Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés le 16 janvier 2019 et le 20 mars 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler l'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 25 septembre 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 29 mars 2018 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance :
- sa requête de première instance était recevable dès lors qu'elle avait formée une demande d'aide juridictionnelle le 2 mai 2018 ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnaît l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : elle justifie d'un contrat de travail d'un an et disposait, à la date de l'arrêté, d'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : elle a vécu en France de 2007 à 2013 et elle y réside à nouveau depuis 2015 où elle a centralisé l'essentiel de ses intérêts privés ; elle est marié avec un compatriote titulaire d'un titre de séjour depuis le 19 août 2017 et ne dispose plus d'attaches dans son pays d'origine ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle ne peut faire l'objet d'une telle décision dès lors qu'elle peut prétendre à l'octroi d'un titre de séjour de plein droit.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... sont infondés.
Par ordonnance du 11 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2019 à 12h00.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 17 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 26 mai 1976, est entrée en France pour la dernière fois en 2015. Le 3 novembre 2015, elle s'est vu délivrer un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, valable jusqu'au 2 novembre 2016. Elle a sollicité un changement de statut le 23 novembre 2016 afin d'obtenir un titre de séjour en qualité de salariée. Par un arrêté du 29 mars 2018, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel de l'ordonnance du 25 septembre 2018 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 17 janvier 2019, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) ; / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...). ".
4. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. / (...). ".
5. En vertu des articles 23 de la loi du 10 juillet 1991 et 56 du décret du 19 décembre 1991, le ministère public ou le bâtonnier peuvent former un recours contre une décision du bureau d'aide juridictionnelle dans un délai " de deux mois à compter du jour de la décision ".
6. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination a été régulièrement présenté par courrier à l'adresse indiquée par l'intéressée le 7 avril 2018 et qu'il est revenu non distribué le 25 avril 2018. Il ressort également des pièces versées en appel que Mme A... a présenté, le 2 mai 2018, une demande d'aide juridictionnelle dans le cadre de la procédure tendant à l'annulation de l'arrêté en litige. Cette demande a été de nature à interrompre le délai de recours contre cet acte. Par décision du 21 juin 2018, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. La date de notification de cette décision du bureau d'aide juridictionnelle ne ressort pas des pièces du dossier. A supposer même que la décision l'admettant au bénéfice de l'aide juridictionnelle serait devenue définitive, le délai de recours contentieux n'avait pas recommencé à courir à l'encontre de Mme A... en l'absence d'une telle notification. Par suite, la demande enregistrée le 9 août 2018 au greffe du tribunal administratif de Toulouse n'était pas tardive.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande comme irrecevable. Il y a lieu d'annuler cette ordonnance pour irrégularité et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Toulouse pour qu'il statue à nouveau sur la demande de Mme A....
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : L'ordonnance n° 1803775 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 25 septembre 2018 est annulée.
Article 3 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Toulouse.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et au tribunal administratif de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
Mme B... C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.
Le rapporteur,
Sylvie C... Le président,
Philippe Pouzoulet Le greffier,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00177