Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er août 2016, Mme A...E...D..., représentée par la Selarl d'avocats Ali-Magamootoo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 28 avril 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 18 décembre 2015 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florence Madelaigue a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...E...D..., née le 16 décembre 1986, de nationalité mauricienne, relève appel du jugement du tribunal administratif de La Réunion qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2015 par lequel le préfet de La Réunion a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d' un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée ". Aux termes de l'article 321 du code civil : " Sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité ". Aux termes de l'article 335 du même code en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " La filiation établie par la possession d'état constatée par un acte de notoriété peut être contestée par toute personne qui y a intérêt en rapportant la preuve contraire, dans le délai de dix ans à compter de la délivrance de l'acte ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...a sollicité du préfet de la Réunion la délivrance d'une carte de séjour temporaire, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant valoir qu'elle était mère d'un enfant français. Dans le cadre d'une enquête de police diligentée pour travail illégal et infraction à la législation des étrangers, Mme D...a déclaré " avoir fait de fausses déclarations dans le but d'obtenir des documents administratifs permettant à mes enfants et à moi-même de m'installer sur le territoire français " selon un procès-verbal d'audition du 23 juin 2015 qu'elle a signé. La requérante a en effet reconnu que ses deux enfants sont issus de sa relation avec M. F...B..., ressortissant mauricien, et que son fils Nu'Mann a bénéficié d'une reconnaissance de paternité de complaisance de la part de M.C..., ressortissant français et oncle de son compagnon, M.B..., à la demande de ce dernier. Au regard de ces éléments, le préfet de La Réunion doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. C...à l'égard de l'enfant Nu'Mann avait un caractère frauduleux. Par suite, le préfet de La Réunion, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce motif, le renouvellement de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeD..., alors même qu'à la date de ce refus, cet enfant n'avait pas été déchu de la nationalité française.
5. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une astreinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Mme D...fait valoir l'ancienneté de son séjour en France avec ses deux enfants où se trouve désormais le centre de ses intérêts privés et qu'elle est bien intégrée dans la société française, où elle a ouvert deux commerces en 2012 et en 2015. Toutefois, l'intéressée, qui est née en 1986, n'est entrée en France qu'en juin 2009 et son compagnon, M.B..., également de nationalité mauricienne, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour de deux ans par arrêté du 29 juin 2015. Aucun obstacle ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale dans le pays d'origine de la requérante où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales. Par suite, et alors même que Mme D...exploite un fonds de commerce à La Réunion, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui ont été opposés et que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus de séjour sur sa situation personnelle.
7. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent du bénéfice de ces dispositions. Mme D...n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11 de ce code, le préfet de La Réunion n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
8. Enfin, au soutien de ses moyens relatifs à la légalité externe des différentes décisions que contient l'arrêté du 18 décembre 2015 du préfet de La Réunion, ainsi que des moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision fixant la durée de départ volontaire, Mme D...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
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N° 16BX02684