Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2016, Mme A...D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 août 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 8 mars 2016 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyon de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement ne vise pas son mémoire complémentaire produit le 17 mai 2016 ;
- les premiers juges ont entaché leur jugement de plusieurs erreurs relatives à sa situation ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le défaut de motivation de cette décision révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ; le préfet a omis d'examiner sa situation au regard de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé tenu de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français au motif que la vie commune avec son époux avait été rompue ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle dès lors qu'elle a été expulsée du domicile conjugal, que sa belle-mère l'a traitée comme une esclave, qu'elle a déposé une main courante le 13 octobre 2014, que la rupture de sa vie conjugale s'est déroulée de manière dramatique ; le préfet a refusé de lui délivrer un récépissé constatant la demande de renouvellement de sa carte de séjour et a procédé au retrait de son passeport ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- cette décision est dépourvue de base légale ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est dépourvue de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2016, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 5 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 9 novembre 2016 à 12h00.
Mme A...D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 22 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...D..., ressortissante marocaine, est entrée en France le 20 juillet 2014 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour qui a été délivré en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français, et s'est présentée le 12 juin 2015 et le 27 juillet 2015 en préfecture pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour. Elle relève appel du jugement du 22 août 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 8 mars 2016 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de la lecture même du jugement du 22 août 2016 que le tribunal administratif a visé le mémoire complémentaire en date du 17 mai 2016 produit par Mme A...D.... Dès lors, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis de viser ledit mémoire manque en fait.
3. Si Mme A...D...relève que le jugement du tribunal administratif de Toulouse comporte trois inexactitudes qui concernent la date de son entrée en France la date et le lieu de son mariage, ces erreurs purement matérielles qui, d'ailleurs, n'affectent pas le bien-fondé du jugement, n'ont pas entaché ce dernier d'irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 mars 2016 :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
4. En premier lieu, l'arrêté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde. Par ailleurs, la décision portant refus de séjour mentionne les circonstances de fait propres à la situation de Mme A...D..., notamment sa date d'entrée en France, ainsi que son mariage avec un ressortissant de nationalité française et la rupture de leur vie commune. Elle relève par ailleurs qu'elle produit un contrat de travail à durée indéterminée, contracté avec une entreprise qui avait fermé le 8 juillet 2015 et qui n'a pas été visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Dans ces conditions, et alors même que ses motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressée, cette décision doit être regardée comme suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des éléments produits par Mme A...D...à l'appui de sa demande présentée le 12 juin 2015 et le 27 juillet 2015, que le préfet de l'Aveyron aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation. En outre, si Mme A...D...soutient que le préfet de l'Aveyron se serait estimé tenu de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en raison de la rupture de la vie commune avec son époux français, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet a examiné les divers éléments produits par l'intéressée à l'appui de ses demandes pour rejeter sa demande de titre de séjour. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Aveyron aurait commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". ".
7. Le préfet de l'Aveyron a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour présentée le 12 juin 2015 et le 27 juillet 2015 par Mme A...D...en qualité de conjointe de ressortissant français au motif que la communauté de vie avec son époux avait cessé selon les déclarations de l'intéressée elle-même. Si la requérante soutient qu'elle a subi des violences psychologiques de la part de sa belle-famille et qu'elle a été expulsée du domicile conjugal, ni la déclaration de main courante établie le 13 octobre 2014 auprès du commissaire de police de Fréjus ni les témoignages qu'elle produit à l'appui de ses allégations ne permettent d'établir la réalité des violences qu'elle aurait subies, ni au demeurant que ces violences auraient été exercées par son conjoint. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, Mme A...D...ayant présenté à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour un contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 avril 2015, le préfet a examiné si l'intéressée pouvait prétendre à un titre de séjour " salarié " sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain et des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail présentée par Mme A...D...n'était ni visé par les autorités compétentes ni accompagné d'une demande d'autorisation de travail présentée par son employeur et qu'il avait été signé par une entreprise de restauration " La Pierre Bleue " située à Millau qui a cessé son activité le 8 juillet 2015. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a refusé à tort de lui délivrer un titre de séjour " salarié ".
8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A...D...est entrée récemment en France le 20 juillet 2014 après avoir épousé un ressortissant français à Taza (Maroc) dont elle est désormais séparée et que le contrat de travail dont elle se prévaut n'était, ainsi qu'il a été dit précédemment, ni visé par les autorités compétentes ni accompagné d'une demande d'autorisation de travail présentée par son employeur, lequel, au demeurant, a cessé son activité le 8 juillet 2015. Enfin, si Mme A...D...se prévaut de la présence en France de sa cousine, elle n'est toutefois pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc où résident ses parents, son frère et ses trois soeurs. Par suite, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet de l'Aveyron n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A...D....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
10. En deuxième lieu, il résulte du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation de quitter le territoire prononcée à l'encontre d'un étranger à qui est opposé un refus de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de ce refus dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées.
11. En dernier lieu, il ne ressort ni de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet de l'Aveyron n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de la requérante pour prendre à son encontre l'obligation de quitter le territoire français attaquée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Il résulte de ce qui précède que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2016 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme A...D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.
Le rapporteur,
Marianne PougetLe président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03122