Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 février 2015 et des mémoires enregistrés le 29 janvier 2016 et le 8 février 2016, M. et MmeA..., représentés par MeE..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de surseoir à statuer sur leur demande d'indemnisation dans l'attente de l'issue de la procédure judiciaire engagée par les acquéreurs des parcelles en litige qu'ils vont devoir garantir ;
3°) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 300 000 euros, montant de leur préjudice actuel, à parfaire en cours d'instance, lorsque la juridiction judiciaire aura fixé le montant de la garantie ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M. et MmeA.réservés
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 décembre 2014 qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 300 000 euros, à parfaire au vu des résultats d'une procédure judiciaire en cours, en réparation du préjudice résultant selon eux des fautes commises par l'administration au cours des opérations de remembrement rural qui se sont déroulées en 1998 sur le territoire de la commune de Saint Sauveur de Puynormand (Gironde).
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Par décision du 21 avril 1998, la commission communale d'aménagement foncier (CDAF) de Saint Sauveur de Puynormand (Gironde) a attribué à Mme A...la parcelle cadastrée ZD n°108 comprenant la partie sud des parcelles anciennement cadastrées AB n° 543, n° 544 et n° 542 et à M. D...la parcelle cadastrée ZD n°107 comprenant la partie nord des parcelles AB n° 543, n° 544 et n° 541. MmeA..., devenue ainsi propriétaire d'une parcelle constructible en bord de route, l'a divisée en deux lots distincts en mars 2001 qu'elle a revendus aux époux F...le 14 mai 2001 et aux époux C...le 9 janvier 2002. Les acquéreurs ont, chacun en ce qui les concerne, édifié une maison d'habitation. Les deux maisons se sont trouvées implantées partiellement sur les limites de l'ancienne parcelle cadastrée AB n° 543 de M.D.réservés
3. A la demande de M.D..., le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement du 12 avril 2001, annulé la décision du 21 avril 1998, puis, par un jugement du 16 octobre 2003, la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 12 avril 2002 prononçant la réattribution partielle de la parcelle AB n° 543 qui avait le caractère d'un terrain à bâtir. Par une décision du 16 juin 2004, la commission départementale a finalement procédé à la réattribution totale de leurs parcelles d'apport à M. D...et à MmeA.réservés
4. Par jugement du 20 mars 2008, le tribunal de grande instance de Libourne a ordonné la démolition des maisons F...et C...empiétant sur la parcelle AB n° 543 réattribuée à M. D...et condamné Mme A...à indemniser M. et Mme F...ainsi que M. et Mme C...de l'éviction d'une partie des terrains acquis de cette dernière et de leurs maisons. La cour d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 11 mai 2012 devenu irrévocable, a confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Libourne du 20 mars 2008.
5. En dépit du fait que Mme A...a cédé le terrain dont elle était devenue propriétaire, l'illégalité entachant la décision du 21 avril 1998 est ainsi la cause directe du préjudice subi par la requérante contrainte de garantir les époux F...et C...des conséquences dommageables de leur éviction des terrains qu'elle leur avait cédés et qui ont été partiellement réattribués à M. D...compte tenu du fait que la parcelle était un terrain à bâtir.
6. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il ne peut être reproché à Mme A... d'avoir pris un risque spéculatif ou commis une imprudence en ayant cédé en deux parcelles le terrain à bâtir dont elle s'était retrouvée attributaire et dont elle s'était ainsi légitimement estimée en droit de disposer dès la fin des opérations de remembrement. Aussi bien, les premiers juges ont eux-mêmes relevé que les notaires chargés de la vente de chacun des lots, qui n'ont pas pu informer Mme A...du jugement affectant son droit de propriété, ont été mis hors de cause. Il ne pouvait pas non plus être reproché à la requérante d'avoir vendu l'un des deux lots à bâtir un mois après le jugement du tribunal ayant annulé la décision du 21 avril 1998 alors que le tribunal ne l'avait pas appelée à l'instance comme il aurait dû le faire.
7. Par suite, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande d'indemnisation au motif que les fautes imputables à Mme A...étaient de nature à exonérer l'Etat de toute obligation de réparation en raison de l'illégalité commise par la commission départementale d'aménagement foncier.
Sur la réparation :
8. Le juge judiciaire a ordonné une expertise, en cours à la date du présent arrêt, ayant pour objet d'évaluer les coûts résultant de l'exécution du jugement susmentionné et par voie de conséquence, la condamnation susceptible d'être prononcée à l'encontre de Mme A...au titre de la garantie des époux F...etC.réservés
9. En l'état de l'instruction et de la procédure en cours devant le juge judiciaire, la cour ne dispose pas des éléments permettant d'évaluer le montant du préjudice des époux A...découlant directement de la décision illégale du 21 avril 1998. Dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer sur la demande des requérants jusqu'à ce que le juge judiciaire se prononce sur le montant de l'indemnisation due par Mme A...aux époux C...et aux épouxF.réservés
Sur les conclusions de M. et Mme A...tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1301595 du 9 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : Il est, avant dire droit sur le surplus des conclusions de la requête des épouxA..., sursis à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se prononce sur le montant de l'indemnisation due par Mme A...aux époux C...et aux épouxF.réservés
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties autres que ceux sur lesquels il est expressément statué par le présent arrêt demeurent.réservés
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N° 15BX00478