Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2016, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 septembre 2016 ;
2) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 21 décembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive de la directive 2005/85 du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant turc, né le 1er novembre 1980 à Varto, est entré pour la dernière fois en France selon ses déclarations le 27 mars 2012 de manière irrégulière. Il a sollicité le 30 avril 2012, son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée, le 20 septembre 2013, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 février 2014. Par un arrêté en date du 21 décembre 2015, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé. M. A...relève appel du jugement du 20 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour au titre de l'asile :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment ses articles L. 742-7, le 1° et 3° du I de l'article L 511-1 et les articles L. 513-1 à L. 513-4. Par ailleurs, le préfet mentionne que M. A...est entré irrégulièrement en France pour la dernière fois le 27 mars 2012, selon ses affirmations, et qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 10 avril 2012. Il précise ensuite qu'en raison du rejet de sa demande d'asile par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 novembre 2013, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 20 février 2014, M. A...ne peut obtenir un titre de séjour en application des articles L. 313-13 et du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté relève qu'il est célibataire et sans enfant à charge et qu'il ne justifie pas être dépourvu ni de liens personnels ni d'attaches familiales en Turquie. Le préfet en a conclu qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie personnelle et familiale de l'intéressé tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, le préfet a également précisé dans sa décision que M. A...n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements personnels, réels et actuels, contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, l'arrêté attaqué comporte également l'énoncé des dispositions applicables et des considérations de fait qui constituent le fondement du refus de séjour. Par suite, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'intégralité des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'un défaut de motivation manque en fait.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.A....
4. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de la Haute Garonne, après avoir procédé à l'examen de la situation administrative et personnelle de M. A...au vu des éléments que celui-ci avait fournis à l'appui de sa demande, a tiré les conséquences du rejet de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile en relevant que l'intéressé ne relevait ni des dispositions de l'article L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , ni de celles de l'article L. 313-13 de ce même code. La décision attaquée précise également que " l'intéressé (...) ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire national à un autre titre compte tenu des éléments qui précèdent. ". Ce faisant, le préfet a également vérifié que M. A...était susceptible d'être autorisé à demeurer sur le territoire français à un titre autre que celui de demandeur d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que ledit préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit, en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation, doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. Il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour opposé à M. A...n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
6. La motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.
7. Lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement du 1 de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme prenant une décision qui se trouve dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration. Parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.
8. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A cette occasion, il est appelé à préciser les motifs qui, selon lui, sont susceptibles de justifier que lui soit accordé un droit au séjour en France et qui feraient donc obstacle à ce qu'il soit tenu de quitter le territoire français, ainsi qu'à fournir tous les éléments venant à l'appui de sa demande. Il en va notamment ainsi lorsqu'un étranger est informé que sa demande d'asile a été rejetée, ce qui implique, comme le mentionne au demeurant le guide du demandeur d'asile habituellement remis aux intéressés, qu'il est susceptible de faire l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement.
9. M.A..., dont il est constant qu'il a sollicité un titre de séjour en qualité de réfugié, soutient qu'il n'a pas pu faire valoir auprès de l'administration des " éléments personnels de nature à influer sur le contenu de la décision, notamment relatifs aux risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ". Toutefois, si l'intéressé se prévaut d'éléments nouveaux sur les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas porté ces éléments à la connaissance du préfet après la décision de la Cour nationale du droit d'asile. En outre, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces éléments auraient conduit le préfet à prendre une décision différente comme il est précisé au point 12 ci-dessous.
10. En vertu des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, adoptées pour assurer la transposition en droit français des objectifs fixés par l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et doit se voir remettre un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile. Cette information doit être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend. Si le défaut de remise de ce document d'information au début de la procédure d'examen des demandes d'asile est de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de vingt-et-un jours prévu par l'article R. 723 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, il ne peut en revanche être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur le séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre. Ainsi, le moyen tiré par M. A...de ce qu'il n'aurait pas bénéficié de la garantie de l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant .
11. Si M. A...soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les dispositions du paragraphe 12 de la directive 2008/115/CE du 15 décembre 2008 susvisé, les dispositions de cette dernière ont été transposées par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Par suite, il ne saurait se prévaloir directement des dispositions de cette directive.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon l'article 3 de cette
convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "
13. M.A..., dont la demande d'asile a été définitivement rejetée le 20 février 2014 par la Cour nationale du droit d'asile, soutient que la situation a évolué depuis cette décision. Il fait valoir qu'il a participé à des manifestations pro kurdes et qu'il a été interrogé à plusieurs reprises dans une procédure judiciaire turque concernant son frère, qui a obtenu en France le statut de réfugié en 2013. Il ajoute que le district de Varto dont il est originaire a été soumis à un couvre feu à partir du 16 août 2015. Si le requérant produit des rapports d'ordre général sur la situation en Turquie, il n'établit pas par des justificatifs concernant sa propre situation qu'à la date de la décision en litige, il était exposé, de façon directe et personnelle, à un risque sérieux pour sa vie, sa sécurité ou sa liberté. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de
l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le surplus des conclusions :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des arrêtés attaqués, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...ne sauraient être accueillies.
15. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, il ne peut être fait droit aux conclusions du requérant tendant au versement à son avocat d'une somme sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
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N° 16BX04216