Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 avril 2016 et le 24 mars 2017, Mme Renner, représentée par la SCP C...Kolenc, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 février 2016 ;
2°) d'annuler le titre de perception émis le 18 avril 2014, ensemble le rejet du recours gracieux dirigé contre ce titre ;
3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme réclamée dans ce titre de perception ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre de perception litigieux est infondé, dès lors qu'il tend au reversement d'une somme dont elle a, en tant qu'avocate, obtenu le bénéfice en exécution d'un jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1300864 du 17 juillet 2013 ;
- contrairement à ce qu'a considéré le jugement attaqué, la circonstance que le jugement n° 1300864 ait été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 13BX02240 ne peut légalement fonder le titre de perception litigieux, dès lors que cet arrêt n'a pas annulé en sa totalité le jugement n° 1300864, mais a laissé subsister, en faveur de l'appelante qui intervenait dans cette instance en tant qu'avocate, le bénéfice de la somme de 1 200 euros versée en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans l'hypothèse où elle renonçait au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2016, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable, dès lors que l'appelante se borne à reprendre strictement ses écritures de première instance ;
- c'est à bon droit qu'a été émis le titre exécutoire contesté, pour un montant de 1 200 euros, dès lors que la cour administrative d'appel de Bordeaux, par son arrêt du n° 13BX02240, a annulé l'ensemble du jugement n° 1300864 et n'a pas, contrairement à ce que fait valoir l'appelante, laissé au bénéfice de cette dernière les dispositions de l'article 5 dudit jugement portant sur le sort des conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par ordonnance du 7 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mai 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Katz,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant Mme A...Renner.
Considérant ce qui suit :
1. Mme Renner, avocate, a représenté devant le tribunal administratif de Poitiers Mme B..., ressortissante marocaine, qui demandait l'annulation d'une mesure d'éloignement. Par un jugement n° 1300864 du 17 juillet 2013, ce tribunal a fait droit à la demande de l'intéressée et a statué sur les conclusions relatives aux frais de procès en décidant, à l'article 5 de son jugement, que " sous réserve de l'admission définitive de Mme B...à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me Renner renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, ce dernier versera à Me Renner, avocate de MmeB..., une somme de 1 200 (mille deux cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (...) ". Mme Renner ayant renoncé au bénéfice de l'aide juridictionnelle, elle a perçu la somme de 1 200 euros versée par l'État. Postérieurement, par un arrêt n°13BX02240 du 27 février 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a estimé que la demande de première instance était tardive et a, en conséquence, d'une part, en son article 2, annulé le jugement n° 1300864 et, d'autre part, en son article 3, rejeté " la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Poitiers et ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ". A la suite de cet arrêt, par un titre de perception émis le 18 avril 2014, le comptable de la direction régionale des finances publiques de la région Poitou-Charentes et de la Vienne a réclamé à Mme Renner la somme de 1 200 euros qui lui avait été versée en application des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique. Par courrier notifié le 1er octobre 2014, la préfète de la région Poitou-Charentes, préfète de la Vienne, a rejeté la réclamation préalable formée pour la requérante le 27 août 2014 tendant à l'annulation de ce titre de perception. Par sa requête, Mme Renner relève appel du jugement n° 1403090 du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 18 avril 2014, ensemble le rejet du recours gracieux formé contre ce titre, et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 200 euros. Elle demande à la cour d'annuler le jugement attaqué et de faire droit à ses demandes de premières instances, outre le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel par le préfet de la Vienne :
2. Aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, dans sa rédaction applicable au litige : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification. / Ce recours doit être présenté dans les mêmes formes que celles dans lesquelles devait être introduite la requête initiale. Il doit être introduit dans un délai de deux mois qui court du jour de la notification ou de la signification de la décision dont la rectification est demandée. Les dispositions des livres VI et VII sont applicables ".
3. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
4. D'autre part, il résulte des dispositions combinées de l'article R. 833-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique que, dans le cas où il n'est pas expressément statué sur les conclusions présentées, au titre de ce dernier article, par l'avocat bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, celui-ci a seul qualité pour introduire un recours en rectification d'erreur matérielle.
5. Par son arrêt n° 13BX02240, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé en totalité le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1300864, ce qui l'a conduit à statuer à nouveau sur l'ensemble des conclusions présentées devant les premiers juges. Si la cour a rejeté les demandes présentées au tribunal par MmeB..., il est vrai qu'elle n'a pas expressément rejeté les conclusions présentées en première instance par Mme Renner, en sa qualité d'avocat de MmeB..., tendant au bénéfice d'une somme en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, lesquelles conclusions étaient, de toutes façons, vouées au rejet dès lors que l'État n'était pas la partie perdante. La condamnation de l'État au versement de la somme de 1 200 euros au bénéfice de Mme Renner, prononcée par le jugement n° 1300864, n'en a pas moins disparu de l'ordonnancement juridique. Alors qu'elle avait la faculté de le faire, Mme Renner s'est abstenue de former un recours en rectification matérielle de l'arrêt n° 13BX02240 afin que soient expressément rejetées ses conclusions. Elle ne saurait, à l'occasion d'un litige portant sur le titre exécutoire émis à son encontre pour le reversement d'une somme payée par l'État en exécution d'une décision juridictionnelle ultérieurement annulée, revenir sur la portée de l'arrêt d'appel ayant procédé à l'annulation totale du jugement. Par suite, en fondant le titre de perception litigieux sur l'annulation, par la cour administrative d'appel de Bordeaux, de la condamnation prononcée par le jugement n° 1300864, l'administration n'a commis aucune erreur de droit. En outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juge, la circonstance que Mme Renner se trouve désormais privée de la possibilité de percevoir l'aide juridictionnelle à laquelle elle avait renoncé est sans influence sur le bien-fondé de ce titre de perception.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme Renner n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes aux fins d'annulation du titre de perception émis à son encontre et du rejet du recours gracieux qu'elle a formé, et aux fins de décharge de l'obligation de payer la somme inscrite sur ce titre.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, la somme que Mme Renner demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme Renner est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA... Renner et au garde des sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.
Le rapporteur,
David KATZLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01152