Par une requête enregistrée le 25 juillet 2014, le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente, représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 mai 2014 ;
2°) de rejeter l'opposition formée par la SA ERDF à l'encontre du titre exécutoire n° 1488 émis par le syndicat le 2 novembre 2011 ;
3°) de mettre à la charge de la SA ERDF la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
-le code général des collectivités territoriales ;
-la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente , et de MeA..., représentant la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) .
Considérant ce qui suit :
1. La société Electricité de France, aux droits de laquelle est venue la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), et le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente ont conclu, le 26 mai 1993, un contrat de concession pour le service public de distribution d'énergie électrique. Aux termes de ce contrat, la société ERDF, concessionnaire, est tenue de verser à l'autorité concédante une redevance en contrepartie des dépenses supportées par l'autorité concédante au bénéfice du service public concédé. Cette redevance comporte deux parts distinctes correspondant, d'une part, à la redevance de fonctionnement (R1) et, d'autre part, à la redevance d'investissements (R2). La SA ERDF ayant déduit de la part R2 du montant de la redevance mandaté par le syndicat, des travaux et des dépenses qu'elle considérait soit inéligibles soit non justifiés par l'autorité concédante, le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente a émis le 2 novembre 2011 à l'encontre de la société ERDF un titre exécutoire n° 1488 d'un montant de 1 068 788,40 euros correspondant au solde qu'il estime lui être dû. Le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente relève appel du jugement n° 1102925 du 28 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce titre exécutoire.
Sur le bien-fondé du titre exécutoire :
2. Aux termes de l'article 4 du cahier des charges de la convention de concession signée en février 1993, auquel renvoie son article 1er : " a) En contrepartie des financements que l'autorité concédante supporte au titre d'installations dont elle est maître d'ouvrage et intégrées dans la concession, ou de la propre participation de cette autorité à des travaux dont le concessionnaire est maître d'ouvrage, ou de toute dépense effectuée par l'autorité concédante pour le service public faisant l'objet de la présente concession, le concessionnaire versera à l'autorité concédante une redevance déterminée comme indiqué dans l'annexe 1 au présent cahier des charges (...) . L'article 2 de l'annexe 1 au cahier des charges stipule que : " 21. Contrepartie de dépenses supportées par l'autorité concédante au bénéfice du service public faisant l'objet de la (...) concession, la redevance annuelle de concession visée à l'alinéa a) de l'article 4 du cahier des charges a pour objet de faire financer par le prix du service rendu aux usagers (...) : - d'une part, des frais entraînés, pour l'autorité concédante, par l 'exercice du pouvoir concédant, - d'autre part, une partie des dépenses effectuées par celle-ci sur les réseaux électriques(...) ". Cette redevance comprend une part dite de fonctionnement (R1) et une part dite d'investissement (R2). L'article 23 de l'annexe 1 au cahier des charges relatif à la part de la redevance dite d'investissement (R2) prévoit que la part R2 de la redevance annuelle est déterminée par la formule suivante : " (A + 0,74 B + 0,30 E - 0,5 T) x (1 + PC/ PD) x (0,005 D + 0,125) ". Pour l'application de cette formule, dont seuls les éléments B et E sont en litige, le terme B est défini comme le " montant total hors TVA en francs, mandaté au cours de l'année pénultième par les collectivités exerçant la maîtrise d'ouvrage, des travaux sur le réseau concédé financés en dehors des programmes aidés par le FACE ou de tout programme de péréquation répondant à la définition susvisée " et le terme E comme le " montant total hors TVA en francs des travaux d'investissement sur les installations d'éclairage public, mandaté par les collectivités exerçant la maîtrise d'ouvrage de ces travaux l'année pénultième. Ce montant est déterminé par un état dressé par l'autorité concédante explicitant la situation, la nature et le montant des travaux réalisés ".
