Par un jugement n° 1303259, 1303292,1303294 du 24 décembre 2015, après avoir joint les trois demandes présentées par la société Aéroport de Bordeaux Mérignac, le tribunal administratif de Bordeaux les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 février 2016, et un mémoire présenté le 16 décembre 2016, la société Aéroport de Bordeaux Mérignac, représentée par Me A...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 décembre 2015 ;
2°) de la décharger des sommes de 666 083 euros au titre de l'année 2009, 473 721 euros au titre de l'année 2010, 513 226 euros au titre de l'année 2011 et de 471 492 euros au titre de l'année 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en vertu des articles 38 quinquies et 324 AE de l'annexe III au code général des impôts, les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine laquelle s'entend, pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport ;
- en l'espèce, l'ensemble des éléments d'actifs constituant la concession ont été transférés de l'actif de la CCI de Bordeaux à l'actif de la société Aéroport de Bordeaux Mérignac ; lors de ce transfert, et en vertu de cette convention, les éléments d'actif et de passif constituant une branche complète et autonome d'activité ont été valorisés à leur valeur vénale réelle ; contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, il y a eu constatation d'une nouvelle valeur vénale, laquelle est correctement représentée par la valeur nette comptable des immobilisations concernées, telle qu'elle figurait dans les comptes de la chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux au 31 décembre 2006, ce que le commissaire aux apports a d'ailleurs validé ; en rémunération de ce transfert, la CCI a reçu un titre correspondant à l'actif net transféré ; il y a donc eu apport des immobilisations à la société Aéroport de Bordeaux ;
- s'agissant du prix de revient correspondant aux immobilisations apportées : les éléments corporels composant la concession ont été valorisés à hauteur de 55 500 214,10 euros mais le prix de revient des seules immobilisations apportées s'élève à 34 066 726 euros ; des déclarations modèle U ont d'ailleurs été souscrites par typologie d'installation pour ce montant total ;
- s'agissant du prix de revient des immobilisations créées ou acquises postérieurement à l'apport : les parties se sont accordées pour retenir la valeur d'origine inscrite à l'actif du bilan de la société ;
- subsidiairement, l'évaluation foncière retenue méconnait les dispositions règlementaires visant la mise en concession d'immobilisations remises gratuitement par le concédant au concessionnaire et l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ; lors de la mise en concession des installations aéroportuaires en 2001, les immobilisations auraient dû faire l'objet d'une valorisation avec une date d'acquisition de 2001 ; si tel avait été le cas, cette valorisation aurait pu être assimilée à une valeur d'apport et l'évaluation foncière aurait été conforme aux dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III du code général des impôts ; or, l'évaluation foncière actuelle ne respecte que partiellement ces dispositions dès lors que pour les immobilisations antérieures à 2001, elle est fondée sur des valeurs qui ne sont pas des valeurs d'apport ; ainsi, si l'opération de 2007 ne devait pas être assimilée à un apport, l'administration devrait modifier l'évaluation foncière actuelle pour qu'elle soit en conformité avec ces dispositions ;
- l'administration ne peut, comme elle le suggère, procéder à une compensation pour les années 2010 à 2012 dès lors que la condition tirée de l'unicité d'imposition n'est pas remplie, la CET étant la résultante de la CFE et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet 2016 et 23 février 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- par un arrêt du 7 juillet 2006, n° 286307, Ministre c./ CCI de Clermont-Ferrand-Issoire, le Conseil d'Etat a jugé que le recours à la méthode comptable du prix de revient définie à l'article 1499 est subordonné au respect de la condition d'inscription du bien à l'actif du bilan du propriétaire et non de 1'exploitant, même si le concessionnaire a effectivement porté les immobilisations industrielles à l'actif de son bilan (n° 279311, n° 279312) ; l'article 101 de la loi de finances rectificative pour 2008 a modifié le texte de l'article 1500 du code général des impôts ; ainsi, l'évaluation foncière des installations de l'aéroport de Bordeaux relevait des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts jusqu'à l'année 2008, puis de la méthode comptable définie à l'article 1499 à compter de l'année 2009 ;
