Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Lot-et-Garonne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté lui refusant le séjour est entaché d'erreur de fait quant aux conséquences du défaut de soins ; il méconnaît l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2020, la préfète de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante géorgienne née le 22 août 1996, déclare être entrée en France le 19 mars 2018 accompagnée de son époux, sa belle-mère et ses enfants. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu le 26 février 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 30 juillet 2018, elle a sollicité le bénéfice d'un titre de séjour en qualité d'accompagnante de son enfant malade. Par arrêté du 18 mars 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 6 septembre 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...) sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
3. En premier lieu, si Mme E... soutient à juste titre que la préfète de Lot-et-Garonne a commis une erreur en indiquant qu'il ressort de l'avis émis le 1er octobre 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que le maintien de la requérante pour assister son enfant n'est pas justifié dans la mesure où l'état de santé de ce dernier nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ressort des pièces du dossier que pour regrettable qu'elle soit, l'erreur ainsi commise est une erreur matérielle qui n'a pas eu d'incidence sur la décision lui refusant le séjour. En effet, il ressort de cet avis que le collège des médecins a estimé que l'état de santé de l'enfant de Mme E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque. Or il ressort des pièces du dossier, que la préfète a bien examiné la possibilité du bénéfice effectif d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite l'erreur matérielle est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
4. En second lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
5. La partie qui justifie d'un avis d'un collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'enfant de Mme E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque. Les certificats médicaux produits, s'ils établissent le caractère non contesté de gravité de l'état de santé de l'enfant, ne démontrent pas l'absence de traitement disponible en Géorgie. Une telle circonstance ne ressort pas non plus de l'extrait d'un rapport en langue anglaise de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés dont se prévaut Mme E..., ni d'un rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé datant de 2007. Enfin, si Mme E... produit une décision de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) fixant le taux d'incapacité de cet enfant entre 50% et moins de 80%, cette circonstance ne remet pas en cause la possibilité d'accéder effectivement aux soins adaptés en Géorgie. Par suite, la préfète de Lot-et-Garonne n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français, par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
8. En second lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 6, l'enfant de Mme E... peut bénéficier d'un traitement effectif dans son pays d'origine. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la préfète de Lot-et-Garonne aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant en refusant de lui délivrer un titre de séjour en raison de l'état de santé de ce dernier.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
10. Par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme E..., ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée à la préfète de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 31 août 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... D..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 septembre 2020.
La rapporteure,
Fabienne D... Le président,
Dominique NAVES Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00143