Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 janvier et le 20 février 2017, M. B..., représenté par Me Pather, demande à la cour :
1°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 décembre 2016 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2016 du préfet des Hautes-Pyrénées ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me Pather, avocat du requérant, de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- une question doit être posée à la Cour de justice de l'Union européenne portant sur la signification de l'expression " Etat membre d'origine " au sens de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 ;
- l'arrêté méconnaît le droit à l'information prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'il n'est pas justifié qu'il a reçu notification, dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer que cela soit le cas, de l'ensemble de ses droits même si un interprète a signé le courrier du 5 août 2016 ;
- il n'a pas reçu des autorités françaises les informations prévues au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ni celles prévues au paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne pouvait faire l'objet d'une mesure de transfert aux autorités tchèques dès lors que les conditions d'accueil dans ce pays ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, par jugement rendu le 29 novembre 2016, le tribunal a annulé l'arrêté portant remise aux autorités tchèques de son épouse et la demande d'asile de cette dernière est désormais traitée en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2017, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2017 à 12h00 .
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité arménienne, est entré en France le 4 juillet 2016 accompagné de sa femme et des deux enfants du couple. Le requérant et son épouse ont sollicité l'asile le 5 août 2016. Un relevé de ses empreintes digitales a été effectué conformément au règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les recherches entreprises dans le fichier Eurodac à partir de ce relevé ont révélé que ses empreintes avaient déjà été saisies par les services consulaires tchèques en Arménie et qu'un visa avait été délivré au requérant par ces autorités le 8 juin 2016 valable du 16 juin 2016 au 11 juillet 2016. Le 25 août 2016, les autorités tchèques ont accueilli la demande de prise en charge de M. B...en application de l'article 18-1 du règlement (UE) n° 604/2013. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Hautes-Pyrénées a pris le 4 novembre 2016 un arrêté portant transfert de M. B...aux autorités tchèques, responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. B...a contesté la légalité de cet arrêté devant le tribunal administratif de Pau et relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président de ce tribunal administratif a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
2. En premier lieu, M. B...soutient que l'arrêté méconnaît le droit à l'information prévue à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 faute de preuve de la présence d'un interprète.
3. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement penser qu'il le comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) ".
4. L'entretien individuel qui s'est tenu le 5 août 2016 avec un agent de la préfecture a fait l'objet d'un compte rendu signé le jour même par le requérant et l'interprète. M. B...qui a signé la retranscription écrite de l'entretien n'établit pas que cette retranscription ne serait pas conforme aux propos échangés lors de l'entretien individuel en présence de cet interprète. Ainsi M. B...n'a pas été privé de la garantie procédurale consistant en un accès, en langue arménienne, y compris avec le concours d'un interprète, aux informations qui devaient être portées à sa connaissance en application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013.
5. En deuxième lieu, M. B...soutient que l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 et celles de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi que les brochures qui lui ont été remises comportaient toutes les informations prévues par ce texte. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la préfecture met à la disposition des demandeurs d'asile le guide du demandeur d'asile. En outre, dès que la préfecture a été informée que M. B...était susceptible d'entrer dans le champ d'application de la procédure de réadmission en République tchèque, il lui a été remis une brochure d'information concernant la procédure Dublin du règlement (UE) n° 604/2013, rédigée en langue arménienne. M. B...a reconnu avoir reçu ces brochures en signant un document attestant de la remise de ces documents comportant l'ensemble des informations requises et il ne justifie pas que les exemplaires des brochures dont il a pu disposer auraient été incomplets.
6. En outre, sans qu'il soit nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, il résulte clairement de la définition mentionnée au b) de l'article 3 du règlement (UE) n° 603/2013 que l' " Etat membre d'origine " s'entend de l'Etat qui, au cas d'espèce, a saisi les empreintes digitales de M. B...lors de sa demande d'asile en France, et non de la République tchèque. Aucune disposition française ou européenne n'exige que les autorités françaises vérifient que les autorités responsables de l'examen de la demande d'asile ont respecté ces dispositions en délivrant elles-mêmes les informations prévues par l'article 29 du même règlement.
7. En troisième lieu, la République tchèque est un Etat membre de l'Union européenne et une partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les documents d'ordre général produits par M B... consistant en des articles de presse et un rapport de l'association Amnesty International relatant les conditions difficiles de 700 réfugiés venant de Syrie et d'Irak, ne peuvent suffire à établir l'existence dans cet Etat de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile impliquant pour ces derniers un risque sérieux d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.
8. En quatrième lieu, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre. Cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Toutefois, si le paragraphe 2 de cet article 17 prévoit qu'un Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères fixés par le règlement, " rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées notamment sur des motifs familiaux ou culturels ", la présence sur le territoire d'un Etat de l'Union des membres de la famille du demandeur n'est pas un critère prioritaire pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
9. En l'espèce, le requérant ne peut utilement faire valoir que le préfet aurait méconnu l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 ou l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en se prévalant de ce que l'arrêté portant remise aux autorités tchèques concernant son épouse a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Pau du 29 novembre 2016 postérieur à la décision en litige et, au demeurant, seulement pour un motif de procédure tiré du défaut d'interprétariat ne faisant nullement obstacle à ce que le préfet prenne une nouvelle décision de remise de Mme B...-C... aux autorités tchèques.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa demande tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle doit être rejetée.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressé au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 avril 2017.
Le rapporteur,
Florence MadelaigueLe président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Florence Deligey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00084