- la CCIB a effectué en faveur de la SAS Aéroport de Bordeaux, sa filiale à 100%, un apport partiel d'actif conformément à l'article 7 de la loi du 20 avril 2005 ; selon le rapport du commissaire aux apports, le droit de gérer l'aéroport a été évalué à l'euro symbolique et les valeurs actives et passives afférentes à la concession ont été retenues à leur valeur réelle, c'est-à-dire à la valeur à laquelle elles figuraient dans les comptes de l'activité aéroportuaire de la CCIB arrêtés le 31 décembre 2006 ; les valeurs brutes inscrites à l'actif immobilisé de la requérante au 31 décembre 2007 reprennent celles qui figuraient à l'actif immobilisé de la CCIB pour l'année 2006, la différence correspondant à l'actif immobilisé de la CCIB conservé pour l'exercice de ses autres activités ; en l'absence de transfert de propriété, il n'y a pas eu valorisation des biens transmis à leur valeur comptable ; les installations aéroportuaires en cause sont restées la propriété de l'Etat qui est le redevable légal de la taxe foncière ; le traité d'apport mentionne d'ailleurs expressément que les éléments corporels sont constitués exclusivement des biens de retour qui doivent revenir obligatoirement à l'autorité concédante à l'expiration de la concession ; le transfert du droit d'usage des installations n'a pas donné lieu à la constatation en 2007 d'une nouvelle valeur vénale des biens ;
- la prise de position de l'administration sur cette opération n'a porté que sur l'impôt sur les sociétés dès lors que la question portait sur l'éligibilité de l'opération au régime spécial des fusions prévu aux articles 210 A, 210 B et 817 du code général des impôts ; l'administration avait d'ailleurs précisé que sa réponse n'emportait pas approbation des valeurs attribuées aux éléments apportés ni des modalités juridiques, financières et comptables de l'opération, ni d'autres conséquences fiscales qu'elle pourrait entraîner ;
- c'est donc à juste titre que l'administration a retenu le prix de revient d'origine des installations du site pour déterminer la valeur locative foncière taxable au titre des années en litige, selon la méthode comptable définie à l'article 1499 du code général des impôts ;
- si la Cour faisait droit à l'argumentation de la requérante, elle devrait faire application de l'article 1518 B du code général des impôts, qui instaure une valeur locative plancher pour les immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissement réalisées à partir du 1er janvier 1976, laquelle est égale à 80 % de celle ressortant au titre de l'année de l'apport, déterminée selon la méthode comptable ;
- en cas de solution favorable à la société, il conviendrait de procéder à une compensation entre les dégrèvements sollicités et le trop perçu issu des plafonnements en fonction de la valeur ajoutée, conformément à l'article 1647 B sexies du code général des impôts ; les plafonnements obtenus étant supérieurs aux montants contestés, le litige est circonscrit aux montants de la taxe additionnelle affectée au financement des frais de CCI, pour la part se rapportant aux différentiels de base sollicités par la requérante, cette taxe étant exclue du dispositif du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée ;
- la demande tendant à la modification de l'évaluation foncière actuelle au motif qu'elle ne serait pas conforme à l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts est inopérante ; elle estime que les installations aéroportuaires auraient dû faire l'objet d'une valorisation avec une date d'acquisition " millésimée 2001 " alors que l'administration a retenu la valeur locative rattachée à la CCI, conformément aux termes de la convention d'apport ; la CCIB ne l'avait d'ailleurs pas contestée, critiquant uniquement la méthode d'évaluation à appliquer ; la convention de 2007 précise que la CCIB n'était pas titulaire d'un contrat de concession jusqu'en 2001 mais qu'elle gérait l'aéroport dans le cadre d'une autorisation d'occupation temporaire ; ainsi, la comptabilité de l'aéroport a été tenue selon les règles du plan comptable général et depuis 2001 ; ce même cadre comptable a été poursuivi en raison du principe de continuité comptable et fiscal qui présidait au changement de régime juridique d'AOT en concession en 2001, et en raison de la durée limitée à cinq ans de la concession, laquelle ne permettait pas au concessionnaire d'amortir, sur la durée du contrat, les investissements réalisés.