En ce qui concerne le terme B :
3. En premier lieu, le 3ème alinéa du II de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, dans sa rédaction alors applicable, dispose : " Les tarifs d'utilisation des réseaux couvrent notamment une partie des coûts de raccordement à ces réseaux et une partie des coûts des prestations annexes réalisées sous le monopole des gestionnaires de ces réseaux. Par ailleurs, la part des coûts de branchement et d'extension de ces réseaux non couverts par les tarifs d'utilisation des réseaux publics peut faire l'objet d'une contribution. (...) ". En vertu de l'article 18 de cette loi : " Lorsque l'extension de ces réseaux est destinée à satisfaire les besoins d'une opération de construction ou d'aménagement autorisée en application du code de l'urbanisme, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour la perception des participations d'urbanisme est débiteur de la part relative à l'extension de la contribution mentionné au troisième alinéa du II de l'article 4 (...) / Toutefois : / a) Lorsque la part relative à l'extension de la contribution est due, en application de l'article L.332-8 du code de l'urbanisme, au titre de la réalisation d'un équipement public exceptionnel, elle est versée au maître d'ouvrage des travaux par le bénéficiaire de l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol ; / b) Lorsque la part relative à l'extension de la contribution est due au titre de l'aménagement d'une zone d'aménagement concerté, la part correspondant aux équipements nécessaires à la zone est versée au maître d'ouvrage des travaux par l'aménageur ; / c) Lorsque le propriétaire acquitte la participation pour voirie et réseaux en application de la dernière phrase du troisième alinéa de l'article L.332-11-1 du code de l'urbanisme directement à l'établissement public de coopération intercommunale ou au syndicat mixte compétent, celui-ci est débiteur de la part relative à l'extension de la contribution, dans les conditions de délais prévues au quatrième alinéa du présent article. / Lorsque l'extension de ces réseaux est destinée au raccordement d'un consommateur d'électricité en dehors d'une opération de construction ou d'aménagement autorisée en application du code de l'urbanisme, ou lorsque cette extension est destinée au raccordement d'un producteur d'électricité, le demandeur du raccordement est le débiteur de la part relative à l'extension de cette contribution (...) ".
4. Il résulte des stipulations claires du cahier des charges de la convention de concession précitées au point 2, dont il n'y a pas lieu de s'écarter, que le montant de la redevance mise à la charge du concessionnaire ne saurait être supérieur à celui des sommes effectivement " supportées " par le concédant au sens de l'article 4 du cahier des charges, c'est-à-dire des sommes définitivement restées à sa charge. Ainsi, le terme B de la redevance de concession doit nécessairement être calculé en retranchant du montant des sommes mandatées par le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente, le montant des contributions que celui-ci a récupérées auprès des particuliers mais également des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour la perception des participations d'urbanisme en application de l'article 4 de la loi du 10 février 2000. Les conclusions de la commission permanente de conciliation FNCCR/EDF, dont se prévaut le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente pour contester la possibilité de défalquer les contributions mises à la charge des bénéficiaires d'autorisations de raccordement, sont dépourvues de caractère impératif et ne contraignent pas les deux parties : elles ne sauraient prévaloir sur les stipulations claires du cahier des charges de la convention.
5. Si le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente conteste la possibilité de faire application des dispositions législatives postérieures au contrat de concession, les termes de l'article 4 précité du cahier des charges, en se référant, ainsi qu'il a été dit au point précédent, aux dépenses que " supporte " la collectivité concédante, impliquent nécessairement qu'ils visent les dépenses restant à la charge effective de cette dernière. Dans ces conditions, les stipulations contractuelles ne font pas obstacle à ce que la détermination des dépenses qu'elle supporte tienne compte de la possibilité ouverte ultérieurement par la loi du 10 février 2000 que le syndicat puisse bénéficier, en atténuation desdites charges, de la contribution des collectivités délivrant des autorisations d'urbanisme. Pour le même motif, le syndicat n'est pas fondé à soutenir que cette déduction aurait pour effet de bouleverser l'équilibre économique de la concession.
6. Le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente soutient encore que les premiers juges ont estimé, en méconnaissance de l'article L. 342-11 du code de l'énergie, que la contribution des collectivités en charge de l'urbanisme entrait dans son intégralité " dans le calcul du prix du service aux usagers " alors que seule la part correspondant aux ouvrages de branchement, à l'exclusion de celle due au titre des travaux d'extension, est en réalité incluse dans ce prix. Toutefois, il ressort des termes même du jugement attaqué que les premiers juges ont seulement estimé que la prise en compte dans l'assiette de la redevance des dépenses au titre desquelles la contribution prévue par l'article 4 de la loi du 2 février 2000 a été versée à l'autorité concédante, aurait pour effet de constituer un double financement par le biais soit des collectivités ou des particuliers soit du concessionnaire au moyen de la part R2 de la redevance. Le moyen manque en fait.
