge, susceptible d'être portée à douze ou dix-huit mois dans les conditions prévues à l'article 29 de ce règlement si l'intéressé " prend la fuite ", cette notion devant s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.
6. Il ressort des pièces du dossier que le délai initial de six mois dont disposait le préfet de la Haute-Garonne pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer M. B... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Toulouse. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement rendu le 22 juillet 2019, soit le 19 septembre 2019.
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment des indications apportées par le préfet de la Haute-Garonne dans le cadre de l'instruction, que ce dernier a déclaré M. B... en fuite et indique avoir informé les autorités italiennes d'un report du délai de transfert de l'intéressé jusqu'au 21 juillet 2021. Toutefois, M. B... conteste s'être trouvé en fuite au sens du 2 de l'article 29 précité du règlement n° 604/2013 et le préfet n'apporte aucun élément permettant de caractériser la situation de fuite de l'intéressé. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Haute-Garonne l'a déclaré en fuite et a prolongé le délai d'exécution de la décision de transfert jusqu'au 21 juillet 2021.
8. Il résulte de ce qui précède que le délai d'exécution de la décision de transfert auprès des autorités italiennes expirait au 19 mars 2020. Ainsi, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. B... à cette date. Par suite, la décision de transfert étant devenue caduque postérieurement à l'introduction de l'appel et ne pouvant plus être légalement exécutée, les conclusions aux fins d'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués ont perdu leur objet.
9. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les autorités françaises sont devenues responsables de l'examen de la demande d'asile de M. B... à compter du 19 mars 2020. Cette responsabilité découle cependant de la seule expiration du délai fixé par les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le présent arrêt qui se borne à prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....
Sur la décision portant assignation à résidence :
10. M. B... se borne à reprendre en appel, dans des termes identiques, sans critique utile et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, les moyen tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, de l'illégalité de la décision portant assignation à résidence par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes et de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :
11. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 juillet 2019, les conclusions de la requête n° 20BX00447 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser au conseil de M. B... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2019 décidant son transfert vers Italie, sur ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 22 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il concerne ce transfert et sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme D... E..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.
La rapporteure,
Fabienne E... Le président,
Didier ARTUS Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00446, 20BX00447