Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 février 2016 et 29 septembre 2016, Mme E...et M.B..., représentés par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 décembre 2015 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 ;
3°) d'ordonner la restitution à leur profit des sommes de 4 863 euros au titre de l'année 2008 et de 3 640 euros au titre de l'année 2009, assorties des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'immeuble sur lequel ont porté les dépenses litigieuses a été affecté à l'habitation principale dans un délai raisonnable ainsi que l'admet la doctrine administrative fiscale ; l'immeuble doit être considéré comme ayant été acquis achevé, de sorte qu'ils bénéficiaient d'un délai raisonnable à compter de son achèvement pour l'affecter à leur résidence principale ; l'achèvement de l'immeuble est intervenu en avril 2012 ; les travaux réalisés sur cet immeuble doivent être qualifiés de travaux de construction compte tenu de leur ampleur et du changement de destination opéré ; l'immeuble, qui n'était pas doté lors de l'acquisition des éléments essentiels à l'habitabilité, n'était pas habitable avant les travaux et n'a donc été achevé qu'en avril 2012 au sens de l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation ;
- le délai raisonnable peut, selon la doctrine, être supérieur à 6 mois ; en l'espèce, le délai d'affectation de l'immeuble à l'habitation principale s'avère raisonnable compte tenu de leurs facultés financières et de l'état de santé de M.B....
Par des mémoires en défense enregistrés les 27 juillet 2016 et 13 décembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions des requérants sont irrecevables en ce qu'elles excèdent le quantum de leur réclamation, qui tendait exclusivement à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et non au remboursement d'un reliquat de crédit d'impôt ;
- les conclusions tendant au paiement d'intérêts moratoires sont irrecevables faute de litige né et actuel ;
- les requérants ont acquis en 2006 un logement achevé, ce qui leur a d'ailleurs permis de bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 279 O bis du code général des impôts pour les travaux réalisés jusqu'en 2012 ; l'acte d'acquisition du 27 septembre 2006 désigne le bien comme étant à usage d'habitation, et sa nature d'immeuble d'habitation ne saurait être remise en cause au seul motif qu'il a été temporairement occupé par une association de bienfaisance ; les travaux réalisés jusqu'en 2012, qui ont consisté à refaire la toiture et la charpente de l'ancien appentis, à créer une ouverture entre la cuisine et le nouveau séjour, à percer des ouvertures pour créer deux baies vitrées dans la cuisine et le nouveau séjour, et à changer le sol de la cuisine pour y poser un carrelage, n'ont pas affecté la structure externe de l'immeuble ; l'augmentation de surface habitable s'explique par la transformation de l'appentis en pièce de vie et par l'aménagement des combles par la pose de velux ; l'ensemble des travaux ne sauraient donc être qualifiés de travaux de reconstruction ; or, alors que les dépenses en cause ont été exposées en 2008 et 2009 sur un immeuble achevé, l'affectation à l'habitation principale n'est intervenue que dans le courant de l'année 2012, ce qui ne saurait être regardé comme un délai raisonnable au sens de la doctrine invoquée ;
- les documents produits pour justifier des dépenses éligibles à un crédit d'impôt sont peu probants.
Par une ordonnance du 14 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 24 janvier 2017 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le ivre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...et M. B...ont acquis le 27 septembre 2006 un immeuble situé 6 rue des Clairettes à Thouars (79100). Divers travaux, consistant notamment en la réfection totale de la toiture, l'aménagement de combles, la transformation d'un appentis en pièce d'habitation et la création de baies vitrées, ont été réalisés sur cet immeuble jusqu'en avril 2012, date à laquelle les intéressés ont fait de cet immeuble leur habitation principale. Ils ont bénéficié, au titre de l'année 2008, du crédit d'impôt prévu par l'article 200 quater du code général des impôts pour l'achat de matériaux d'isolation thermique, de parois opaques et de parois vitrées, puis, au titre de l'année 2009, du crédit d'impôt prévu par les mêmes dispositions pour l'acquisition d'un poêle à bois. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a procédé à la reprise de ces crédits d'impôt. Mme E...et M. B...ont en conséquence été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009, mises en recouvrement le 31 octobre 2011. Ils ont saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à la décharge de ces compléments d'impôt sur le revenu ainsi qu'à la restitution des sommes, correspondant aux crédits d'impôt remis en cause par le service, de 4 863 euros au titre de l'année 2008 et de 3 640 euros au titre de l'année 2009, assorties des intérêts moratoires. Ils relèvent appel du jugement n° 1300822 du 3 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
2. Aux termes de l'article 200 quater du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l'amélioration de la qualité environnementale du logement dont ils sont propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit et qu'ils affectent à leur habitation principale (...).Ce crédit d'impôt s'applique : (...) b. Aux dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans, payées entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2012, au titre achevé depuis plus de deux ans, payées entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2012, au titre de: (...) 2° L'acquisition de matériaux d'isolation thermique et d'appareils de régulation de chauffage ; c. Au coût des équipements de production d'énergie utilisant une source d'énergie renouvelable ou des pompes à chaleur, autres que air / air, dont la finalité essentielle est la production de chaleur : 1° Payés entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2012 dans le cadre de travaux réalisés dans un logement achevé ; 2° Intégrés à un logement acquis neuf entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2012 ; 3° Intégrés à un logement acquis en l'état futur d'achèvement ou que le contribuable fait construire, achevé entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2012. (...) 3. Le crédit d'impôt s'applique pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année du paiement de la dépense par le contribuable ou, dans les cas prévus aux 2° et 3° des c, d et e du 1, au titre de l'année d'achèvement du logement ou de son acquisition si elle est postérieure. (...). ".
