Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2015, M. A... D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 décembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour et de travail ou, subsidiairement, de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat deux indemnités de 1 920 euros et 2 200 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florence Madelaigue a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant de nationalité congolaise, relève appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 décembre 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2014 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays vers lequel il serait éloigné à défaut de se conformer à cette obligation. Le litige n'est pas dépourvu d'objet du fait que, à la suite d'une nouvelle demande d'admission au séjour au titre de la santé en janvier 2015 et d'une nouvelle consultation du médecin de l'agence régionale de santé du Limousin, le préfet a délivré au requérant un titre de séjour valable seulement six mois.
Sur la régularité du jugement :
2. En indiquant que le préfet de la Haute-Vienne avait produit l'avis du 6 février 2014 du DrC..., médecin de l'agence régionale de santé du Limousin, recueilli préalablement à la décision attaquée, et qu'il justifie ainsi avoir recueilli l'avis requis par les dispositions applicables, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer sur le moyen tiré du défaut d'avis régulier et complet du médecin de l'agence régionale de santé, même s'il ne s'est pas prononcé sur l'argument tiré du caractère ancien de cet avis qui n'était d'ailleurs pas expressément formulé dans la demande introductive d'instance. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l' absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement ". Enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale / - la durée prévisible du traitement / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;
4. Si le préfet de la Haute-Vienne a rappelé, dans la décision attaquée, que le médecin de l'agence régionale de santé a considéré que l'état de santé de M. D...nécessitait un traitement médical dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des termes de cette décision qu'il se soit estimé lié par l'avis émis par cette autorité médicale.
5. De plus, la saisine du directeur général de l'agence régionale de santé territorialement compétent est subordonnée, en application de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé, au fait que le demandeur fasse valoir des circonstances humanitaires exceptionnelles auprès de l'administration. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...aurait, au moment du dépôt de sa demande de titre de séjour ou au cours de l'instruction de celle-ci, présenté de tels éléments auprès du préfet de la Haute-Vienne. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'un vice de procédure en ne saisissant pas le directeur général de l'agence régionale de santé Limousin de la demande du requérant. Le refus de séjour n'a donc pas méconnu l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Ensuite, le refus de séjour en litige, pris au vu d'un avis émis le 6 février 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé du Limousin, expose que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale. M. D...soutient que cet avis émis six mois avant l'édiction de l'arrêté contesté est ancien et qu'il serait contredit par les certificats médicaux qu'il produit. Toutefois, les certificats médicaux présentés par le requérant, d'ailleurs établis postérieurement à la décision attaquée, sont peu circonstanciés et se bornent à indiquer que celui-ci suit un traitement pour des troubles anxieux et que le retour sur le lieu des évènements traumatiques est susceptible d'avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour son état de santé. Ainsi, ces documents qui ne font au surplus état d'aucune circonstance nouvelle déterminante dont le médecin de l'agence n'aurait pas pu avoir connaissance, ne permettent pas de remettre en cause la teneur de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, même établi six mois avant la décision attaquée.
7. Enfin, M. D...soutient que sa pathologie est en lien avec des événements qu'il aurait vécus dans son pays d'origine et que, par conséquent, ce lien ne permettait pas d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays. Mais les certificats médicaux faisant état de troubles psychiatriques ne sont étayés d'aucun élément relatif aux circonstances dans lesquelles ces faits se seraient produits et ne permettent pas de confirmer les affirmations de l'intéressé. La pathologie dont souffre M. D...ne peut donc être regardée comme en lien direct avec des événements traumatiques vécus dans son pays d'origine et les certificats médicaux qu'il a produits ne permettent pas de contester sérieusement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé. Par suite, le refus de séjour contesté ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit: (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans Les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de L'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article R. 313-21 de ce même code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu' il a conservés dans son pays d'origine. " ;
9. M. D...fait valoir qu'il vit en France depuis 2013 aux côtés d'une ressortissante angolaise avec laquelle il a eu une fille née le 5 septembre 2014. Toutefois, l'ancienneté et la réalité de la communauté de vie du requérant avec sa compagne n'est pas établie par les pièces du dossier. Au surplus, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette personne, qui a été titulaire d'un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 29 septembre 2014, aurait vocation à résider durablement en France. M. D...n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans et où résident deux autres de ses enfants. Dans ces conditions, le préfet a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ni, en tout état de cause, les principes posés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantissant un droit à la vie privée et familiale.
10. Si, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ", le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant dès lors que l'enfant du requérant n'était pas encore né à la date de l'arrêté attaqué.
11. En dernier lieu, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. M. D...n'établissant pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, le préfet de la Haute-Vienne n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :
12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 à 10 ci-dessus, en prenant à l'encontre du requérant la décision l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'intérêt supérieur de son enfant et n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.D....
14. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".
15. Les certificats médicaux produits par M. D...qui se bornent à indiquer que l'intéressé bénéficie d'un suivi psychiatrique et d'un traitement médical régulier dont l'interruption serait néfaste à son état psychique, ne sont pas de nature, à eux seuls, à établir ni que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des événements traumatisants qu'il allègue et il ne saurait, dès lors, sérieusement soutenir qu'il serait impossible de traiter effectivement sa maladie psychiatrique dans son pays d'origine. Le préfet n'a donc pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
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N° 15BX01407