Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, M. C... représenté par Me Uldrif Astié, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 8 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle a été adoptée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'elle est stéréotypée et incomplète, et démontre un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'il est présent depuis 2010 en France où il travaille sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, et qu'il n'est retourné qu'une fois en Egypte suite au décès de son père ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il en remplit les conditions ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été adoptée par une autorité incompétente ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect à une vie privée et familiale.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- le code des relations entre le public et l'administration.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... A...,
- et les observations de Me Pardoe, avocat, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant égyptien né le 21 février 1986, est entré une première fois en France en 2010 sous couvert d'un visa touristique selon ses déclarations, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement vers l'Italie le 10 mai 2017, et a déclaré être à nouveau entré en France le 19 juillet 2017, sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes. Le 19 août 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 août 2018, le préfet de la Gronde lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. M. C... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse apportée par les premiers juges, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur le refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
4. D'une part, l'arrêté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, l'arrêté indique la situation personnelle du requérant, il précise qu'il a été éloigné le 24 mai 2017 et qu'il déclare être revenu le 19 juillet 2017 sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes, qu'il est célibataire et sans charge de famille, qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident sa mère et ses trois soeurs alors qu'il n'a pas d'attache familiale en France, qu'il a vécu en Egypte jusqu'à l'âge de 24 ans, qu'il effectue des aller-retour entre la France et l'Italie où il a des titres de séjour qui lui sont renouvelés tous les ans depuis 2013 et qu'il ne produit pas suffisamment d'éléments probants pour établir sa résidence habituelle en France, qu'il ne démontre pas son intégration en France et qu'il ne peut donc se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, s'il se prévaut d'un contrat de travail, cela ne représente pas une circonstance exceptionnelle, non plus que sa durée de séjour en France, dès lors qu'il ne justifie pas de qualification nécessaire, et que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a émis un avis défavorable. Enfin, il est indiqué, qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, l'arrêté est suffisamment motivé en droit et en fait. Par ailleurs, cette motivation révèle que le préfet de la Gironde a procédé à un examen individuel de sa situation. Les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen personnel de sa situation doivent, dès lors, être écartés.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. M. C... se prévaut de sa durée de présence en France depuis 2010. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'il n'y vit de manière régulière que depuis l'année 2013, date à laquelle il a été mis en possession d'un titre de séjour en Italie, où il retournait régulièrement, et dont il a obtenu le renouvellement tous les ans jusqu'en 2018 et, d'autre part, qu'il n'a travaillé que 9 mois en 2015 et n'a conclu un contrat de travail qu'à compter du 28 août 2017. Par ailleurs, les pièces du dossier font ressortir une absence d'intégration en France de M. C... qui n'a pas disposé d'un logement propre mais a été hébergé par différentes personnes en région parisienne, puis à Bordeaux. Enfin, il est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvu de tout lien dans son pays d'origine où vivent sa mère et ses trois soeurs, et où il a vécu la majeure partie de sa vie jusqu'à l'âge de 24 ans. Dans ces circonstances, et eu égard aux conditions de séjour du requérant, le refus litigieux n'a pas méconnu les textes précités au point 5. Compte tenu de ces faits, il ne ressort pas davantage du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. C....
7. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
8. D'une part, si M. C... se prévaut de sa situation familiale, les circonstances exposées au point 6 ne font ressortir aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel. D'autre part, le contrat de travail à durée conclu le 28 février 2018 avec la société Alpha Concept, entreprise de peinture, carrelage et revêtement de sol, dont se prévaut le requérant n'est pas, comme il le soutient, à durée indéterminée mais valable du 28 août 2017 au 28 février 2018 et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine, a émis le 29 mars 2018 un avis défavorable sur ce contrat de travail, l'employeur de M. C... n'ayant pas transmis toutes les pièces demandées, le préfet précisant par ailleurs que le requérant étant diplômé d'une licence en lettres, il ne justifie pas des qualifications nécessaires pour exercer le métier de peintre, objet du contrat. Enfin, le contrat à durée indéterminée conclu avec la société Bat Faramour le 1er octobre 2015 a pris fin en juin 2016. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus du titre de séjour qui la fonde.
10. En second lieu, les moyens tirés des conséquences sur sa situation personnelle et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation doivent être écartés pour les motifs énoncés au point 6.
Sur le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire qui la fondent.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2018 du préfet de la Gironde. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. E... A..., président,
Mme D... F..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier-conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
La présidente-assesseure,
Fabienne F...Le président-rapporteur,
Dominique A...Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX02376