Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2016, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe daté du 16 juin 2016 ;
2°) d'annuler le titre de recettes susmentionné et de le décharger de l'obligation de payer la somme en litige ;
3°) de mettre à la charge du département de la Guadeloupe la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.
Il soutient que :
- la créance est mal fondée dès lors qu'il a payé l'ensemble de ses dettes au département ;
- le délai de prescription de la prétendue créance était expiré au moins depuis 2003 ou au mieux depuis juin 2013 ; il n'a jamais été destinataire du titre de recette du 7 mai 2013 ; ce titre n'a d'ailleurs jamais été émis ; la collectivité se contente de produire un tableau qui serait le bordereau des titres de recette émis à son encontre alors que cette pièce a été fabriquée pour les besoins de la cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2017, le département de la Guadeloupe, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. D...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les pièces versées au débat sont de nature à justifier la créance tant dans son principe que dans son montant ; M. D...n'établit pas avoir soldé sa dette ; il déclare d'ailleurs ne pas être en mesure d'apporter la preuve de son remboursement ;
- aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, le titre de recettes peut être adressé par lettre simple au redevable ; et aux termes du 4° du même article, seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ; un courrier du 13 mai 2013 a été adressé à M. D...l'avisant du titre émis à son encontre, puis un avis des sommes à payer lui a été notifié par lettre simple ; ces courriers ont été adressés à la dernière adresse communiquée par le requérant ; ces actes ont donc été régulièrement notifiés ; le titre de recettes du 7 mai 2013 a ainsi interrompu le délai de prescription ;
- en tout état de cause, le juge judiciaire est seul compétent pour se prononcer sur la régularité formelle d'une opposition à tiers détenteur et sur les conditions de sa notification.
Par ordonnance du 27 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'organisation judiciaire ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Philippe Pouzoulet,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant à l'annulation du titre de créance émis le 7 mai 2013 pour avoir paiement d'une somme de 11 854,41 euros au titre du remboursement d'un prêt qui lui a été accordé pour financer ses études supérieures poursuivies de 1989 à 1993 et ayant donné lieu à deux mises en demeure de payer le 6 février 2014 et le 4 décembre 2014. M. D...relève appel du jugement du 16 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. D'une part, le " contrat de prêt d'études " conclu par l'intéressé avec le président du conseil général de la Guadeloupe stipulait, notamment, dans son article 1er, que le prêt était consenti " aux clauses et conditions déterminées par le règlement départemental d'aide aux étudiants " et que l'emprunteur s'engageait " à se conformer aux prescriptions réglementaires pouvant résulter de décisions du président du conseil général postérieurement à la signature du présent acte ". L'existence d'une telle clause confère au contrat en cause le caractère d'un contrat administratif. Dès lors, la créance dont le comptable poursuivait le recouvrement à l'encontre de M. D...est, elle-même, de nature administrative.
3. D'autre part, si en vertu de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire la contestation de la régularité en la forme d'un acte de poursuite tel qu'un commandement de payer une créance de nature administrative relève de la compétence du juge de l'exécution, et par voie de conséquence de celle de la juridiction de l'ordre judiciaire, il résulte de l'instruction que M. D...demande l'annulation du titre de recettes mentionné dans les notifications de mises en demeure de payer des 6 février et 4 décembre 2014 et sa contestation porte sur l'existence de la créance, son montant et son exigibilité. Par suite, la demande présentée par M. D...relève de la compétence de la juridiction administrative.
Sur la prescription de la créance :
4. Aux termes de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. ". Aux termes de l'article 2224 du même code dans sa rédaction postérieure à la loi du 17 juin 2008 : " les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Et aux termes de l'article 2222 du même code dans sa rédaction postérieure à la loi du 17 juin 2008 : " En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. ". Il résulte de ces dernières dispositions que, lorsqu'une loi nouvelle modifiant le délai de prescription d'un droit, abrège ce délai, le délai nouveau est immédiatement applicable et commence à courir à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Par ailleurs, le délai ancien, s'il a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne demeure applicable que dans l'hypothèse où sa date d'expiration surviendrait antérieurement à la date d'expiration du délai nouveau.
5. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription quinquennale instituée par les dispositions de l'article 2224 du code civil sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du même code. Il en résulte qu'un titre exécutoire émis par l'administration en vue de recouvrer une somme au titre du remboursement d'un prêt d'études interrompt la prescription à la date de sa notification et que la preuve de celle-ci incombe à l'administration.
6. Le délai de prescription de la dette de M. D...envers le département de la Guadeloupe a commencé à courir à la date à laquelle sa dette est devenue exigible, conformément à la convention de prêt passée entre les parties, soit dix ans après la fin de ses études intervenues en 1993. Ainsi, le délai de la prescription, alors trentenaire, de l'action du département tendant au remboursement du prêt d'honneur en litige a commencé à courir dans le courant de l'année 2003 et il n'était pas parvenu à son terme lorsque la loi du 17 juin 2008 instaurant un nouveau délai de prescription de 5 ans est entrée en vigueur le 19 juin 2008. Le nouveau délai de prescription de 5 ans a commencé à courir le 19 juin 2008. Si le département de la Guadeloupe soutient qu'un courrier du 13 mai 2013 intitulé " état liquidatif " a été adressé à M. D...l'avisant du titre émis à son encontre, puis qu'un avis des sommes à payer lui a été notifié par lettre simple, il résulte de l'instruction que ni la production du courrier du 13 mai 2013 ni la circonstance qu'un titre de recettes puisse être transmis par courrier simple à un redevable en application de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, n'établissent que le titre de recettes en date du 7 mai 2013 a été régulièrement notifié à M. D...antérieurement au 19 juin 2013, avant l'expiration du délai de prescription quinquennale. Par suite, les mises en demeure de payer des 6 février et 4 décembre 2014 doivent être annulées.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens :
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de la Guadeloupe demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département de la Guadeloupe à verser à M. D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1401094, 1500014 du 16 juin 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 2 : M. D...est déchargé de l'obligation de payer la somme de 11 854,41 euros.
Article 3 : Le département de la Guadeloupe versera à M. D...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au département de la Guadeloupe.
Copie en sera adressée au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
Le premier conseiller,
Sylvande Perdu
Le président-rapporteur,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02042