3. L'instruction 5-B-26-05 n° 147 du 1er septembre 2005, reprise par la suite par plusieurs réponses ministérielles, indique, s'agissant de la condition posée par les dispositions précitées tenant à l'affectation du logement à l'habitation principale : " 16. Logement que le contribuable fait construire, acquiert neuf ou en état futur d'achèvement. Lorsque les équipements s'intègrent dans un logement que le contribuable fait construire ou acquiert neuf ou en état futur d'achèvement, ce dernier doit affecter ce logement à son habitation principale dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure. 17. Logement déjà achevé. Lorsque les équipements sont installés dans un logement déjà achevé, ce local doit constituer l'habitation principale du contribuable à la date du paiement de la dépense à l'entreprise qui effectue les travaux. Toutefois, lorsque les travaux sont réalisés sur un immeuble acquis achevé et destiné à devenir à bref délai la résidence principale du contribuable, il est parfois constaté que les dépenses sont réalisées et payées avant l'installation définitive du contribuable dans le logement. Dans ces situations, et sous réserve que l'affectation de l'immeuble à l'habitation principale intervienne dans un délai raisonnable à compter de la date du paiement de la facture, il a paru possible d'admettre que le crédit d'impôt puisse néanmoins s'appliquer. A titre de règle pratique et sans préjudice d'un examen au cas par cas des situations qui pourraient se présenter, une affectation effective à l'habitation principale dans les six mois à compter, selon le cas, de la date du paiement de la facture ou de l'achèvement du logement dans lequel les équipements s'intègrent, doit être considérée comme intervenue dans un délai raisonnable. ".
4. Les requérants ne contestent pas en appel que l'immeuble acquis le 27 septembre 2006 ne constituait pas leur habitation principale en 2008 et 2009, années au titre desquelles ils ont bénéficié des crédits d'impôt susmentionnés, de sorte que, faute de justifier de circonstances totalement indépendantes de leur volonté, les intéressés ne satisfont pas à la condition prévue par les dispositions précitées du 1 de l'article 200 quater du code général des impôts.
5. Si Mme E...et M. B...soutiennent avoir acquis en 2006 un " logement déjà achevé " au sens du point 17 de l'instruction précitée, il résulte cependant de leurs propres écritures que l'immeuble en cause ne comportait pas, lors de son acquisition, de baignoire ou douche et du chauffage, et n'était ainsi pas doté des éléments d'équipement indispensables à une utilisation conforme à sa destination. Or, le point 17 de l'instruction susmentionnée dont les requérants se prévalent concerne exclusivement la situation dans laquelle des travaux d'amélioration de la qualité environnementale sont réalisés sur un immeuble acquis achevé. Au demeurant, en admettant même que l'immeuble en cause ait été achevé à la date de son acquisition, il ne résulte nullement de l'instruction que cet immeuble était destiné à devenir à bref délai la résidence principale des requérants compte tenu de l'ampleur des travaux projetés par les intéressés avant de s'y installer. Les requérants ne peuvent ainsi utilement se prévaloir du point 17 de l'instruction susmentionnée.
6. Par ailleurs, Mme E...et M. B...soutiennent également que les travaux réalisés sur l'immeuble litigieux entre 2006 et 2012 ont été d'une ampleur telle qu'ils doivent être qualifiés d'opération de reconstruction, de sorte que l'immeuble en cause a été achevé en avril 2012, date à laquelle cet immeuble a été affecté à leur résidence principale.
7. Cependant, d'une part, il résulte des dispositions du 2° du b) du point 1 de l'article 200 quater du code général des impôts que l'acquisition de matériaux d'isolation thermique n'ouvre droit à un crédit d'impôt sur le revenu qu'à la condition, notamment, qu'une telle dépense soit affectée à un immeuble achevé depuis plus de deux ans. Dès lors, en admettant que leur immeuble ait été achevé, comme ils le soutiennent, en avril 2012, les dépenses d'isolation thermique exposées par les intéressés au cours de l'année 2008 ne portaient alors pas sur un immeuble achevé depuis plus de deux ans, et n'étaient donc pas éligibles au crédit d'impôt prévu par l'article 200 quater du code général des impôts, sans que les requérants puissent utilement invoquer l'interprétation, par la doctrine administrative précitée, de la condition relative à la condition d'affectation du logement à la résidence principale.
8. D'autre part, en vertu du 3 de l'article 200 quater du code général des impôts, dans l'hypothèse où un équipement de production d'énergie utilisant une source d'énergie renouvelable, tel un poêle à bois, est intégré à un logement en cours de construction, le crédit d'impôt correspondant au coût d'acquisition de cet équipement s'applique pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année d'achèvement du logement, et non au titre de l'année de paiement de la dépense correspondante. Ainsi, en admettant, comme les requérants le soutiennent, que l'immeuble litigieux ait fait l'objet de travaux de reconstruction et ait été achevé eu cours de l'année 2012, le crédit d'impôt revendiqué à raison de l'achat, en 2009, d'un poêle à bois, ne pouvait en tout état de cause être utilisé pour le calcul de l'impôt de l'année 2009. Les requérants ne peuvent par suite utilement se prévaloir de la doctrine susmentionnée relative à la condition d'affectation du logement à la résidence principale, qui ne porte pas sur le fait générateur du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées de l'article 200 quater du code général des impôts.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme E...et M. B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...et M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E..., à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX00496