7. Il est constant que le montant des contributions dont le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente a bénéficié de la part de tiers et des communes et collectivités délivrant des autorisations d'urbanisme n'a pas été défalqué du montant mandaté par les collectivités exerçant la maîtrise d'ouvrage de ces travaux l'année pénultième. Le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente a refusé de communiquer à ERDF ce montant. Ainsi, cette dernière est fondée à soutenir que le calcul du terme B figurant dans le titre exécutoire en litige est erroné.
8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente a inclus dans l'assiette du terme B de la redevance des frais de géomètre pour un montant de 19 089,15 euros dont ERDF ne conteste pas qu'ils présentent le caractère de dépenses qu'elle doit effectivement supporter mais dont elle soutient qu'il n'est pas justifié qu'ils n'auraient pas d'ores et déjà été pris en compte dans le montant des travaux mandaté par les collectivités. Si le syndicat, auquel incombe la preuve du bien-fondé de sa créance, soutient qu'il a fourni les pièces justificatives des frais en litige, les pièces produites devant le tribunal comme devant la cour ne permettent pas de vérifier que le montant de sa créance ne les englobe pas deux fois. Par suite, le syndicat, en s'abstenant de produire des éléments de justification de nature à contredire utilement l'argumentation de la société ERDF, n'établit pas le montant de sa créance relative aux frais de géomètre.
En ce qui concerne le terme E :
9. Il résulte de l'instruction que par divers courriers, la société ERDF a fait parvenir au syndicat une liste précise de travaux n'ayant pas selon elle, en tout ou partie, le caractère de dépenses d'investissement sur les installations d'éclairage public répondant à la définition susvisée du E de la formule de la redevance, à savoir des dépenses identifiées comme portant sur des lotissements, des illuminations de mairies et d'églises ou sur l'installation de feux de circulation, d'illuminations temporaires à usage d'ornementation ou de mise en valeur du patrimoine sans participation à l'éclairage des voies publiques La société demandait également au syndicat de lui fournir des précisions sur les lieux géographiques de certains travaux. En réponse à ces courriers, le syndicat a admis qu'il y avait lieu d'exclure une opération et a fourni quelques informations complémentaires sur la situation géographique de certaines installations. Toutefois, les autres dépenses ont fait l'objet d'une mention trop sommaire pour que le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente puisse être regardé comme ayant explicité non seulement la situation et le montant des travaux réalisés mais également leur nature comme le lui imposaient les stipulations contractuelles précitées. Par suite, le syndicat, qui ne peut utilement faire valoir que les premiers juges ont fait peser sur lui une obligation qui ne ressort pas du contrat de concession et que ces derniers ont méconnu la portée de leur office en réputant établies des allégations de la société ERDF sans ordonner la production de pièces complémentaires, n'est pas fondé à faire valoir que le terme E ne devait pas être rectifié en retranchant du montant des dépenses celles dont il ne justifie pas qu'elles sont afférentes à des installations d'éclairage public.
10. Enfin, le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente ne saurait utilement faire valoir qu' ERDF a entendu en réalité imposer l'application du taux de réfaction retenu dans le protocole sur la part couverte par le tarif (PCT) pour calculer la part R2 de la redevance, dès lors que les réfactions opérées par ERDF sont exactement et suffisamment fondées sur la base des stipulations contractuelles en litige.
11. Il résulte de ce qui précède que le syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé le titre exécutoire émis le 2 novembre 2011 pour avoir paiement de la somme de 1 068 788,40 euros.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le syndicat départemental d'électricité et du gaz de la Charente au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros à verser à ERDF en application de ces dispositions.
DECIDE
Article 1er : La requête du syndicat départemental d'électricité et du gaz de la Charente est rejetée.
Article 2 : Le syndicat départemental d'électricité et du gaz de la Charente versera à la société ERDF la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2
N°14BX02277