Par ordonnance du 23 février 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 15 mars 2017 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Katz,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Une convention de concession pour la construction, l'entretien et l'exploitation de l'aéroport a été conclue entre le ministre chargé de l'exploitation civile agissant au nom de l'État et la chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux (CCIB) à compter du 21 mars 2001, pour une durée de cinq ans. Par arrêté ministériel du 5 mai 2006, cette convention a été prorogée jusqu'au 31 décembre 2007. Conformément au dispositif prévu par l'article 7 de la loi du 20 avril 2005, le 21 avril 2007, la chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux a conclu avec la société Aéroport de Bordeaux Mérignac, sa filiale dont elle détient 100 % du capital, une " convention d'apport partiel d'actif de la concession aéroportuaire de l'aérodrome de Bordeaux Mérignac ", par laquelle elle lui a accordé le droit de gérer 1'aéroport dans le cadre de la concession dont elle était elle-même titulaire et lui a transféré les éléments d'actif et de passif constituant les comptes de la concession, avec effet au 1er janvier 2007. Cet exploitant a supporté la charge de la taxe professionnelle établie pour 2009 et des cotisations foncières des entreprises émises pour les années 2010, 2011 et 2012 pour des montants respectifs de 3 247 123 euros, 1 007 856 euros, 1 017 718 euros et 1 045 353 euros, la valeur locative des installations foncières de l'aéroport ayant été déterminée selon la méthode comptable définie à l'article 1499 du code général des impôts, compte tenu du caractère industriel de l'établissement. Par trois réclamations successives, la société Aéroport de Bordeaux Mérignac a partiellement contesté les cotisations mises à sa charge en faisant valoir que pour déterminer la valeur locative foncière du site, le service aurait dû retenir les valeurs d'apport constatées lors du changement de concessionnaire en lieu et place du prix de revient d'origine des installations. Par trois demandes distinctes, la société Aéroport de Bordeaux Mérignac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la réduction des cotisations de taxe professionnelle et de taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009, de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie additionnelle à la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012. Par sa requête, cette société relève appel du jugement du 24 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
2. Aux termes de l'article 1500 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : - 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; - 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites. ". L'article 1499 du même code dispose : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 324 AE de l'annexe III au code général des impôts : " Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. Aucune rectification n'est apportée auxdites valeurs au titre des taxes sur le chiffre d'affaires (taxe sur la valeur ajoutée) supportées par l'entreprise. La valeur d'origine à prendre en considération est le prix de revient intégral avant application des déductions exceptionnelles et des amortissements spéciaux autorisés en matière fiscale. Il en est de même pour les immobilisations partiellement réévaluées ou amorties en tout ou en partie ". Enfin, selon l'article 38 quinquies de cette même annexe : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / (...) c. Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport ; (...) ".
3. La société requérante soutient que, pour déterminer la valeur locative des immobilisations industrielles à prendre en compte pour le calcul de la base d'imposition des impositions litigieuses, l'administration aurait dû se référer à la valeur d'apport de ces immobilisations lors du transfert des éléments d'actif et de passif en faveur de la société en application de la convention du 21 avril 2007, ou, subsidiairement, tenir compte de la valorisation, assimilable à une valeur d'apport, qui aurait dû être réalisée lors de la convention de concession de 2001.
4. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer la valeur locative cadastrale des installations aéroportuaires dont l'évaluation est litigieuse, l'administration a constaté que ces installations restaient la propriété de l'État et que les éléments corporels constituaient des biens de retour, pour en déduire que la valeur d'apport ne pouvait être retenue à la place de la valeur d'origine. Dans la mesure où " l'apport " effectué par la convention du 21 avril 2007 n'opère pas un transfert de ces installations, qui restent la propriété de l'État, il ne peut être regardé comme un apport d'immobilisations au sens du c de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts. De même, dès lors que les installations en cause sont restées propriétés de l'État, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour contester les impositions en litige, de ce que les installations aéroportuaires auraient dû faire l'objet d'une valorisation lors de la concession signée en 2001 entre l'État et la chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux. Ainsi, c'est à bon droit que le service a pris pour référence la valeur comptable figurant dans les comptes de l'activité aéroportuaire de la chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux au 31 décembre 2006, équivalente à celle mentionnée dans le bilan de la société Aéroport de Bordeaux Mérignac établi au 31 décembre 2007, ainsi que cela ressort des imprimés issus des liasses fiscales souscrites aux 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007 par la chambre de commerce et d'industrie et la société requérante.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Aéroport de Bordeaux Mérignac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Aéroport de Bordeaux Mérignac est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au directeur de l'aéroport de Bordeaux Mérignac et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 11 octobre 2018.
Le rapporteur,
David KATZLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 16BX00754