Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 décembre 2019, Mme I..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler cet arrêté du 3 juillet 2019 de la préfète de la Vienne ;
3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et d'enjoindre à la préfète de la Vienne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à payer à son avocat au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat, et à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur l'arrêté dans son ensemble :
- il a été signé par une autorité incompétente.
Sur la décision de refus de titre de séjour:
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la préfète n'a porté aucune appréciation personnelle sur sa vie privée et familiale et sur le point de savoir si l'état de santé de sa fille nécessitait sa présence à ses côtés ;
- la préfète ne s'est pas prononcée sur les motifs exceptionnels et les considérations exceptionnelles tenant aux conséquences au quotidien de l'état de santé de sa fille dans le cadre de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- cette décision méconnaît l'article L 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- le refus de titre de séjour étant entaché d'illégalité, celle-ci entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire, pour défaut de base légale ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français entache par voie de conséquence d'illégalité la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2020, la préfète de la Vienne demande à la cour de rejeter la requête de Mme I....
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Mme I... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme G... B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... I..., née le 1er mai 1954, de nationalité arménienne, et sa fille, C... I... née le 11 janvier 1975 sont entrées en France le 24 août 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. Après le rejet de leur demande d'asile par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 novembre 2017, confirmées par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 juillet 2018, la préfète de la Vienne les a, par arrêtés du 2 octobre 2018, obligées à quitter le territoire français. Le 8 novembre 2018, Mme C... I... a déposé une demande de titre de séjour " étranger malade " et, à défaut, une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Le même jour, sa mère a déposé une demande de titre de séjour en tant qu'accompagnant d'étranger malade et, à titre subsidiaire, une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L 313-14. Par des arrêtés du 3 juillet 2019, la préfète de la Vienne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligées à quitter le territoire et a fixé le pays de destination. Mmes C... et F... I... ont saisi le tribunal administratif de Poitiers de demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Le tribunal administratif de Poitiers a, après avoir joint les deux instances, par un seul jugement n° 1901869, 1901871 du 5 novembre 2019, rejeté leurs requêtes. Mme F... I... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Par un arrêté du 19 juin 2019, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète de la Vienne a donné délégation à M. A... E..., sous-préfet hors classe, secrétaire général de la préfecture de la Vienne et signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer notamment tous arrêtés entrant dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette délégation est suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige vise les textes applicables à l'intéressée, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 313-11 7° et L. 313-14 et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et rappelle la nationalité de Mme I... et les circonstances de fait relatives à sa situation administrative et personnelle. Il indique notamment, en fait, que sa demande d'asile a été rejetée et que compte tenu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 6 juin 2019 selon lequel l'état de santé de Mme C... I... nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que l'intéressée pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la requérante ne pouvait bénéficier d'une carte de séjour en qualité d'accompagnant d'un étranger malade. L'arrêté en litige mentionne également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et que Mme I... n'établit pas être exposée à des peines et des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays et qu'elle ne justifie d'aucune circonstance exceptionnelle ou humanitaire liée à sa vie familiale. Dans ces conditions, l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, et, par suite, est suffisamment motivé. Le caractère suffisant de cette motivation révèle en outre que la préfète a procédé à un examen personnel et circonstancié de la situation de l'intéressée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : 7°) Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...). ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme I..., entrée en France en 2017, est célibataire et ne justifie d'aucun élément d'intégration dans la société française. Par ailleurs, elle ne dispose en France d'aucune attache familiale, autre que sa fille qui fait l'objet d'une décision de refus de séjour avec obligation de quitter le territoire française prise le même jour. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a résidé jusqu'à l'âge de 63 ans. Dans ces conditions, la préfète de la Vienne, en refusant de délivrer à Mme I... un titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté en litige a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, la décision lui refusant un titre de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
7. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de Mme I... ne peut pas accéder effectivement à des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, et en l'absence d'autre motif, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Vienne a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L 313-14.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être exposé que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité du refus de séjour doit être écarté.
9. En second lieu, il y a lieu d'écarter pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée, en droit et en fait, par le visa de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par l'indication de la nationalité de l'appelante et qu'elle n'établit pas être exposée à des peines et des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays.
11. En second lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.
12. Enfin, si Mme I... soutient que la décision en litige méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen, non assorti de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme I... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de ses frais d'instance doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme I... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F... I.... Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 31 août 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme H... J..., présidente-assesseure,
Mme G... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 septembre 2020.
Le rapporteur,
Déborah B...Le président,
Dominique NavesLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04711