Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 octobre 2020, le préfet de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 septembre 2020 ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 800 euros au profit de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation quant à la prise en charge de la requérante dans son pays d'origine ;
Par ordonnance du 3 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 14 septembre 1989, est entrée en France le 17 novembre 2018 et a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée, en procédure accélérée, par décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 21 juin 2019 et ce rejet a été confirmé par décision de la Cour nationale du droit d'asile, le 4 décembre 2019. Mme B... a également déposé une demande de titre de séjour en tant qu'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par arrêté du 9 juin 2020, le préfet de la Gironde a refusé son admission au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi. Par jugement n° 2002596 du 18 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de cet arrêté et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B... un titre de séjour correspondant à sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de la Gironde relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont il est originaire. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de la Gironde s'est fondé sur l'avis, daté du 14 février 2020, du collège de médecins de l'OFII indiquant que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement en Géorgie. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B... souffre d'un déficit immunitaire humoral génétique responsable de complications infectieuses graves et d'anomalies dysimmunitaires sous-jacentes qui justifie un suivi régulier et une prise en charge spécialisée avec notamment des perfusions mensuelles d'immunoglobulines polyvalentes par injection de Privigen, traitement indispensable à la requérante, selon les pièces médicales versées au dossier. Il ressort également des pièces du dossier et notamment de l'attestation du ministère géorgien en charge de la santé et de la protection sociale en date du 25 juin 2020, produite par Mme B..., que les frais liés au traitement du déficit immunitaire humoral génétique ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale du pays. Or, selon un certificat médical versé au dossier, établi le 1er juillet 2020, le prix unitaire de l'injection de Privigen s'élève en France à 417 euros. Par ailleurs, si le préfet fait valoir que Mme B..., qui a vécu en Géorgie jusqu'à l'âge de 29 ans, doit pouvoir avoir accès à d'autres molécules aux effets équivalents pour son traitement mais au coût moindre, il n'apporte aucune pièce au soutien de cette allégation. Dès lors, en estimant que Mme B... était fondée à soutenir que, faute pour elle de disposer d'un accès effectif en Géorgie à un traitement dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaissait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers eu du droit d'asile, le premier juge n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en litige. Par suite, la requête du préfet de la Gironde y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme C... A..., présidente,
M. E... D..., président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.
La présidente,
Evelyne A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03412